Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
« Efforcez-vous d’entrer par la Porte étroite »
(Lc 13/22-30 ; Mt 7/13-14 et 22-23, 8/11, 25/10-12)
Cette péricope présente un grand intérêt, parce qu’elle est une synthèse de l’enseignement du Christ sur l’entrée difficile dans le Royaume de Dieu, dont on retrouve de nombreux éléments épars chez Saint Matthieu, et parce que le Seigneur répond à une question posée, qui, pour une fois, n’est ni un piège, ni malveillante. Le Christ est toujours pédagogue : Il parle en fonction des personnes, des lieux et des circonstances. Mais Il ne Se dérobe jamais à une question difficile : Il dit toujours la vérité, parce qu’Il est la Vérité et qu’Il est le Verbe du Père. C’est le cas ici.
La scène se passe après la guérison de la femme courbée le jour du sabbat1 et les deux paraboles du grain de sénevé et du levain caché dans la pâte2, et juste avant une terrible apostrophe à Jérusalem où le Christ prophétisera sa condamnation et sa destruction3. Nous sommes probablement au début de la 3e année de mission du Seigneur. Et, comme la tradition situe la guérison de la femme courbée à Corozaïn, il est possible que cela se passe en Galilée, mais Saint Luc nous précise que le Christ est « en route vers Jérusalem » (peut-être pour y fêter la Pâque). Comme l’évangéliste dit que le Christ « passait par villes et villages en enseignant », et donc qu’Il était en pleine mission, on peut supposer que la personne qui L’interroge Le connaît, sinon, du moins, qu’elle vient d’entendre Son enseignement. La question est pertinente et indique un certain désarroi : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ? ». On peut rappeler que les Apôtres eux-mêmes parleront dans ce sens lors de la rencontre avec le Jeune homme riche, quelques mois plus tard, en disant au Maître : « Et qui donc peut être sauvé ? », tant le commentaire du Christ leur paraissait impossible (« le chameau qui passe par le chas d’une aiguille »…)4. Chacun de nous peut se poser cette question.
Le Seigneur Se fait ici plus pédagogue qu’avec Ses disciples : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite [du Royaume de Dieu] ». Notons d’abord qu’Il dit : « efforcez-vous », ce qui signifie « faites des efforts », et aussi « essayer d’y arriver », ce qui est moins rude que le chameau dans le chas de l’aiguille. C’est un précepte spirituel, qu’il faut entendre de façon spirituelle. En fait cela correspond à tout ce qu’Il avait déjà dit et qui est le chemin spirituel de l’Homme. Ne peuvent entrer en communion avec le Dieu humble et doux5 que ceux qui sont devenus humbles et doux. Cela signifie de ne pas être centré sur soi-même, mais sur Dieu, puis tourné vers les autres, et de ne pas être riche pour soi-même, mais d’être riche pour Dieu, et pour donner aux autres. Le Christ nous enseigne à faire l’abnégation de nous-mêmes, à mourir à nous-mêmes, ce qui est ressemblant à la kénose divine. Ce principe divin est la clé de toute vie spirituelle et il correspond à ce qu’Il dira plusieurs fois : prendre sa croix et Le suivre, ce qui signifie accepter la souffrance et la mort (pour Dieu). C’est un chemin difficile, qui demande beaucoup d’efforts et de persévérance. Le Seigneur l’avait déjà dit dans Son discours inaugural rapporté par Saint Matthieu, en en faisant un commentaire imagé : « large est la porte et spacieux le chemin qui conduisent à la perdition [la mort éternelle], et il y en a beaucoup qui entrent par là, mais étroite est la porte et resserré le chemin qui conduisent à la vie et il y en a peu qui les trouvent »6. Le Christ nous dit : il est beaucoup plus facile et agréable de descendre une montagne – et de se perdre – que d’y monter pour s’élever jusqu’au Dieu incréé – et entrer en communion avec Lui – c’est à dire être déifié. Nous expérimentons tous cela constamment.
