Ajouté le: 2 Juillet 2022 L'heure: 15:14

« Je ne suis pas venu apporter la paix sur la Terre, mais l’épée »

Ultimes consignes de mission du Christ aux Douze 

(Mt 10/26-41 ; Lc 12/2-9 et 51-53, 14/26-27)

Ces paroles saisissantes et antinomiques ont été prononcées par le Christ devant Ses disciples à la fin de Son « discours de mission » et avant de les envoyer dans le monde.

« Je ne suis pas venu apporter la paix sur la Terre, mais l’épée »

Situons d’abord cet évènement important dans la mission d’évangélisation du Seigneur. Il a choisi en Israël une terre de prédilection, la Galilée, héritière du Royaume du Nord – Israël – hétérodoxe par rapport à celui du Sud – Juda –, colonisé par les Assyriens puis les Babyloniens qui y implantèrent de nombreux païens, et donc avec une population mélangée qui représentait le « monde », c’est-à-dire tout le reste de l’humanité, ceux qui ne connaissait pas Dieu, conformément à ce que le Christ dira : « Je suis venu sauver ce qui était perdu ». Ajoutons que les Galiléens, qui étaient plus frustes que les Judéens, étaient aussi moins prétentieux que les élites de Jérusalem.

Puis le Christ constitua petit à petit une « équipe », les 12 Apôtres, dont le noyau sera constitué par des disciples de Jean-Baptiste, tous galiléens, et Il trouva à Capharnaüm une maison pour y vivre en communauté avec eux, afin qu’ils Le voient vivre. Et, parallèlement, Il commencera à prêcher et à guérir, parce qu’il fallait que les gens voient la puissance divine qui était en Lui (sans les miracles, c’eut été difficile). En fait, Il forma Ses disciples en même temps qu’Il commençait à évangéliser : ils furent Ses premiers auditeurs. Cela prit un peu de temps1. Et il arriva un moment où il devint nécessaire de parfaire leur formation et de leur donner des consignes précises de mission. Il est probable qu’Il ait réuni Ses disciples « en séminaire », à part (et non dans leur maison de Capharnaüm, où ils auraient été dérangés sans cesse).

Ce « discours de mission » est probablement exhaustif chez Saint Matthieu, où il occupe tout le chapitre 10, mais on le trouve aussi en partie chez Saint Luc, et il y a des recoupements qui se trouvent chez les quatre Évangélistes.

Il commence par la liste précise des Douze, et par le pouvoir divin que le Christ leur donne pour chasser les démons et guérir les malades, c’est-à-dire faire des miracles (Mt 10/1-4).

Puis Il leur donne des consignes précises de mission : où aller ? Vers qui aller ? Que dire ? Que faire ? De quoi aurez-vous besoin ? Comment vous comporter ? Que faire dans les situations difficiles ? C’est précis et même parfois un peu « technique ». Nous voyons qu’il s’agit d’un plan d’action mûrement préparé et mis en œuvre avec rigueur, et non pas, comme certains le pensent, d’une improvisation « romantique ». Dieu met tout en œuvre pour sauver l’Homme, et Il fait collaborer les hommes à leur salut (Mt 10/5-16).Et Il termine cette partie en leur disant : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups : soyez donc sages comme les serpents et purs comme les colombes »2.

Et Il ne les envoie pas sans les mettre en garde contre les dangers de cette mission : Il leur parle longuement et clairement des souffrances à venir et des persécutions qu’ils auront à subir : Il ne leur cache rien. Il les envoie au combat, comme des soldats (Mt 10/17-25). Il termine cette partie en disant : « Le disciple n’est pas au-dessus du Maître »3 : vous serez traités comme Moi.

Mais Il leur donne aussi des armes spirituelles, car c’est un combat spirituel (Mt 10/26-42). Et, au fond, cela s’adresse à nous tous, à tous les Chrétiens. C’est ce que nous allons nous efforcer de commenter. À notre connaissance, cette péricope n’est lue le dimanche que dans le rite byzantin, pour la fête de tous les saints, qui est le dimanche qui suit la Pentecôte4.

Il leur enseigne d’abord à ne pas avoir peur et à Le confesser sans crainte, en insistant sur la toute-puissance de Dieu, Son Père.

