Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Une révélation de la miséricorde divine
(Mt 9/10-13 ; Mc 2/15-17 ; Lc 5/29-32)
Cet évènement, apparemment mineur et qui peut nous surprendre 2000 ans après, nous permet de comprendre l’intention divine qui présidait à l’évangélisation du Christ et le choc qu’elle a représenté avec le judaïsme officiel. Il n’est pas étonnant que les trois Synoptiques le rapportent, à peu près dans les mêmes termes.
Situons-le d’abord dans la vie publique du Seigneur et dans son contexte juif. Cela se passe immédiatement après l’appel de Lévi (futur Apôtre Matthieu) au poste de douane de Capharnaüm, et donc au début de la mission du Christ, peu de temps avant le Discours inaugural, bien que Matthieu, qui raconte son propre appel, le situe après, ce qui semble impossible puisque les Douze y étaient présents. Ensuite, c’est probablement Saint Luc qui est le plus précis : Lévi « fait un grand festin dans sa maison », avec tous ses amis publicains, autour de « Jésus et de Ses disciples ». Saint Matthieu dit simplement « dans la maison », et Saint Marc « dans sa maison », ce qui est imprécis, parce qu’il pourrait s’agir de celle du Christ, qui s’était installé avec Ses disciples à Capharnaüm (après avoir été chassé de Nazareth). Cela peut sembler normal à notre époque, mais ça n’était pas du tout le cas en Israël, dans la société juive, et va provoquer un affrontement avec les tenants du judaïsme officiel.
Pour comprendre, il est nécessaire de rappeler qui étaient les publicains, et ce que disait la Loi de Moïse vis-à-vis de cette catégorie sociale.
Capharnaümétait une petite ville au bord de la mer de Galilée à 4 km à l’Ouest du débouché du Jourdain, et donc à la frontière de deux États vassaux des Romains, la Tétrarchie d’Hérode Antipas1, la Galilée, et celle d’ [Hérode] Philippe, l’Iturée et la Gaulanitide, qui commençait à l’Est du Jourdain. Là, il y avait un poste de douane où l’on percevait les impôts indirects. Les péagers étaient des « publicains », c’est-à-dire des collecteurs d’impôts indirects pour le compte des Romains, des Juifs appartenant à des corporations qui affermaient les péages à l’État2. Ces publicains étaient considérés comme des pécheurs publics3 en raison de leurs liens avec l’occupant païen (ils touchaient l’argent impur, idolâtrique4) et parce qu’ils avaient un genre de vie hellénisé, luxueux (du style « nouveaux riches ») ; ils étaient aussi détestés parce qu’ils s’efforçaient de récupérer beaucoup plus que ce qu’ils avaient avancé à l’État5 et étaient souvent malhonnêtes.
Les Publicains étaient des juifs, certes, mais ils étaient assimilés aux païens, en raison de leur proximité avec eux et de leur genre de vie : ils étaient donc considérés par la Loi de Moïse comme impurs rituellement, au même titre que les païens (qui adoraient des idoles), les hérétiques (comme les Samaritains) ou les lépreux. Un juif pieux ne leur adressait pas la parole, ne les touchait pas, n’entrait pas dans leur maison, ne mangeait pas avec eux, par crainte de se souiller6. Lorsque les « scribes7 et les Pharisiens8 » (Mc ) voient que le Rabbi Jésus de Nazareth, qui est déjà très célèbre par Ses miracles et Ses enseignements, participe à un banquet avec des Publicains, et probablement dans la maison d’un Publicain, ils sont extrêmement choqués : ils « murmurent » (Lc) contre Lui. Mais ils n’osent pas le Lui dire, ou ne peuvent pas L’approcher, puisqu’Il est certainement à la place d’honneur dans le banquet. Ils se plaignent alors à certains de Ses disciples pour qu’ils Le Lui en fassent le reproche : « Pourquoi votre Maître mange-t-Il avec les publicains et les pécheurs9 ?
À ce grief « officiel », qui pourrait sembler conforme aux règles du judaïsme, s’ajoute le fait, dissimulé, qu’ils ont été jaloux immédiatement de la notoriété de Celui qu’ils considèrent comme un « petit rabbi de province », parce qu’Il attire les foules à Lui et fait de grands miracles. Leur jalousie10 se transformera rapidement en haine. Ils ont trouvé un angle d’attaque pour Le calomnier, pour montrer à tous qu’Il n’est pas un bon juif, puisqu’Il transgresse la Loi de Moïse, et donc qu’Il n’est pas le Messie. C’est un moment grave et important pour Jésus, parce que les apparences sont contre Lui et qu’Il ne peut pas rester silencieux face à cette attaque publique. Mais « Jésus a entendu » ces murmures, et Il va répondre à haute voix à Ses contradicteurs, à Israël et à toute l’humanité, en révélant les pensées de Son Père céleste, qui L’a envoyé dans le monde : « Ce ne sont pas les gens bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les mal-portants ». Le bon sens divin clôt la bouche des menteurs. Vous vous considérez comme bien-portants, alors que vous Me rejetez, Moi le seul Médecin des âmes et des corps, le Sauveur du Monde : vous n’avez donc pas besoin de Moi, et Je ne pourrai rien faire pour vous. Je suis venu soigner ceux qui se considèrent comme mal-portants, malades spirituels et moraux, et qui M’accueillent. Je suis venu pour eux. Car on ne peut pas guérir si on ne se considère pas comme malade, et si on n’accueille pas le Médecin. Et Il cite le logion divin prophétisé par Osée huit siècles auparavant : « C’est la miséricorde que Je désire et non le sacrifice »11. Ce qui signifie : c’est l’intention profonde de votre cœur qui compte et non les actes rituels, qui peuvent demeurer extérieurs et formels. Si vous vous considérer comme justes, vous devriez tendre la main aux autres, comme Dieu l’a fait pour vous, et applaudir ce que Je fais. Et Il confirme par celogion qui sort de la bouche même de Dieu, Lui le Verbe du Père : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir ».
Ici le Christ nous révèle l’intention divine qui est la raison même de Sa venue dans le monde : sauver tous les hommes, comme l’exprimera Saint Paul. On comprend mieux pourquoi le Seigneur a agi ainsi en appelant Lévi à Le suivre : c’est cette circonstance qui Lui a permis de révéler publiquement une vérité divine capitale, la pensée profonde de Son Père, qui renouvèle complètement notre relation à Dieu. S’Il avait appelé Lévi discrètement, dans Sa maison, au milieu des onze autres Apôtres, cela n’aurait pas été possible.
Les scribes et les Pharisiens, qui étaient les deux principales composantes du Sanhédrin, sous l’autorité des prêtres, ne comprendront pas, par formalisme religieux12, par jalousie, par volonté de puissance. Jusqu’à la fin de Sa mission, ils persécuteront le Christ, Le dénigreront, Le calomnieront et finiront par Le condamner à mort, le faire supplicier et tuer. Mais c’est précisément par Sa mort, et Sa résurrection, que le Christ guérira tous les malades et sauvera tous les hommes, du moins ceux qui accepteront d’être guéris et sauvés. Car Dieu ne S’impose jamais : Il Se propose. Nous en avons une belle image ici.
Chaque parole du Christ vaut pour tous les hommes. Attention à nous ! Veillons à ne pas être des « scribes et des pharisiens » intérieurement, en esprit : n’oublions pas la miséricorde.
Père Noël TANAZACQ
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