Ajouté le: 2 Mai 2022 L'heure: 15:14

La première apparition du Christ ressuscité à Ses disciples

Il pardonne à Ses apôtres et les envoie dans le monde entier (Lc 24/ 36-49 ; Jn 20/19-23 ; Ac 1 /4-8)

La Résurrection du Christ change tout : elle change le destin de l’Homme. Elle rachète Adam et ève. L’humanité descendait vers l’abîme depuis « 400 000 ans »1 : elle commence sa remontée vers le Ciel, le Royaume de Dieu et l’union à Dieu (la theosis).

Mais, avant d’aborder ces péricopes, nous voudrions faire d’abord une remarque préalable sur tous les Évangiles de la Résurrection. Pour en avoir déjà commenté plusieurs, nous avons remarqué qu’il était difficile de les situer historiquement et d’en comprendre la chronologie. En fait, cela tient à la nature même du corps glorieux du Christ. Lors de Son Incarnation, le Christ a uni à Sa nature divine incréée la nature humaine créée, pure et immaculée, celle d’Adam et Ève dans le paradis. Mais, pour pouvoir souffrir et mourir pour nous sauver, Il a dû endosser les conséquences de notre péché, d’où le fait qu’on Le voit fatigué, ou avoir faim ou soif. Il ne s’est révélé dans Sa gloire divine que rarement (comme par exemple lors de la Transfiguration). Après avoir accompli « l’économie de notre salut », c’est-à-dire être mort et ressuscité, Il s’est acquis le « droit » de manifester désormais et pour toujours Son corps glorieux, Sa nature humaine déifiée. Or le corps glorieux est un corps spiritualisé, qui a acquis la liberté de l’esprit, tout en demeurant matériel : il a la liberté de se faire voir ou non, et dans la forme qu’il juge bon, il est transparent à la matière et il n’est soumis ni au temps, ni à l’espace : il a donc le don d’ubiquité (nous allons le constater dans cet Évangile). D’où la difficulté de comprendre les évènements, puisque le Christ pouvait être simultanément en des lieux différents et avec des personnes différentes.

La seconde remarque préalable a trait à l’histoire même de la Passion et des rapports du Christ avec Son entourage, notamment avec Ses disciples. Avant de leur apparaître, et bien tardivement, Il est apparu à Sa très sainte Mère Marie, secrètement2, puis, selon la tradition, à Son ami Lazare, à Joseph et Nicodème qui Le dépendirent de la Croix et Le mirent pieusement au Tombeau, aux Bergers de Bethléem venus Le soutenir dans Sa Passion, ainsi que, selon l’Évangile, aux deux disciples d’Emmaüs, c’est-à-dire à ceux qui L’ont beaucoup aimé et qui ne L’ont pas abandonné3. Il ne va apparaître à Ses Apôtres qu’en fin de journée, le dimanche soir, là où ils se barricadaient « par crainte des Juifs ». C’est un reproche envers ceux qui L’ont abandonné et n’ont pas eu foi en Lui, alors qu’ils étaient les plus proches de Lui, Ses « amis4» Ses futurs « successeurs » dans l’évangélisation. D’ailleurs l’angoisse qu’ils manifestent de revoir leur Maître, témoigne de la conscience qu’ils ont de leur péché. Comment le Maître, notre cher Rabbi, va-t-Il Se comporter avec nous, qui L’avons abandonné lâchement ?

Seuls deux évangélistes nous rapportent cette apparition, Saint Luc et Saint Jean, qui en est un témoin oculaire.

Chez Saint Luc la péricope suit immédiatement celle de l’apparition du Christ ressuscité aux disciples d’Emmaüs, et chez Saint Jean, elle suit Son apparition à Marie de Magdala.

Curieusement, les différents rites en ont fait peu de cas : le rite byzantin ignore ces deux péricopes pendant la Semaine radieuse5 (alors qu’il consacre trois péricopes au Prologue de Saint Jean6, qui est pourtant une lecture baptismale), et les rites occidentaux ne lisent la péricope de Saint Luc que le Mardi de Pâques. La péricope de Saint Jean n’est lue dans aucun rite, ni à Pâques, ni dans la semaine pascale.

