Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Marc 2, 23-28 – L’enseignement Sur le Shabbat – Proverbe
Il y a cinq controverses dans cette première étape de Marc1, et nous voici à la quatrième : elle concerne le Shabbat.
Le respect du Shabbat2 ou repos, prescrit dans les Dix Commandements donnés par Dieu à Moïse, est pour les juifs primordial et sacré. Voici le texte :
Et il lui est advenu, le shabbat, de passer à travers les champs de blé, et ses appreneurs faisant route, ont commencé à cueillir les épis …
Le sens littéral est facile à se représenter. Un commentaire nous apprend que les jours de Shabbat – temps d’arrêt, de cessation d’activité – on jeûnait jusqu’après le temps de prière en commun à la Synagogue ; donc ils avaient faim, et Saint Matthieu dans son récit le précise3.
Cet épisode prend place avant la Pentecôte. De Pâques à Pentecôte4, c’était le temps des moissons en Palestine, temps de joie. Les épis sont mûrs, et il est savoureux de manger quelques grains crus, en passant dans les champs. Est-il permis de glaner comme cela au hasard de la promenade ? Oui, Deutéronome 23, 26 le précise : Si tu entres dans les moissons de ton prochain, tu pourras arracher des épis à la main. Un grappillage sans utilisation de la faucille, est autorisé.
Si l’on veut chercher plus loin, on remarquera la présence des mots : advenir et commencer qui annoncent un événement de l’ordre de la re-création, de la nouveauté, et aussi la présence de faire route. ‘La’ route, est celle qui mène vers le Trône de Dieu et le Royaume. N’oublions pas qu’ils sont en compagnie de l’Époux, eux les fils de la chambre nuptiale5, et ils sont donc en route vers la nouveauté du Royaume.
C’est le Shabbat, le jour du repos consacré, et ils prennent un repas improvisé fait de grains destinés à devenir du pain.
Saint Paul nous donne une clé en Hébreux 3, 11, citant le Psaume 95 (94), 11 :
De ceux qui se sont révoltés à Massa et Mériba6, Dieu a dit : Jamais ils n’entreront dans mon repos !
… Quel est ce lieu dans lequel ils ne sont pas entrés ? C’est la Terre Promise. Toute la première génération de ceux qui sont sortis d’Égypte est morte au désert pendant les quarante ans d’errance, c’est seulement la génération suivante qui est entrée en Terre Promise, cette terre d’abondance, terre fertile où coulent le lait et le miel, que Saint Paul donne ici comme l’équivalent du repos de Dieu et du repos en Dieu – dont sont bannis les révoltés.
En opposition avec l’épisode d’incrédulité et de punition de l’Ancien Testament, nous sommes donc aujourd’hui avec l’Époux et les fils de la chambre nuptiale – les ‘enfants de Dieu’ – dans la Terre Promise, la Terre nouvelle, lors du Temps nouveau, là où Dieu ayant cessé de créer se repose, et aussi consacre et bénit7, là où il n’y a qu’à tendre la main pour être nourri des fruits de la création, nourriture offerte gratuitement à la table du Seigneur.
Et les pharisiens lui disaient : Vois pourquoi font-ils le Shabbat ce qui n’est pas permis …
Eux n’accueillent pas l’Époux. Ils font plutôt partie du clan des révoltés, et voient avec le même prisme déformant qui fut celui d’Ève, en son temps8. (N’oublions pas que nous, sommes aussi et Ève et les pharisiens …) Ils arguent que moissonner ou cueillir est un travail, donc interdit ce jour-là.
En fait, les appreneurs grappillent parce qu’ils ont faim.
Et il leur dit : N’avez-vous pas lu ce qu’a fait David quand il était dans le besoin et quand il avait faim, lui et ceux qui étaient avec lui. Comment il est entré dans la maison de Dieu, aux jours d’Ev‘yâtâr, le Grand-Prêtre, et a mangé les pains de l’offrande qu’il n’est pas permis de manger, sinon aux prêtres, et il en a donné aussi à ceux qui étaient avec lui.
À priori, l’histoire nous paraît compliquée, et on se demande pourquoi elle est placée ici, mais formons l’hypothèse d’un parallèle possible entre Jésus dont nous savons qu’il est le Fils Bien-Aimé9, et David, dont le nom signifie ‘le chéri de Dieu’.
Le verset réfère au Premier Livre de Samuel (1 S 21, 1-7)10 Dans ce livre, il est dit à maintes reprises que tout le monde aime David.
La mise en parallèle donne ceci :
- Jésus le Bien-Aimé se trouve dans le jardin de la nature cultivée, image du Cosmos et de son ordonnancement – Maison de Dieu. En ce lieu, Jésus (?) et ses compagnons ayant faim, se nourrissent des épis – précurseurs de pain – que Dieu, le Maître de la nature et du cosmos fournit à foison : c’est le temps de la moisson, les blés sont mûrs, et la terre ici, est très fertile.11
- David le chéri, traqué par le méchant, arrive à la Maison de Dieu (Tente de la Rencontre) affamé, et demande au Père de l’Abondance12 – l’allusion est claire quand on a la traduction – du pain pour lui et ses compagnons.
Si nous avançons un peu, nous trouvons une deuxième mise en parallèle :
On propose à David des ‘pains de propositions’ interdits aux non-prêtres. David n’est pas prêtre, or il les mange et les distribue : Il en a donné aussi à ceux qui étaient avec lui. Il transgresse, personne ne lui en veut, et même il est cité en exemple. Comment se fait-il ?