Tout ce qui est caché sera dévoilé. C’est la consolation des justes, parce que l’iniquité œuvre toujours dans les ténèbres.C’est une des grandes forces des démons que d’agir de façon cachée, souterraine, ce qui permet de mentir et tromper. Lorsque les réalités cachées sont dévoilées, l’iniquité (et son instigateur, Satan), perd de sa puissance et de sa crédibilité.Ce que Je vous dis entre nous, « criez-le sur les toits »5. Nous oserions dire : brisez l’« omerta »6. Ne soyez ni timides, ni craintifs, osez dire les choses à voix haute, publiquement, n’ayez pas peur de choquer, ne tenez pas compte des convenances sociales, criez la vérité ! St Paul écrira à Timothée : « proclame la parole à temps et à contretemps » (2 Tim 4/2). Le Christ agira toujours ainsi : Il ne cessera pas de choquer les bien-pensants, en dévoilant les intentions cachées, et sera haï.

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps… » : ils n’ont de pouvoir que sur le corps, la matière de votre nature humaine, mais ils ne peuvent rien sur votre âme. Le Christ affirme ici une hiérarchie des valeurs qui est celle créée par Dieu : l’âme, qui donne la vie au corps, est infiniment plus importante, et les ennemis (en premier lieu les démons) n’ont aucune prise sur elle. Il relativise la mort physique (la « première mort »).

« Craignez Celui qui peut plonger le corps et l’âme dans la géhenne de feu », c’est-à-dire Celui qui peut infliger le plus grand des châtiments, la seconde mort, la mort spirituelle, qui, elle, concerne le corps et l’âme et qui est éternelle. Craignez Mon Père céleste. Il sait tout et connaît tout, et rien n’arrive sans qu’Il le permette. Pas un moineau (sans valeur à côté de l’homme image de Dieu) ne tombe de la branche sans la permission de votre Père7. Vous valez beaucoup plus qu’une multitude de moineaux : vous avez une âme et vous êtes l’image de Dieu. Et Il ajoute cette parole extraordinaire : « Même les cheveux de votre tête sont tous comptés ». Si l’on tient compte du fait que les cheveux ne cessent de croître, c’est-à-dire de mourir et de repousser, il est absolument impossible à quiconque – fut-il un scientifique – de connaître le nombre exact de ses cheveux. Cela signifie : votre Père céleste connaît le nombre exact des cellules de votre corps et des atomes qui les composent, Il connaît le nombre exact des atomes qui composent l’univers, car c’est Lui qui en a fixé le nombre. Vous n’êtes pas abandonnés dans un univers informe qui serait livré à lui-même. Votre Père, qui a voulu que vous soyez et qui a tracé votre destin, sait tout de vous, et rien ne vous arrive sans Sa permission. Moi, Son Fils, qui vous ait façonnés, Je l’atteste, N’ayez donc pas peur : votre Père est là dans le secret : Il vous voit, et Il vous aime.

« Quiconque, donc, Me confessera devant les hommes, Je le confesserai Moi aussi devant Mon Père céleste ». Quiconque (c’est-à-dire, qui que vous soyez, quels que soient votre genre, votre statut social, vos œuvres, cela concerne tout le monde) reconnaîtra devant les hommes, c’est-à-dire publiquement, que Je suis le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes, le Sauveur du monde, Je le reconnaîtrai Moi aussi lors de son jugement après sa mort. Je dirai à Mon Père : untel, Je le connais ; pends-le, Père, dans Ton Royaume. Quant aux autres, qui Me renieront, Je dirai à Mon Père : celui-là, Je ne le connais pas8.

