Ajouté le: 2 Janvier 2023 L'heure: 15:14

L’entretien du Christ avec Nicodème le Pharisien.

Le Maître initie un sage d’Israël au mystère de la nouvelle naissance (Jn 3/1-21)

L’entretien du Christ avec Nicodème le Pharisien.

Cet Évangile, qui est long et d’un contenu théologique très élevé, est étonnant à plusieurs égards. D’abord parce que l’initiative ne vient pas du Christ, mais d’un Pharisien membre du Sanhédrin, ensuite parce que cette rencontre est secrète (la nuit) et enfin parce que le Seigneur dévoile un mystère théologique quIl na pas encore révélé à Ses disciples, appelés récemment. Cet évènement nest rapporté que par Saint Jean. Il est probable qu’il le tienne de la bouche même de Nicodème, puisqu’il était présent avec lui (et Joseph d’Arimathie) lors de la descente de croix et de la mise au tombeau du Christ. Il ne semble pas que cette péricope soit lue un dimanche dans aucun rite.

Situons d’abord l’évènement dans la mission d’évangélisation du Christ. D’après Saint Jean, cela se passe après les Noces de Cana, qui ont dû avoir lieu après le retour du Seigneur de Judée (à la suite de Son baptême)1, mais probablement pas immédiatement après. Il est raisonnable de penser que le Christ s’est déjà installé à Capharnaüm avec Ses disciples, du moins avec une partie. Par contre Saint Jean est assez précis, en ce qui concerne cet évènement : le Christ est monté à Jérusalem pour la Pâque (celle de Sa première année de mission), où Il a fait la première purification du Temple (qui n’est rapportée que par Saint Jean), ce qui Lui a valu la haine du Sanhédrin. Et c’est probablement à cette occasion que Nicodème a pu le rencontrer, car Nicodème résidait à Jérusalem et Jésus en Galilée.

Qui était Nicodème ?Il était un Pharisien, comme Saint Jean l’indique, c’est-à-dire membre d’une « secte » juive rigoriste, « notable des Juifs »2, c’est-à-dire un grand personnage, membre du Sanhédrin, et, comme le qualifie le Seigneur, un « docteur », c’est-à-dire un maître enseignant la Loi, un scribe. La tradition nous apporte plus d’informations. Il était très riche (gros propriétaire terrien) et issu d’une grande famille juive de Judée, originaire de Jéricho3. Il était un ami de Joseph d’Arimathie « membre éminent du Sanhédrin » (Mc 15/43). C’est grâce à Lazare et à Joseph d’Arimathie qu’il avait rencontré Jésus, dont il était devenu « disciple en secret, par crainte des Juifs », comme Saint Jean le dit à propos de Joseph (Jn 19/38-39). Cet homme pieux, savant, réputé et riche, aurait pu se contenter d’être ce qu’il était, sans plus. Mais il fait une démarche spirituelle remarquable. Il sait que le rabbi Jésus de Nazareth, qui parle d’une façon divine et accomplit des miracles, est le Messie et il veut approfondir sa foi, comprendre le sens profond des Écritures, abreuver son âme à la source même de la vérité. Il a compris que Dieu passait dans sa vie et il ne veut pas rater la rencontre de sa vie. Il va alors aller trouver Jésus (peut-être chez Lazare, où Jésus logeait lorsqu’Il était à Jérusalem) de nuit,  par prudence vis-à-vis du Sanhédrin, pour Le rencontrer face à face.

