Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Père Justin, comment avons-nous prié, nous les Roumains, le long des siècles ?
Comment priait le Roumain ? Moi je dis : de la même façon que j’ai vu des moines prier. En disant le Notre Père plus souvent que ne le disent les gens d’aujourd’hui, en disant le Psaume 50 et d’autres psaumes. Il y a des moines et aussi des fidèles qui demandent : puis-je prier avec le Psautier ? Puis-je prendre le Psautier, comme les ancêtres jadis, comme livre de chevet ? Je connais des situations où dans une maison de chrétien moins instruit il y avait au moins l’un de ces livres.
C’est ainsi que l’on revient encore à la mère ou surtout à la grand-mère, car elle avait un Psautier, le Livre des Heures étant apparu plus tard. Nous devons nous rapporter à quand et comment priaient les Roumains. Comment ont-ils prié ? Dans quelle langue ont-ils prié, tout d’abord ? Nous croyons qu’avant l’introduction du slavon, au XIVè siècle, ils priaient en latin vulgaire. Comment disaient-ils le Notre Père ? Le fait qu’ils priaient en langue latine vulgaire, comme nous le disent les philologues et les historiens surtout, est tout à fait clair. Ensuite ils ont prié en slavon et je vais dire un paradoxe : nous savons que Saint André Șaguna a publié également une Bible, car il était contrarié du fait que Ion Heliade Rădulescu, francisé à Paris, traduisait aussi en même temps la Bible. Saint André Șaguna, jusqu’à son dernier souffle, a prié en slavon. Le grand Roumain, le grand hiérarque, le grand législateur de notre Église, le fondateur de la Faculté de Théologie de Sibiu a hérité du slavon dans la prière parce qu’il y avait été éduqué depuis qu’il était petit ! Par conséquent, c’est important, et là je pense aussi à vous, car votre revue apparaît dans la diaspora, n’est-ce pas ? Comment prient les enfants là-bas ? Dans quelle langue ils prient ? Parce que dans l’église vous priez aussi dans une autre langue. Et nous pouvons faire le parallèle suivant : un historien des religions roumain, hasard ou non, nous a appris qu’il rêvait en roumain ; et la question est : arrivons-nous, sur notre couche, même dans le sommeil, lorsque certains se réveillent en priant, arrivons-nous, si nous vivons ailleurs et nous utilisons une autre langue, à prier, en nous réveillant à moitié sur notre couche, dans une autre langue de la même manière ? Et alors je dis : il est important de comprendre ce que l’on dit. Je crois, en ajoutant ici une chose délicate, que l’on peut confesser quelqu’un dans une langue étrangère. Que l’on me pardonne de donner un détail personnel, mais ma première confession je l’ai faite dans une autre langue, avec quelqu’un avec qui il n’était pas du tout facile de dialoguer. En revenant, nous avons prié pendant une période en slavon. Nous avons réussi ensuite à ajouter le grec et surtout le roumain, à partir du XVIè siècle ; nous n’avons pas beaucoup de témoignages, mais nous en avons certainement du temps de Matei Basarab. Dans la première moitié du XVIIè siècle, il est clair que nous avons des prières et des livres sacrés qui par la suite vont percer par l’intermédiaire d’un étranger, Saint Antim le Géorgien. Donc, vers 1700 nous pouvons dire (et c’est une chose merveilleuse) que l’on chantait aussi en roumain, grâce à Philotée fils de l’Aga Jipa. Je voudrais que l’on comprenne le fait que tout cela va ensemble. Car la prière est aussi, comme je l’ai dit dès le départ, un état qui comprend tout ce que nous voyons, entendons, sentons, tout ce qui s’est accumulé comme prière. Mais nous ne faisons pas un trésor de la prière ! D’autres le font, comme ils le font aussi pour les bonnes actions, et je pense qu’ils peuvent partager tout cela avec autrui.
Cela veut dire prier les uns pour les autres.
Nous savons que nous devons prier pour les autres, c’est même notre devoir. Mais en sommes-nous certains ? Nous avons la certitude que, si les gens viennent à l’église et laissent un diptyque, une liste de prières, s’ils n’ajoutent pas leur prière privée – et voici que nous en arrivons au troisième point – la prière domestique à la prière de l’église, je me demande si les gens qui viennent et ne restent pas à la Divine Liturgie, prient vraiment ? Ils viennent avec leurs demandes – et nous ne faisons pas de commentaire sur cela, car c’est difficile. J’ai accumulé des centaines de demandes, je ne sais pas si jamais je vais arriver à les assembler, et je suis ébloui par les choses délicates, merveilleuses, que je peux apprendre, mais aussi par les choses et les lieux communs pour lesquels je ne me réjouis pas. La question est si nous aidons l’église, surtout ici, comme des fondateurs qui considèrent que cette église devient non seulement un sacrifice, mais aussi une prière, car c’est un temple, n’est-ce pas ? Et alors, les gens font en premier lieu confiance au fait que l’Église prie, et qu’elle prie continuellement, mais ils veulent aussi qu’elle prie pour eux... Certains vont trop loin, et demandent même d’être mentionnés dans l’église par leur nom, vivants ou défunts. Pour ma part, je n’ai mentionné que ceux qui sont morts en décembre 1989 ou bien, exceptionnellement, à la Grande Entrée avec les Saints Dons. Par conséquent, l’église donne ou devrait donner au monde entier, non seulement à des personnes en particulier, le sentiment qu’il y a un lieu dans le monde où la prière ne cesse jamais. À savoir, en premier lieu, au Mont Athos. Ceux qui y sont allés savent que là il n’y a aucun moment où l’on ne prie pas et où il n’y a pas d’office. C’est une tradition qui dépasse celle des gens qui prient. Nous avons donc cet appui, comme un mur de défense, car nous savons que quelqu’un est continuellement dans la prière. Mais je pense aussi aux pays en souffrance, en Orient, où les gens prient également. Vous aussi, en Occident, vous priez, non seulement pour vous, mais aussi pour nous, qui sommes restés dans le pays. Et nous prions pour vous. Et j’ai vu avec joie cette prière, qui devient la plus haute des offrandes.
