Qui a été Saint Syméon le Nouveau Théologien ?

Saint Syméon le Nouveau Théologien est l’un des plus importants écrivains spirituels de notre tradition orthodoxe. Il a vécu entre 949 et 1022, ce qui veut dire que l’année 2022, déclarée par le Saint Synode comme année dédiée à la prière, est également une année anniversaire du saint. Celui-ci a commencé sa vie comme noble en Asie Mineure, mais sa famille l’a rendu eunuque dès son enfance, afin qu’il puisse être envoyé pour vivre dans le palais impérial de Constantinople, au service de l’empereur. Il a trouvé cette vie si horrible qu’il s’est enfui et s’est réfugié au monastère de son père spirituel à Studium, et celui-ci a fait le nécessaire pour que Syméon devienne moine. Grâce à ses liens de noblesse, il a été bientôt nommé Higoumène de sa propre maison dédiée à Saint Mamas de la porte Xylokerkos de la ville. L’état de l’Église de son époque lui semblait assez lâche et trop soumis à l’État, c’est pourquoi il a essayé d’introduire des réformes qui mènent à une vie spirituelle plus ardente et plus centrée sur le cœur. Ceci a suscité des mécontentements dans son monastère, et certains moines ont comploté contre lui, sachant qu’il avait critiqué la vie déchue de la cour impériale. L’empereur hostile l’a fait arrêter et exiler de la capitale, mais ses disciples proches se sont rassemblés autour de lui dans l’exil et ont reconstruit un monastère sur la rive opposée, loin de Constantinople, où Saint Syméon a continué à écrire. L’un de ses derniers ouvrages a été le merveilleux écrit Hymnes de l’amour divin, ouvrage qui représente l’un des plus grands monuments de la tradition orthodoxe de prière mystique. Ses écrits ont toujours été appréciés au Mont Athos, mais il est resté largement méconnu des laïcs orthodoxes jusqu’au 20e siècle, lorsque ses ouvrages ont commencé à paraître en traduction : roumain, français, anglais et russe – et le nombre de ses lecteurs a augmenté.

Quel est l’héritage spirituel de Saint Syméon le Nouveau Théologien auquel nous pouvons avoir accès aujourd’hui ?

L’œuvre de Saint Syméon a surtout préparé la voie pour deux saints, qui ont joué un rôle très important dans le mouvement hésychaste : une pratique spirituelle qui souligne l’importance de la recherche de Dieu avec la conscience d’un cœur ardent. Il s’agit de Saint Grégoire Palamas (c. 1296 – 1359) et de Saint Païssy Vélitchkovsky, qui a vécu au 18e siècle, et qui, avec son père spirituel Saint Basile de Poiana Mărului, a approfondi la tradition hésychaste en Roumanie. La conviction fondamentale de Saint Syméon est que chaque fidèle devrait attendre d’avoir une expérience profonde et personnelle avec le Christ Seigneur : non pas une relation formelle ou craintive, ou basée sur l’accomplissement d’un nombre limité de devoirs spirituels, en espérant que ceci est suffisant pour gagner son salut.

Il nous exhorte à avoir un cœur enflammé d’amour pour Dieu, de façon à ce que chacun d’entre nous puissions connaître la présence du Seigneur dans notre vie, chaque jour de notre vie. Sa «clé» pour cela est, bien sûr, notre préparation, qui suppose de respecter les commandements et d’essayer d’être fidèles dans la prière, mais surtout de nous souvenir que le Christ est l’ami des pécheurs : et que si nous nous approchons du Seigneur en connaissant nos faiblesses et si nous ne nous cachons pas devant Lui, Il va nous bénir et nous dévoiler Son amour dans une amitié profonde et personnelle. Saint Syméon est atypique dans ses enseignements, puisque beaucoup d’autres pères spirituels ont suivi une voie qui insistait sur le fait que Dieu offre des dons spirituels et des révélations mystiques à ceux qui ont atteint des sommets dans leur vie ascétique, hommes ou femmes, après beaucoup d’année de persévérance dans l’expérience spirituelle. Selon Saint Syméon, un cœur humilié attire beaucoup d’amour de la part du Seigneur et une relation très personnelle, intime. Cet enseignement se retrouve partout dans son œuvre, mais peut être découvert aussi dans l’une des prières très connues avant la Communion (la 7e prière, n.n.) qui lui est attribuée (formée de plusieurs fragments des Hymnes) et où il parle du désir du Christ d’être l’ami intime du pécheur repentant. 

Quelles seraient les principaux enseignements que l’on peut tirer de l’œuvre de Saint Syméon le Théologien ?