On pourrait dire presque la même chose des Pères de l’Église qui les commentent très peu, et même parfois de façon confuse.

D’une façon générale, on peut noter une certaine contradiction entre les deux péricopes, plutôt pessimiste chez Saint Luc et plutôt optimiste chez Saint Jean, qui témoigne bien du trouble des Apôtres, de leurs doutes et de leurs sentiments mélangés, très bien décrits par Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne7.

Abordons maintenant cet évènement très important, qui est fondateur de l’Église. Nous avons dit ci-dessus à quel moment cela se passait, nous allons voir dans quel lieu, à qui et sous quelle forme le Christ ressuscité apparaît, ainsi que le contenu de ce qu’Il dit et le sens de ce qu’Il fait.

D’après les deux évangélistes, il semble évident que les Apôtres se trouvent dans le Cénacle où ils se barricadent « par peur des Juifs ». Saint Jean nous indique qu’on est bien le dimanche de Pâques (« le premier jour de la Semaine ») et que cela se passe « le soir ». Et, comme nous savons que Juda s’était pendu (Mt 27/5) et que Thomas n’était pas là (Jn 20/24), les Apôtres ne sont donc que 10. Il n’est pas surprenant qu’ils se soient retrouvés pour dîner8, car c’était le principal repas de la journée8.

Subitement le Christ ressuscité « Se tient au milieu d’eux », certainement resplendissant de lumière, puisqu’Il a Son corps glorieux. Comme « les portes étaient fermées », Il est passé à travers celles-ci, comme Il était passé à travers la pierre du Tombeau. Ils sont « terrifiés et saisis de peur, pensant voir un esprit ». Ils voient bien que cet homme a le visage et l’apparence du Seigneur, mais ils croient qu’Il est un fantôme, c’est-à-dire qu’il s’agit de Son âme avec la forme de Son corps. Dieu ne fait jamais peur : Il les rassure aussitôt9 et leur dit « Paix à vous ». Le Seigneur sait bien qu’ils sont troublés et qu’ils ont un fort sentiment de culpabilité (ils L’ont abandonné avec lâcheté). « Paix à vous » signifie : soyez en paix avec Moi. Cela équivaut à un pardon. Aussitôt après, Il leur donne des preuves que c’est bien Lui. Il montre Ses plaies aux mains, aux pieds et au cœur et dit : « touchez-Moi ». C’est très important, parce qu’on ne peut pas toucher un fantôme, qui n’a qu’une apparence et qui n’est pas d’ordre matériel10. Les Apôtres commencent à se détendre et à se réjouir. Le Christ va plus loin : donnez-Moi à manger. Il y a des restes du repas : ils Lui donnent « une part de poisson grillé » et Il mange devant eux. C’est aussi très important, parce qu’un fantôme ne mange pas, ni même un ange11. Enfin ils ont compris ! Mais il faut reconnaître que nous n’aurions pas fait mieux, car cela dépasse notre intelligence et notre expérience.

Ensuite, chez Saint Luc, le Seigneur leur fait un discours biblique et théologique, qui est probablement long. Je vous l’avais dit (lors de Mon dernier discours) : « il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de Moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes »12,  c’est-à-dire dans toute l’Écriture sainte, la Bible. Et Il leur ré-explique13 toute l’Écriture (« Il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures »). Il leur rappelle qu’il était écrit « que le Christ souffrirait et ressusciterait le 3è jour… », c’est-à-dire ce qu’ils viennent de voir et de vivre. Puis Il leur trace leur mission : « …et que serait prêché en Son Nom [Jésus] le repentir pour la rémission des péchés14 à toutes les nations, à commencer par Jérusalem ». Pour eux c’est nouveau, parce qu’il s’agit de toute l’humanité, dans ses structures ethniques, historiques et culturelles, Israël étant comprise dans cette symphonie (mais en premier, parce qu’Abraham a été le premier à croire dans la Parole de Dieu). Puis Il ajoute : « vous en êtes témoins15 ». Vous serez mes témoins dans le monde entier et pour toujours (vous et vos successeurs).

