Ajouté le: 4 Octobre 2022 L'heure: 15:14

Apprendre par cœur l'Evangile (59)

Marc 4, 1-20 - Grande Comparaison de Celui Qui Sème - 3

Aujourd’hui, nous nous attacherons à la fin de la péricope : versets 4,13 à 20. Ici le Christ donne à ses disciples, qui le lui demandent, l’explication de l’enseignement mystérieux.

Apprendre par cœur l'Evangile (59)

13 –                                                     Et il leur dit  

Vous ne saisissez pas cette comparaison     Et comment connaîtrez-vous toutes les comparaisons

14 –                                    Celui qui sème     sème la Parole

Le Christ – Verbe-Dieu – compare ici son enseignement, sa Parole, à de la semence qu’il sèmerait lui-même. La parole tombe dans nos oreilles, dans nos cœurs. Quel est le devenir de cette semence dans cette terre que sont nos cœurs-mémoires ? Quelle est sa trajectoire ? Quels obstacles ? Jusqu’où ira sa fructification ?

A –

15 – Or ceux-ci sont ceux du bord de la route,         là où la parole est semée

      quand ils écoutent, aussitôt le Satan vient         et enlève la parole semée en eux

 

Enlever, c’est en grec un verbe fort qui signifie ‘arracher à, piller’. C’est violent. Saint Luc donne la motivation du Satan : Le long du chemin sont ceux qui ont écouté ; ensuite vient le diable, il arrache la parole de leur cœur, de peur qu’ayant cru, ils ne soient sauvés. (Luc 8,12)C’est donc Satan qui a peur, peur que la Parole reçue dans le cœur ne fasse échouer son plan de mort éternelle pour l’homme.

C’est le premier degré dans la trajectoire de la parole : la terre sera-t-elle immédiatement pillée par le mauvais, par celui qui travaille sans relâche à la perdition de l’homme ? La terre est-elle exposée sans aucune défense ?

Pourtant, l’homme a écouté. Mais il n’a pas encore commencé à répéter. Il ne s’est pas armé du bouclier de la répétition. Il est sans défense devant l’ennemi.

B –

16 –                                      Et de même sont ceux semés sur les endroits pierreux

             qui quand ils écoutent la Parole                  aussitôt avec joie l’apprennent

17 – mais ils n’ont pas de racines en eux-mêmes                 mais ils sont ceux d’un moment

      après cela advienne une oppression                 ou une persécution

à cause de la Parole

aussitôt cela les fait tomber.

Ici, l’homme a appris avec joie. Il a commencé la répétition amoureuse, mais insuffisamment : il a fait des radicelles mais pas encore de racines ! Il n’a pas persévéré. Le cœur n’est pas imprégné, il n’est pas gardé et reste immature. Il sera sujet à la peur.

Quand vient l’épreuve, cet homme tombe – ‘skandalon’, en grec – ce qui signifie la présence d’un ‘piège’.1 Il est pris au piège du Malin – encore lui : jamais il ne dort celui-là, jamais il n’infléchit son action.

C –

18 –                             Et d’autres sont ceux semés dans les épines ;

ceux-ci sont ceux qui ont écouté la parole

     mais les soucis du monde présent                    et la tromperie de la richesse,

                                                                               et les désirs pour tout le reste,

19 –        entrant en eux, étouffent la parole           et elle devient sans fruit.

L’homme a appris, il a répété, des racines se sont développées mais … il y a trop de monde ! il y a trop de mauvaises herbes, et la plante étouffe, elle végète. Les soucis du monde, les illusions et les convoitises prennent toute la place dans ce cœur. Il n’a pas le temps, pas le loisir de s’imprégner de la Parole, de la laisser descendre en lui, de la ‘comprendre’ au sens de ‘prendre avec soi, ou en soi’, et de la ‘faire’, ou ‘mettre en pratique’. Il est agité, dispersé. Là encore le Malin gagne : la terre ne donne pas de fruit.