Par contre, en Genèse 3, 6 il est dit d’Ève que prenant le fruit (de l’arbre), elle mangea, et elle en a donné aussi à son mari, et ils mangèrent … et nous savons les conséquences catastrophiques de cette première consommation de nourriture interdite. Quid ?
Qu’est-ce qui fait la différence entre les deux transgressions pour que le traitement soit si différent ? Et quel lien avec l’attitude outrée des pharisiens ?
Les pharisiens sont dans l’observance des interdits ; ils sont les supporters de règles compliquées et tatillonnes.13 Le Christ rétorque : il y a déjà eu une transgression pour laquelle le héros n’a pas été blâmé, et c’est à mettre en relation avec la transgression d’Adam et Ève.
Qu’est-ce que ce fruit de l’arbre de vie dont Ève a mangé ?
On pense à ce très beau texte de Saint Éphrem le Syrien qui est chanté à l’Ascension dans le rite occidental : « Du ciel il est descendu comme la lumière,
« De Marie il est né comme un germe divin,
« De la Croix il est tombé comme un fruit,
« Au Ciel il est monté comme les prémices. »
Le fruit de l’arbre de vie est sacré, c’est le Christ, homme et Dieu, qui se donne en nourriture ; on ne le prend pas, on le reçoit du Père de l’Abondance, qui l’accorde à ceux qui sont purs, qui sont enfants de Dieu – et non du Diable14 – et qui ont faim de Dieu.
Alors que notre mère Ève, asservie à l’illusion, s’est emparée du fruit et l’a consommé, non par besoin mais par convoitise, et ainsi advint l’homme déchu dans un monde déchu. Au contraire le Père de l’Abondance donne aux fils de la chambre nuptiale le Pain de Dieu dont ils ont faim, qui communique la Vie et renouvelle le monde.
Tel est le projet divin, et David ici en est acteur.
Et il leur dit : le Shabbat est advenu à cause de l’homme, et non l’homme à cause du Shabbat …
Qu’est-ce que ce Shabbat ? Fait pour l’homme, il apporte équilibre à l’activité humaine :
- Six jours pour servir l’économie, la science, la conquête de l’homme, pour assouvir sa faim de dominer le créé selon le commandement du Seigneur : Remplissez la
terre et soumettez-la. Commandez à ... tous les êtres vivants. (Genèse 1, 27) ;
- Et un jour pour cesser, cesser cette conquête et se souvenir de Dieu, pour rendre à Dieu gloire et honneur pour son Nom. (Psaume 95, 8 – Père Placide Deseille), et ainsi assouvir le besoin du lien avec l’incréé. Ce jour est un jour de joie.
Ainsi le Sabbat est au service de l’homme, de ses aspirations spirituelles. Ainsi, selon le commandement du Seigneur, le Sabbat est sanctifié, et Dieu honoré, aimé, recherché.
Quand les pharisiens comptabilisent les interdits liés au Shabbat, et s’en rendent esclaves, ils manquent la cible. Car le Shabbat est là pour se souvenir : 1. que Dieu a créé, et lui seul, et 2. que Dieu a délivré de l’esclavage de l’Égypte15 … Pas pour recréer un cadre de servitude ...
De plus, ils risquent de s’entendre dire par Dieu : Vos néoménies (fêtes de nouvelle lune), sabbats et convocations d’assemblée, je n’en puis plus (…) Je n’écoute pas : vos mains sont pleines de sang. (Isaïe 1, versets 13 et 15. Traduction TOB 2011) … Toujours la même injonction de Dieu : Isaïe 1, 16. Cessez de faire le mal, 17. Apprenez à faire le bien … secourez la veuve et l’orphelin. Ce n’est pas par un rituel rigide, mais plutôt par le ‘sacrement du frère’ que nous plaisons à Dieu, et éveillons sa miséricorde à notre égard.
… Ainsi le Fils de l’Homme est Seigneur du Shabbat aussi.
Fils de l’Hommeest un titre donné par Dieu, en Daniel 7, 13, à celui qui a combattu et est sorti vainqueur de l’affrontement avec le monde déchu et son chef.16 Celui-là est Seigneur du Shabbat, nous dit le Christ.
Xavier Léon-Dufour17 associe avec Jean 5, 16ss : Ayant guéri le paralytique de la piscine de Béthesda, aux juifs qui lui reprochent d’avoir fait cela un jour de Sabbat, Jésus répond : Mon Père jusqu’à présent est à l’œuvre, et moi aussi je suis à l’œuvre. (Jean 5, 17)
De quelle œuvre parle-t-il ? De celle qui consiste à mettre l’homme debout, à faire cesser en l’homme l’état de péché, de déchéance. Le Shabbat du Temps Messianique est celui où l’homme, restauré par son Créateur cesse de pécher. Il reçoit alors l’ouverture des yeux et des oreilles, et vient à la rencontre de son Dieu, de celui qui lui offre Connaissance et Pain de Vie.
Le jour de l’Ascension, l’Église chante la victoire du Christ : en ce jour, Il a hissé la nature humaine jusqu’au Trône de Dieu. En Christ, le Shabbat s’accomplit, l’œuvre est achevée : le monde déchu est vaincu, la nature humaine n’est plus strictement asservie au péché. Le chemin du Paradis est rouvert.
À Dieu soit la gloire.
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