Il commence l’entretien par une parole remarquable, qui relève du bon sens : « Rabbi, nous savons que Tu es venu de la part de Dieu, comme Maître, car personne ne peut faire ces signes [les miracles] que Tu fais si Dieu n’est pas avec Lui ». C’est une évidence, qui aurait dû êtrepartagée par tous les membres du Sanhédrin. Le Christ, voyant qu’il a compris, lui fait alors une révélation théologique exceptionnelle : « Amen, amen, Je te le dis : si quelqu’un ne naît pas à nouveau [ne re-naît pas], il ne peut voir le Royaume de Dieu. En fait Jésus a lu dans son cœur la question qui le préoccupait (comment entrer dans le Royaume de Dieu ?) et Il y a répondu avant qu’il ne la Lui pose. Alors, le dialogue s’engage. Nicodème qui s’en tient au sens littéral des termes utilisés par le Christ4, comme le faisaient et le feront tous les Pharisiens, pose alors une question qui pourrait nous faire sourire : comment un vieillard pourrait-il naître [renaître] et rentrer dans le ventre de sa mère pour naître ? Jésus va alors révéler à Nicodème le sens spirituel de ce qu’Il vient de dire : « Si quelquun ne naîtpas deau et dEsprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ». En fait, le Christ révèle le baptême chrétien, et Il annonce la venue de l’Esprit-Saint. C’est très clair lorsqu’Il parle du « vent qui souffle où il veut » et termine en disant : « ainsi est quiconque ayant été engendré5 de l’Esprit ».La nouvelle naissance n’est pas charnelle, comme la première (« ce qui est né de la chair est chair »), elle est spirituelle (« ce qui est né de l’Esprit est esprit »). Ce "logion" divin – parole qui sort de la bouche même de Dieu – est la clé de compréhension de l’incarnation du Verbe et de toute la religion chrétienne. Si l’homme ne devient pas « esprit », il ne peut pas être déifié, ni donc entrer dans le Royaume de Dieu. Seule l’incarnation du Fils de Dieu pouvait racheter la faute d’Adam et Eve, parce que, étant devenu Lui-même « Adam » (Nouvel Adam), Il a pu accomplir ce que le premier Adam n’avait pas pu ni voulu faire.

Nicodème, probablement abasourdi par une telle révélation – divine – ne peutmême pas demander une explication, unéclaircissement ;il se contente alors de dire : « Comment ces choses peuvent-elles arriver ? », comment cela pourrait-il être possible ? Le Seigneur le reprend comme un Maître reprend son disciple : « Tu es maître en Israël et tu ignores ces choses ? ». Àtravers Nicodème, Jésus reprend les Pharisiens, les scribes, les sanhédrites et tout le peuple d’Israël. Vous qui étudiez les Écritures depuis des siècles, et qui les connaissez par cœur au plan littéral et grammatical, comment pouvez-vous en ignorer l’esprit ? Vous avez oublié l’essentiel. Il faut rappeler que, dès le début, Jésus a dû affronter une terrible hostilité : les habitants de Nazareth viennent de Le chasser et ont voulu Le lapider, Le tuer !

Après cette révélation fondamentale, Son discours ne va plus être théologique "stricto sensu", mais pastoral, « théophanique », en révélant qu’Il est leMessie : « Personnene monte au Ciel, sinon Celui qui est descendu du Ciel, le Fils de l’Homme », ce qui signifie : Je suis le Fils de Dieu, et donc Dieu. Il annonce aussi Son sacrifice en rappelant sa préfigure, par Moïse (« qui éleva le serpent [sur une croix] dans le désert ») : « de même faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé6, afin que quiconque croit en Lui ait la vie éternelle ». Il vamêmeplus loin, en révélant le dessein de Dieu, Son Père céleste : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné Son Fils unique… ». Et Il a envoyé Son Fils non pas pour juger le monde, mais pour le sauver, àcondition de croire en Lui. Ici le Seigneur s’adresse à tous les Juifs, et à tous les hommes. Et Il termine par un jugement, qui est proche du Prologue de Saint Jean : « la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont aiméles ténèbres plus que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Cf. Jn 1/4-5 ; 9-11).