Puis Il insiste : « beaucoup chercheront à entrer [ce qui est très différent de s’efforcer de le faire] et ne le pourront pas », parce qu’ils ne sont pas parvenus à la ressemblance à Dieu (par l’humilité). Et lorsque le Maître aura fermé la Porte [c’est-à-dire aura prononcé le jugement de tous les hommes], ils auront beau frapper à la porte et crier « Seigneur, ouvre-nous ! », Je leur répondrai : « Je ne sais pas d’où vous êtes » ; vous n’êtes pas des enfants de Mon Père céleste, qui est aussi votre Père. Cela rejoint la parabole des Vierges sages et folles7, où l’Époux répond aux folles : « Amen, Je ne vous connais8 pas » ; nous n’avons pas le même Père, la même source. Vous aurez beau insister en rappelant que vous aviez « mangé et bu devant Moi » (mais pas avec Moi) et que Je vous avais enseigné là où vous viviez (« sur nos places »), mais vous ne M’avez pas écouté, ni mis en pratique Mes commandements.
Alors, Je vous dirai : « Éloignez-vous de Moi, vous qui commettez l’injustice », vous qui n’êtes pas conformes aux pensées justes de Mon Père céleste. Chez Saint Matthieu, toujours dans le Discours inaugural, mais un peu plus loin9, le Christ avait donné une précision capitale : « n’entrera dans le Royaume céleste que celui qui fera la volonté de Mon Père céleste », et Il était allé encore plus loin en mettant dans la bouche de ceux qui voulaient entrer à tout prix : « N’avons-nous pas prophétisé en Ton nom, chassé les démons et fait beaucoup de miracles ? », ce qu’Il reprend chez Saint Luc (« nous avons mangé et bu devant Toi, et Tu as enseigné sur nos places »). C’est très difficile à comprendre, mais on peut estimer que cela signifie : vos œuvres sont restées extérieures sans changer votre cœur, ou : vous n’avez pas persévéré et vous avez chuté. C’est l’opinion de Saint Jean Chrysostome : « ils ne vivaient pas mal lorsqu’ils faisaient des miracles : ils se sont corrompus et sont tombés dans l’iniquité »10. Et il rapproche cela de l’hymne à la charité de Saint Paul « … si je n’ai pas la charité [l’amour] cela ne sert de rien »11. Le verdict du Maître chez Saint Luc est le même que chez Saint Matthieu : « Je ne connais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de Moi, vous tous faiseurs d’injustices »12.
Et Il ajoute in fine : « Lorsque vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes », attablés avec Dieu, et vous, « les fils du Royaume jetés dans les ténèbres extérieures », vous pleurerez et vous grincerez des dents. N’oublions pas que le Christ s’adresse à des Juifs, peuple élu depuis 2000 ans (Abraham). Mais, comme Il le dira peu de temps après, dans la parabole du Banquet céleste : la salle des noces du Royaume de Mon Père sera pleine13, car « beaucoup viendront du Levant (l’Orient) et du couchant (l’Occident), et du Nord et du Sud dans le Royaume des Cieux… », c’est-à-dire des quatre points cardinaux, de tous les peuples : c’est une annonce de la conversion des Gentils et de l’Église des nations. Puis il conclut : il y a des derniers [les Gentils] qui seront premiers [chrétiens] et des premiers [les Juifs] qui seront derniers [rejetés dans l’Enfer]. Chez Saint Matthieu, Il dit « beaucoup ».
En fait, le Seigneur redit ce qu’Il avait dit au début, dans Son Discours inaugural. Il ne cache rien : Il dit la Vérité. La prophétie s’accomplira : très peu de Ses frères juifs Le suivront et constitueront le noyau initial de l’Église. Tandis que des foules de païens viendront à Lui, des quatre points cardinaux, de toutes les régions du monde, de toutes les civilisations et cultures. La Maison du Père, le Royaume de Dieu, sera pleine, conformément à Sa volonté bonne. Puissions-nous y entrer en mettant en pratique l’enseignement du Christ.
P. Noël TANAZACQ, Paris
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