C’ – B’ – A’ –

Enfin vient le positif :

20 –                    Et ceux-là sont ceux              ayant été semés dans la belle terre

     ceux qui écoutent la Parole             et la reçoivent au-dedans d’eux

et portent du fruit

l’un trente, et l’autre soixante et l’autre cent

-Au premier chapitre de la Genèse, Dieu qualifie ses créatures de ‘belles’ : « Et Dieu a vu la lumière, cela est beau », etc. Donc, cet adjectif s’applique à ce qui est béni de Dieu. Si la terre est‘belle’, c’est que Dieu la connaît et l’a bénie. Elle est en relation avec Dieu. Nous, en effet, sommes baptisés. Nous ne sommes pas des inconnus pour Dieu. Le Christ s’adresse à ses disciples, à ceux qui portent son Nom, aux chrétiens.

Cette ‘belle’ terre peut donc produire trois types de rendement, 30, 60 et 100 pour un.

-Ce verset 20 nous indique la progression de notre chemin spirituel, la trajectoire de croissance de la Semence en l’homme.

Ils écoutent la Parole, c’est-à-dire qu’ils la répètent avec la bouche, car dans le monde ancien de transmission orale tel celui de l’Évangile, on n’a pas ‘écouté’ si on ne s’est pas rendu capable de répéter mot pour mot la parole du Maître. La répétition amoureuse avec la bouche est le premier degré de la trajectoire. Il y faut du temps.

Ce faisant, on accueille en soi la Parole, on la reçoit au-dedans, on la fait sienne, on la ‘comprend’. Elle descend dans le cœur ; il faut encore du temps ; c’est le deuxième degré.

Et enfin, puisqu’on a accueilli-compris, on peut ‘faire’-accomplir-mettre en pratique la Parole, lui faire porter du fruit. C’est dans les mains : troisième degré de la trajectoire. Cela prend le temps de toute la vie ! Mais le temps est donné pour cela !

Pour entretenir ces pensées, dans la Fraternité Saint Marc,2 on chante souvent Deutéronome 30,14 : La Parole est tout près de toi ; elle est dans ta bouche, et dans ton cœur, et dans tes mains pour la faire.

-Pour 30, 60 et 100, nous irons voir chez Saint Irénée de Lyon.3

À la fin de son ouvrage intitulé : « Contre les hérésies », au Livre V, chapitres 35 et 36, on peut lire :

Dans Isaïe 66,22 le Seigneur dit : « Comme le ciel nouveau et la terre nouvelle que je vais créer subsisteront devant moi, ainsi subsisteront votre postérité et votre nom. » (…) Ceux qui auront été dignes du séjour du ciel y pénétreront, tandis que d’autres jouiront des délices du paradis, et que d’autres encore possèderont les splendeurs de la cité – donc trois lieux de séjour possibles pour les justes dans la terre nouvelle : le séjour du ciel, lieu le plus proche du trône de Dieu, leparadis, puis la cité, parfois appelée Eden. Voilà où se trouveront ceux dont les noms sont inscrits dans les cieux. (Luc 10,20). Ces différents noms de lieu évoquent une progression dans la proximité du Trône de Dieu.

… Mais partout, Dieu sera vu, dans la mesure où ceux qui le verront en seront dignes. Telle sera la différence d’habitation entre ceux qui auront produit cent pour un, soixante pour un, trente pour un : les premiers seront enlevés aux cieux, les seconds séjourneront dans le paradis, les troisièmes habiteront la cité.

Comme l’Écriture Sainte aime la structure en chiasme,4 on peut affirmer que le rendement de trente correspond au troisième terrain : épines et lutte contre les passions (C’ – C) et mène à la cité ; que le rendement de soixante pour un correspond au deuxième terrain : pierraille et persévérance dans l’épreuve (B’ – B) et mène au Paradis ; et enfin que le rendement cent pour un correspond au premier terrain : la route, où le Satan pille ce qui n’est pas défendu, pas gardé (A’ – A), alors que cette personne est tout spécialement attendue par Dieu dans le ‘séjour du ciel’.

La lutte contre les passions est le premier travail besogneux de tout baptisé ; la persévérance dans l’épreuve, qui n’est pas forcément le martyre du sang, concerne à peu près tout le monde ; puis vient la garde du cœur, le dialogue incessant avec Dieu, la vie humble sous le regard de Dieu. Pour tous aussi.

Ainsi l’homme sera sauvé, associé à la Vie éternelle de Dieu, et Satan aura échoué.