Puis Il ajoute cette parole étonnante, qui peut sembler incompréhensible : « Ne croyez pas que Je sois venu apporter la paix sur la Terre, Je suis venu apporter l’épée ». Je ne suis pas venu apporter la paix extérieure, psychologique, sociale, la tranquillité, le compromis, le « vivre ensemble », qui ne sont que des apparences extérieures, sans contenu spirituel, car la paix ne peut venir que de Dieu. Je suis venu apporter la vérité, « l’épée à deux tranchants »9 qui sort de Ma bouche, Moi le Verbe du Père céleste (comme le proclame l’Apocalypse, et sera repris par Saint Paul)9. Cette épée spirituelle fait vivre ceux qui reçoivent la vérité, et fait périr ceux qui la rejettent. Le tranchant est là pour séparer, la vérité de l’erreur, la brebis du bouc… La vraie paix, spirituelle, intérieure, l’hésychia, procède de la Vérité divine reçue par les créatures de Dieu, cette Vérité que Moi Je suis10 et que Je proclame.

Il y aura des divisions dans la société et même dans les familles parce que Je suis l’unique critère de la vérité. Et cette vérité révèlera le cœur de chacun et dévoilera tout. Tous les hommes auront à se déterminer par rapport à Moi11. Voilà pourquoi Il ajoute : Je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère… La vérité est un jugement. Il y aura un combat spirituel, même avec les plus proches (Chrysostome). Cela annonce la prophétie que le Christ fera du Jugement dernier, où Il séparera les brebis d’avec les boucs12.

Ensuite le Seigneur va préciser en quoi consiste le choix qu’il faudra faire : « Celui qui aime son père ou sa mère, son fils ou sa fille, ses frères et sœurs… plus que Moi, n’est pas digne de Moi ». Cela signifie : vous ne devez rien préférer à Moi, votre Dieu. C’est le Père qui vous a voulu, c’est Moi qui vous ait façonnés, c’est l’Esprit qui vous a donné la vie. Aimez Dieu plus que tout, avant tout ce qui est créé. Le Christ nous met devant une responsabilité redoutable : nous devons être dignes de Lui. Digne signifie ressemblant, parfait. Vous avez reçu gratuitement l’image de Dieu : ressemblez-Lui. Soyez dignes de Lui.

Il va un peu plus loin : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne Me suis pas, n’est pas digne de Moi ». Celui qui n’est pas capable de souffrir pour Moi, de porter avec Moi les souffrances que j’aie acceptées pour le salut du monde, n’est pas digne de Moi.

Puis nous arrivons au point extrême : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de Moila sauvera ». J’ai donné Ma vie pour vous, soyez capables de donner votre vie pour Moi. Celui qui, pour sauver sa vie terrestre, Me reniera, sera plongé dans l’enfer – la vraie mort, spirituelle – mais celui qui donnera sa vie pour Moi, Je le ressusciterai et lui donnerai la vie éternelle dans le Royaume de Mon Père. N’oublions pas qu’Il parle à Ses 12 Apôtres, qui sont appelés à Lui succéder dans l’évangélisation du monde : Il leur prophétise le martyre. Il ne leur cache rien.

Enfin, Les paroles finales du Christ sont plus liées à la vie quotidienne : elles sont moins difficiles, encourageantes, gratifiantes, et même plus intimes, puisqu’Il va mettre les serviteurs sur le même plan que Lui, le Maître. Même lorsqu’Il dit des choses redoutables, le Seigneur veille toujours à ne pas décourager Ses disciples (ni nous…).

« Qui vous accueille M’accueille… » : c’est Moi qui vous envoie. Lorsqu’on vous reçoit, on reçoit Ma parole, c’est-à-dire Moi-Même. « Et qui M’accueille accueille Celui qui M’a envoyé » : non seulement Il M’accueille Moi, mais Il accueille Mon Père céleste qui M’a envoyé vers vous. Car Je suis l’image parfaite du Père et c’est le Père qui œuvre en Moi. Quelle humilité divine ! Et quel honneur pour l’Homme ! L’Apôtre du Christ est porteur du Christ et Le représente. Il est comme un ange, un messager. En fait, Il leur dit : c’est l’Esprit-Saint qui œuvre en vous.

« Qui accueille un prophète en tant que prophète recevra une récompense de prophète ».Vous êtes prophètes comme Je suis Prophète, Le Prophète. La récompense du prophète est dans l’accomplissement de la prophétie, c’est-à-dire du dessein de Dieu. Cet homme qui accueille un prophète voit l’accomplissement de la prophétie.