Comment pouvons-nous prier les uns pour les autres ?
Que disaient les anciens ? Car nous devons retourner aux origines. « Ils sont montés au temple pour prier. » (Luc 18, 10). Si nous voyons la parabole – « ils sont montés au temple » –, nous pensons que tous les lieux de culte dans toutes les grandes religions se trouvent sur des hauteurs. C’est David qui nous le dit, auteur de prières et poète : vers les montagnes, les âmes (Psaume 120, 1). Nous avons assez de témoignages même chez nous, dans notre pays. Il est donc clair que la prière suppose aussi cela. Parfois même le Sauveur se retirait dans la solitude. Lorsque nous en parlons, il est clair que nous ne séparons pas, mais nous prenons avec nous, et nous nous prenons nous-mêmes, malheureusement, car nous ne sommes pas toujours dans le meilleur état pour prier. Tout comme le Sauveur a choisi cet exemple pour venir maintenant avec un enseignement ou un détail supplémentaire, il est bon de prier avec les autres à la maison aussi bien que dans l’église, sur le chemin, dans les pélerinages ; on doit donc dire que nous avons besoin de la prière dans notre propre chambre. Je n’utilise pas le terme de cellule, mais celui de chambre. Nous nous retirons dans notre chambre, à proprement parler. Et ensuite dans la cellule de notre âme, et nous devons même nous demander : savons-nous où elle se trouve ? Les Pères nous disent qu’elle ne se situe pas dans un endroit particulier, même pas dans le cœur, même si pour ceux de l’Ancien Testament le cœur était le centre même de l’être humain. Pour les Grecs, c’est plutôt l’esprit qui est le centre de l’être humain. Voici donc comment nous essayons de réunir les mondes, la tradition hébraïque de la prière et de la bénédiction avec le monde grec d’avant le christianisme ; afin de comprendre que même d’un point de vue culturel, la primauté revient à Jérusalem. Nous savons des Pères, en premier lieu des Cappadociens, que Rome et Athènes passent après Jérusalem. Alors, comment réussissons-nous à convaincre les gens de la nécessité de la prière pour autrui ? Parce que j’ai vu de mes propres yeux comment prient les Roumains quand ils vont à Jérusalem. Je le dis avec regret, il n’y a pas assez d’intensité dans la prière, surtout dans des lieux où Jésus Lui-même, notre modèle de prière et plus encore, a prié et S’est sacrifié. C’est pour cela que je dis : comment nous nous manifestons-nous ? Comment savons-nous faire le signe de croix ? Comment savons-nous être délicats avec ceux qui nous entourent ? Ne pas vouloir emporter toute la sainteté en touchant les saintes reliques ? Car ceux qui ne sont pas contraires, mais attentifs et critiques, nous voient. Comment nous manifestons-nous lors de la Divine Liturgie ? À quelle heure venons-nous à l’office ? Que faisons-nous dans l’église ? Et comment nous manifestons-nous lorsque nous nous rassemblons pour des pélerinages auprès de certains saints, qui sont parfois proches de nous ? Par conséquent, comment nous manifestons-nous lorsque nous nous retirons dans notre chambre, dans notre cœur, à savoir dans notre personne profonde ? Et comment nous manifestons-nous dans l’église ? Comment respectons-nous le mystère d’une personne qui prie dans l’église ? Comment faisons-nous ce bon partage en suivant la bonne mesure spirituelle et bien évidemment le conseil spirituel ? Et qui est celui qui nous parle le mieux de la prière ? Qui est celui qui en fait peut dire : c’est bien comment tu pries, ou bien, tu pourrais ajouter quelque chose à ta prière ? C’est le père spirituel. Nous sommes donc arrivés à la mesure des orthodoxes. En tout, notre mesure c’est notre père spirituel. Heureux sont ceux qui ont un père spirituel, car s’ils l’ont, il prie certainement pour tous ses fils et ses filles spirituels, non seulement pour la famille. Et ici nous avons une chance en plus. Je voudrais apporter un hommage – mais je ne le fais pas, ni pour l’évêque Séraphin qui était notre collègue de faculté, ni pour le métropolite Joseph, que je connais depuis la jeunesse, la sienne et la mienne, en quelque sorte : ce sont des gens qui prient. Je suis si heureux que vous ayez le privilège, dans la diaspora, d’avoir la prière du hiérarque, et je ne donne pas le nom de tous, mais elle est un peu plus visible pour nous (et certains d’entre nous en connaissent la force). C’est la prière de la mère, de la grand-mère, notre prière, celle du père spirituel, celle de la communauté que nous rejoignons dans l’église et à la Divine Liturgie.
(à suivre)
P. Alexandru Ojică
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