On voit que cette péricope décrit la progression dans la vocation du chrétien, l’avancée de sa vie spirituelle, de son rapprochement d’avec Dieu. Et en donne le moyen.

Après les deux premières comparaisons5 : unité requise dans la communauté / contraire de division ; et foi indéfectible en la victoire du Plus Fort sur le Fort (nom que donne la Bible à Satan6), voici le troisième élément de la loi nouvelle que donne Jésus au cours de cette troisième et longue parabole : sa Parole est semence de Vie. Elle nous accompagne, nous protège et nous guide dans notre vie spirituelle, jusqu’à nous mener à la Vie.

Nous serons sages si nous la recevons en nous et la mettons en pratique.

Gloire à Dieu pour tout.

Notes :

1. En grec, ‘skandalon’ ne signifie pas quelque chose de honteux, de scandaleux, mais un piège au sens très concret du terme : Le chasseur dispose des fosses sur le trajet du gibier. Il cache ces trous en les recouvrant de branchages. Quand passe l’animal, celui-ci tombe dans le trou. Ainsi on comprend bien que le ‘skandalon’, le piège, est occasion de chute.
2. ‘Fraternité Saint Marc’ est le nom que s’est donné en 1987 le groupe qui se réunissait autour de Anne et Bernard Frinking pour partager avec eux l’étude et la récitation de l’Évangile selon Saint Marc. Bernard est l’auteur de la traduction, et Anne l’auteur de la musique.
3. Saint Irénée de Lyon (140-202). Père de l’Église du IIè siècle, né en Asie Mineure, disciple de Polycarpe lui-même disciple du Saint Apôtre Jean. Il vint en Gaule, et fut évêque de Lyon – Son ouvrage principal « Contre les hérésies », est une réfutation des hérésies gnostiques qui fleurissaient alors, et une défense de la foi chrétienne. « Contre les hérésies », Éditions du Cerf, Paris, 1991
4. Le ‘chiasme’ est une forme littéraire très fréquemment utilisée dans la culture orale, car elle est facilitatrice de la mémoire. Homère en a fait grand usage, comme la Bible. Dans une narration en chiasme, les éléments du récit se correspondent symétriquement, disposés de part et d’autre du point de bascule – exprimé ou non – qui est le centre du chiasme. Ici, on a : terrain A, terrain B et terrain C, et leurs rendements 30, 60 et 100, énumérés dans cet ordre. Il faut se représenter que le rendement 30, qu’on appellera C’, correspond au terrain C ; le rendement 60, appelé B’, correspond au terrain B, et 100 ou A’, correspond au terrain A. C’est totalement logique et sans équivoque dans cette culture non écrite. NOTA – Le Père Jean Breck (professeur émérite de l'Institut Saint Serge à Paris), a démontré par exemple, la construction en chiasme du Prologue de Saint Marc (Mc 1,1-15), et j’en ai moi-même fait un article : Apprendre par cœur l’Évangile XVII, « Un chiasme », in Apostolia 94-96 de janvier 2016.
5. Article Apprendre par cœur l’Évangile n°52, au sujet de Marc 3,22-27 : « Le Royaume divisé & la maison du Fort », paru dans Apostolia n° 156, mars 2020.
6. ‘Le Fort’ désigne Satan : Le Seigneur rachète Jacob ; il le revendique, le délivrant d’un plus Fort. (Jérémie 31,11 – TOB 2011).
Mais le Seigneur est plus fort que le Fort : Et toute chair saura que moi je suis le Sauveur (= Jésus / Yéshoua’), que ton Rédempteur, c‘est le Fort de Jacob. (Isaïe 49,25 – LXX, mot à mot d’après le grec.)Et la Liturgie l’acclame : Saint Dieu, Saint Fort (ischiros), Saint Immortel.
Luc, quant à lui est clair : Quand l’homme fort avec ses armes garde son palais, ce qui lui appartient est en sécurité (c’est Satan). Mais que survienne un plus fort qui triomphe de lui (c’est Jésus), il lui prend tout l’armement en quoi il mettait sa confiance, et il distribue ses dépouilles. (Luc 15,21-22 – TOB 2011). Certitude de la force invincible du Rédempteur, certitude de sa victoire, fonde notre foi.

Apprendre par cœur l'Evangile (59)

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