Mais, pour accomplir cette mission universelle, Il va bientôt leur faire un don divin : Je vais « envoyer sur vous la promesse de Mon Père, la force d’en-haut » (Lc 24/49), l’Esprit Saint (Ac 1/8). Ne quittez pas Jérusalem avant de L’avoir reçu. Cette partie du discours sera confirmée dans les Actes des Apôtres (1/4-9). C’est l’annonce de la Pentecôte.

St Jean complète le discours du Christ par un élément capital. Le Seigneur leur redit « Paix à vous ». La première fois, c’était pour calmer leur trouble, et pour leur pardonner leur lâcheté. Maintenant qu’ils se sont remis de leurs émotions, qu’ils sont plus sereins, aptes à entendre, il s’agit non seulement d’une confirmation, mais encore de leur indiquer dans quel esprit ils vont devoir accomplir leur mission. Que Ma paix soit en vous, soyez des hommes de paix, comme Je le suis, soyez ressemblants à Moi, qui suis le « Prince de la paix » (Is 9/5), qui ait réconcilié l’Homme avec Dieu. Et, aussitôt après, Il les envoie dans le monde entier : « Comme le Père M’a envoyé, Moi aussi Je vous envoie »16. Soyez obéissants à Moi, comme Je le suis à Mon Père céleste. Vous allez poursuivre Mon œuvre, coopérer avec Moi, c’est-à-dire avec Dieu. Ce parallèle fait entre des hommes qui sont des créatures, et Lui-même qui est Dieu, dépasse notre intelligence : les mots nous manquent. Mais Il ne les envoie pas seuls, dans leur faiblesse humaine, Il leur accorde une grâce divine insigne : « Il souffle sur eux et leur dit : recevez l’Esprit-Saint ». Et pourtant la Pentecôte n’est pas encore venue (elle aura lieu dans 50 jours). Il le fait d’abord parce qu’Il est encore là sur terre, visiblement, avec eux (à la Pentecôte, Il ne sera plus sur terre : ce sera la descente royale de Dieu-Esprit Saint, qui procède du Père), mais aussi en raison du pouvoir divin qu’Il va leur transmettre. Car Il ajoute aussitôt : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». Il leur transmet le pouvoir divin du pardon, qui est lié expressément à la présence du Saint-Esprit. Cela signifie que c’est l’Esprit qui œuvre en l’homme, et que l’Apôtre n’en a pas la propriété : ce n’est pas un pouvoir personnel.

Par ailleurs, si le Christ ne l’assortit d’aucune condition, néanmoins Il donne ce pouvoir au Collège apostolique et non à chaque Apôtre en particulier : en effet, Thomas qui n’était pas là, l’a reçu avec les autres, bien qu’absent, et Matthias qui sera coopté par la suite (et avant la Pentecôte) le recevra aussi. Quelle sagesse divine ! Si l’un fait une erreur, ou s’il chute, les autres peuvent compenser, rattraper, racheter17, puisqu’ils partagent le même pouvoir. Le fait que le Christ leur donne le pouvoir de « remettre » et de « retenir », indique qu’il n’y a aucun automatisme, ni formalisme : d’une part l’Apôtre (puis l’Évêque, le prêtre) devra faire preuve de discernement, et d’autre part le pécheur devra faire un effort – c’est-à-dire se repentir, réparer et changer – sans quoi les péchés pourront lui être retenus. C’est la même chose pour nous : Dieu peut nous pardonner ou non, en fonction de notre comportement spirituel.