En fait le Christ révèle à Nicodème – et à nous, lecteurs de l’Évangile – toute l’histoire du salut qu’Il va accomplir. Il est extraordinaire que le Christ révèle ici, au début de Sa mission, et à un homme « ordinaire » (qui ne fait pas partie de Son équipe, le collège apostolique), ce qu’Il révèlera trois ans plus tard et seulement aux 11 disciples (Juda était sorti du Cénacle), car il y a dans cette révélation beaucoup d’éléments de Son « dernier discours », qui est la plus grande révélation jamais donnée par Dieu aux hommes. Le Christ agit toujours avec une liberté souveraine – divine – devant laquelle nous sommes muets d’admiration.

L’entretien s’arrête là de façon abrupte. Il n’avait pas d’introduction, il n’a pas de conclusion : il est comme un « trésor caché dans un champ » (Mt 12/44), surprenant, déconcertant. Dieu agit souvent ainsi dans nos vies… Mais nous verrons par la suite qu’il portera beaucoup de fruits spirituels.

Nicodème, qui était favorable à Jésus, va se convertir et devenir un disciple du Christ. Il prendra ouvertement la défense du rabbi Jésus devant le Sanhédrin lors de la fête des Tentes, trois ans plus tard, alors que les grands-prêtres et les Pharisiens voulaient faire arrêter Jésus : « notre Loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait ? » (Jn 7/51), ce qui était courageux. La tradition dit qu’il quitta le Sanhédrin lors du procès de Jésus, comme le fit son ami Joseph d’Arimathie : ainsi ils ne participèrent pas à la condamnation à mort du Messie et sauvèrent l’honneur du Judaïsme et d’Israël. Enfin, avec Joseph d’Arimathie, il descendra de la Croix le corps précieux du Christ et apportera les aromates pour Lui faire l’onction mortuaire. La tradition dit que c’est lui – avec Joseph – qui conservera le saint Linceul7 du Christ et l’offrira à Marie Sa Mère, et qui conservera le saint Suaire8 du Christ, en le mettant dans un reliquaire à l’effigie du Christ souffrant. Il aurait été baptisé ensuite par les Apôtres Pierre et Jean, aurait été persécuté par les Juifs et aurait trouvé refuge chez son parent et ami, le célèbre rabbi Gamaliel, le maître de St Paul. Ses reliques ont étéretrouvées en 415 (avec celles de St Étienne) par un prêtre nommé Lucien. Il a été considéré comme un saint par les Églises d’Occident, et Il est fêté le 3 août, de même que Gamaliel.

Au-delà du destin personnel de Saint Nicodème le Myrrhophore, c’est grâce à lui que se trouve dans l’Évangile le « monument » théologique que constitue son entretien avec le Christ. En allant hardiment questionner le Messie sur le but de la vie sur terre, il a accompli une bonne œuvre pour Israël, pour l’Église et pour toute l’humanité.

P. Noël TANAZACQ, Paris

Notes :

1. La chronologie de Saint Jean est très difficile à comprendre, parce qu’il a écrit son Évangile environ 30 ans plus tard que les trois autres et qu’il a surtout parlé de ce qu’ils n’avaient pas abordé (ou peu), d’où parfois un manque de lien entre les péricopes.
2. Le terme grec est Archôn tôn Ioudaiôn : ancien des Juifs, chef des Juifs, ce qui indique qu’il est membre du Sanhédrin, sans le dire explicitement.
3. Les Ben Gorion. Il est mentionné deux fois dans le Talmud [commentaire de la Michna, qui est la tradition orale], ainsi que par l’historien juif Flavius Josèphe.
4. Les Pharisiens étaient formalistes et s’en tenaient à la lettre de l’Écriture, ce que le Christ leur reprochera souvent.
5. Le terme grec gegennêmenosvient degennaô, engendrer : c’est le terme utilisé pour l’engendrement physique, charnel.
6. Tous les Juifs pieux savaient que « être élevé » signifiait être crucifié.
7. Le saint Linceul de Turin.
8. Le saint Suaire d’Oviedo.

L’entretien du Christ avec Nicodème le Pharisien.

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