Saint Syméon a fasciné les moines du Mont Athos pendant des siècles parce que, à côté du fait qu’il a appelé au repentir quotidien, ce qui n’est pas une activité de bas niveau pour les débutants dans la vie spirituelle, mais plutôt une habitude qui peut devenir une voie rapide vers une relation étroite avec le Christ, il a laissé aussi beaucoup de descriptions détaillées des visions de la lumière divine (thaborique) qu’il a vécues le long de sa vie. Il disait à ses disciples que l’expérience personnelle vivante de l’Esprit de Dieu dans le cœur du fidèle n’était pas réservée aux seuls saints, mais c’était le véritable but de la vie de chaque chrétien, et il a insisté sur le fait que les fidèles devraient commencer à prendre en considération et à réfléchir sur ce que signifie leur expérience personnelle de l’Esprit : non pas sur ce qu’on leur avait dit sur Dieu, ou sur quelles étaient leurs « suppositions », mais à ce qu’ils ressentaient en fait en réalité dans leurs cœurs et leurs âmes : quelle était la présence de Dieu dans leur vie ? Selon ce qu’il disait à ses disciples, c’était là le véritable début d’une vie spirituelle inspirée par le Saint Esprit et qui allait croître vigoureusement à partir de ce point. Il s’agit, certes, d’une recette non seulement pour le renouvellement de la vie d’un croyant au Christ, mais même pour le renouvellement de toute l’Église de notre époque.

En quoi consiste l’hésychasme ? S’agit-il seulement d’un mouvement spirituel ?

Cette approche s’est fait connaître sous le nom d’« hésychie ». Le mot provient du grec et signifie « la tranquillité de l’esprit » : mais il a été tellement utilisé aussi par les moines, que maintenant c’est aussi un mot qui veut simplement dire « moine ». Saint Syméon n’a pas été le seul maître orthodoxe qui a répandu cette tradition, celle-ci a été aussi centrale dans les écrits patristiques dès le début, et l’hésychasme, comme mouvement, a grandi parmi les moines jusqu’à devenir un grand arbre avec beaucoup de branches. Dans les temps modernes (après le 19e siècle, lorsque la Philocalie a été publiée), celui-ci est arrivé sous une forme modérée jusqu’aux laïcs orthodoxes du monde entier. L’une de ses branches est la méthode de prière connue sous le nom de « Prière de Jésus » ou « Prière du cœur » : une prière avec des mots simples, répétés, qui conduit à essayer de prier sans paroles, et où la conscience du cœur fusionne avec la conscience spirituelle du fidèle de la présence intérieure de Dieu. Nous savons tous à quel point il est difficile de maintenir la concentration dans la prière, et cette école hésychaste essaie de discipliner le corps, l’esprit (l’imagination), comme le cœur et l’âme (les sens supérieurs de notre noûs), de sorte que toutes ces parties composantes de la conscience humaine puissent travailler ensemble de manière harmonieuse (souvent elles sont en guerre les unes contre les autres dans nos vies bruyantes et occupées), pour permettre que l’expérience spirituelle de l’œuvre de Dieu en nous soit plus claire pour nous.

L’année 2022 a été proclamée par le Saint Synode de l’Église Orthodoxe Roumaine comme « Année hommagiale de la prière dans la vie de l’Église et du chrétien ». Quels sont les aspects définitoires de la prière dans l’œuvre de Saint Syméon le Nouveau Théologien ?

Cette année, déclarée par le Saint Synode comme année spéciale de réflexion sur la prière dans la vie du chrétien, Saint Syméon est un point de référence merveilleux et stimulant. Les hymnes de l’amour divin représentent un chef d’œuvre parmi les écrits spirituels, l’un des grands trésors de l’Orthodoxie, et malheureusement ils ne sont pas très bien connus. Ils ont été traduits dans des langues modernes et publiés dans des éditions accessibles seulement depuis très peu de temps. S’il fallait essayer de dire en quelques mots la contribution de Saint Syméon à notre réflexion actuelle sur le rôle de la prière aujourd’hui, je dirais ceci : le fait que nous ne pouvons pas prier avec passion ou pendant de longues heures ne doit pas nous faire croire que nous sommes loin de Dieu. Saint Syméon a dit qu’il faut seulement tourner à nouveau son cœur vers Dieu et l’inviter à venir à notre secours. C’est là le comble de l’humilité et du repentir et c’est ce mouvement qui fait que Dieu répand son amour sur l’âme qui revient ainsi vers Lui, qui fait que Dieu Se montre à cette personne comme son ami et son amour. Saint Syméon nous montre comment la prière peut devenir ardente et sincère : et que, même si les paroles et les prières formelles sont très nécessaires parfois pour nous aider dans notre voie, pourtant, lorsque le cœur se dirige avec confiance vers Dieu dans un silence aimant – des choses merveilleuses peuvent arriver.

Réalisé par le père Alexandru Ojică