Ainsi, les Apôtres ont reçu, à trois jours d’intervalle, les deux pouvoirs divins constitutifs de la prêtrise : ils avaient déjà reçu le pouvoir divin de consacrer le pain et le vin en Corps et Sang du Christ, lors de la Sainte Cène (« Faites ceci en mémoire de Moi »), ils reçoivent maintenant le pouvoir divin de remettre les péchés. Ici, le Christ achève de poser le socle de l’Église et du sacerdoce. C’est grâce à ce socle qu’elle vit depuis 2000 ans, malgré ses déficiences humaines, et notamment la déchirure universelle de son unité en 1054.

C’est probablement l’accomplissement de cette parole énigmatique du Christ, lorsqu’Il a dit : « Celui qui croit en Moi fera les œuvres que Je fais, et il en fera de plus grandes [que Moi Je fais] »18 : l’Homme accomplit des œuvres divines, alors qu’il n’est qu’une créature, c’est-à-dire poussière. Comme le disent les Pères de l’Église : Dieu est devenu Homme pour que l’Homme devienne dieu !

P. Noël TANAZACQ, Paris

 

Notes :

1. C’est une fourchette de temps estimée par les anthropologues pour l’apparition de l’homme sur la terre. Mais ils ne peuvent prendre en compte que l’homme déchu, « préhistorique ».
2. Nous en avons pour témoignage unique la salutation mariale du temps pascal : « L’Ange chanta à la Pleine de grâce… ». Maiscette apparition est confirmée par les mystiques visionnaires depuis le 18e siècle.
3. Sauf pour les deux disciples d’Emmaüs, dont nous ne savons pas pourquoi le Christ leur a fait une telle grâce. Toutefois, cette apparition était le soir, donc tardive, juste avant d’apparaître aux Apôtres.
4. « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis » lors de Son Dernier discours, 3 jours plus tôt (Jn 15/15)
5. L’équivalent de la semaine pascale en Occident, la « Semaine des 7 dimanches ».
6. Le dimanche de Pâques [liturgie de la nuit] le Lundi et le Mercredi radieux.
7. Au 5e siècle. Sermon 81 : « Les disciples étaient en proie à de violentes contradictions ». Il y a un très beau paragraphe sur l’atmosphère du Cénacle.
8. Dans les usages romains, on dînait tôt, vers 18h, le repas de midi étant léger et rapide.
9. Lorsque le Christ était venu retrouver les Apôtres la nuit en marchant sur l’eau, et qu’ils L’avaient pris pour un fantôme, Il leur avait dit : « C’est Moi, n’ayez pas peur ».
10. Il en est de même pour les anges qui apparaissent aux hommes.
11. Lorsque St Raphaël révèle à Tobie et Sarah qu’il est un ange, il leur dit : vous m’avez vu manger, mais je faisais semblant. Un ange peut apparaître sous une forme humaine, mais il n’est pas matériel (To 12/19).
12. Ce sont les trois grandes parties de la Bible juive, et dans l’ordre judaïque.
13. Il l’avait déjà fait de nombreuses fois, mais ils n’avaient pas compris. Juste avant, Il avait dit aux disciples d’Emmaüs, avec lesquels Il avait fait de même : « Ô hommes sans intelligence… »
14. La 1re parole du Christ dans Son apostolat fut : « Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est proche ». (Mt 4/17) qui était la même parole que le Saint-Esprit avait inspirée à Saint Jean Baptiste au début de Sa mission.
15. Témoin etmartyre sont le même terme grec (martures).
16. Cela correspond exactement à ce qu’Il avait dit à Son Père céleste pendant la « Prière sacerdotale » : « Comme Tu M’as envoyé dans le monde, Je les ai envoyés dans le monde » (Jn 17/18).
17. Il faut noter que la théorie papale catholique-romaine, apparue àlafin du 11e siècle et achevée au 1er concile du Vatican (1870) ira à l’encontre de cet équilibre, puisque l’un d’eux (le « pape ») a un pouvoir supérieur aux autres et que personne ne peut le vérifier. Pourtant de nombreux papes de Rome se sont trompés, même en matière dogmatique !L’Église orthodoxe a toujours conservé scrupuleusement, depuis 2000 ans, le principe de conciliarité posé par le Christ.
18. Dans Son Dernier discours, en Jn 14/12

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