Il va même plus loin : « Celui qui donnera à boire seulement une coupe d’eau fraîche à l’un de ces petits en tant que Mon disciple [chez St Marc :« à vous, à ce titre que vous êtes du Christ »], ne perdra pas sa récompense ». L’eau c’est la vie. Donner un verre d’eau c’est permettre à quelqu’un de ne pas mourir de soif, d’épuisement. Chrysostome commente : « Un verre d’eau fraîche ne coûte rien, et néanmoins Je le récompenserai ». Ici, il ne s’agit même pas de recevoir la parole, mais de venir en aide au porteur de la parole, de se comporter en ami. Le Seigneur venait de dire juste avant, chez Saint Marc : « car qui n’est pas contre vous est pour vous ». Il s’agit de ceux qui n’ont pas conscience de la vérité chrétienne, mais qui se comportent comme des Chrétiens, sans le savoir. Peut-être peut-on y voir un lien avec la prophétie que fera le Christ à Jérusalem lors de la fête des Tentes : « des fleuves d’eau vive couleront de leur sein », c’est-à-dire l’Esprit-Saint (Jn 7/38).

Saint Matthieu conclut : « Quand Jésus eut fini de donner Ses ordres à Ses 12 disciples, Il partit pour enseigner et prêcher ». Les disciples, maintenant formés et préparés, armés, vont pouvoir coopérer à Son œuvre d’évangélisation avant de prendre Sa suite, dans et par l’Esprit-Saint.

Chaque chrétien a vocation à être missionnaire, à participer au salut du monde, chacun selon son charisme, selon le destin que le Père céleste lui a tracé. Efforçons-nous d’être de bons soldats dans ce combat spirituel, d’êtres dignes de Celui qui a vaincu la mort, le péché et Satan.

P. Noël TANAZACQ, Paris

Notes :

1. Le Christ était rapide, mais pas « pressé » : Il savait prendre le temps lorsqu’il le fallait.
2. Nous avons traité cet apophtegme divin dans Apostolia n° 132, de mars 2019.
3. Nous avons traité cet aspect dans Apostolia n° 147, de juin 2020.
4. Tandis que la Toussaint occidentale est fêtée le 1er novembre, c’est-à-dire à la fin du temps après la Pentecôte. Les deux regards sont complémentaires : L’Orient enseigne qu’on ne peut devenir saint qu’après la descente du Saint-Esprit, et l’Occident enseigne qu’on ne peut y parvenir qu’après un long travail sur soi-même, une longue ascèse. Les deux unissent la theoria et de la praxis.
5. Saint Jean Chrysostome commente : vous aurez à le proclamer dans le monde entier, prophétisant leur futur apostolat. (Commentaire sur l’Évangile selon Saint Matthieu, homélie 34, p. 230, Éd Artège).
6Omerta : loi du silence dans les milieux maffieux. Ce terme s’applique parfaitement aux démons.
7. Chrysostome fait remarquer : le Christ n’a pas dit que Dieu voulait que les moineaux tombent de l’arbre, mais qu’Il le savait et le permettait (Ibid. p. 231).
8. C’est ce que le Christ dit aux 5 vierges folles de la parabole, qui crient « Seigneur, ouvre-nous ! » : « Amen, Je ne vous connais pas ». Connaître signifie : naître avec, c’est avoir un même père. Cf. Apostolia n°55 (octobre 2012).
9. Cette expression vient de l’Apocalypse, lorsque St Jean a la vision d’un « Fils d’homme » : « de sa bouche sort une épée acérée à deux tranchants » (Apo 1/16 et 2/12). Saint Paul dira : « …prenez aussi…le glaive de l’Esprit, qui est la parole de Dieu » (Eph.6/17). Saint Hilaire de Poitiers confirme : « Le glaive est la parole de Dieu » (Sur Matthieu, I, p. 243, Sources chrétiennes n° 254).
10. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14/6)
11. Es-tu pour ou contre Moi ? M’accueilles-tu ou Me rejettes-tu ? M’aimes-tu ou Me hais-tu ? C’est la question que le Juste Juge posera à chacun de nous lors de son jugement.
12. Mt 25/31-46. Cf. Apostolia n° 48 de mars 2012.

« Je ne suis pas venu apporter la paix sur la Terre, mais l’épée »

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