Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Ne pas dire, mais faire (Mt 21/ 28‑32)
Cette courte parabole est remarquable parce qu’elle nous permet de voir combien le Seigneur connaît l’âme humaine, mais elle est aussi intéressante parce qu’elle nous révèle comment le Christ s’y prenait avec ceux qui Le harcelaient et L’agressaient verbalement. En fait, elle va servir de réponse aux Juifs qui essaient d’acculer Jésus à contredire la Loi, en espérant Le confondre. Satan ne doute de rien… Dans son obsession de détruire l’Homme, qu’il jalouse, il avait probablement oublié que c’était Jésus, le Fils de Dieu, qui avait donné la Loi à Moïse sur la mont Sinaï, par Le Saint-Esprit. Il est donc nécessaire de bien expliquer dans quel contexte le Seigneur l’a racontée.
La scène se passe le lendemain de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem (les Rameaux) où, après avoir été acclamé par le peuple et les enfants comme « Fils de David », c’est-à-dire comme Messie, Il a dû affronter la haine des grands-prêtres, des scribes et des Pharisiens, qui « cherchaient comment ils Le feraient périr » (Mc 11/18)1. Le Seigneur, affligé et triste, rentre chez Ses amis de Béthanie, où Il trouve un peu de réconfort. Mais le lendemain, c’est-à-dire aujourd’hui, Il retourne avec courage à Jérusalem, dans le Temple, pour y achever Son œuvre d’Évangélisation. Il met en pratique ce qu’Il avait dit en Se déclarant le « Bon Pasteur » des brebis2 : Il affronte les loups spirituels avec un courage surhumain. Ces quatre jours seront pour Lui une véritable Passion morale, avant Sa Passion physique. Les sanhédrites ne vont pas cesser de L’agresser et de L’attaquer en paroles sur l’esplanade du Temple, là où ils se croyaient « chez eux », alors que le Christ y était « chez Lui »3. Juste avant d’arriver à Jérusalem, Il a desséché un figuier qui ne portait pas de fruit4 pour Lui -Dieu- : c’était une image symbolique des Juifs qui Le rejetaient : Il leur avait déjà prédit la géhenne de feu, l’enfer éternel5, lorsque les Pharisiens L’accusèrent de chasser les démons par Béelzéboul6 et lorsqu’Il dira aux Pharisiens dans le Temple : « vous mourrez dans votre péché »7.
Dès Son arrivée sur l’esplanade du Temple « les grands-prêtres et les scribes » s’approchent de Lui, alors qu’ « Il annonçait la Bonne nouvelle » au peuple (Lc 20/1) et ils Lui posent une question franche : « Par quelle autorité fais-Tu cela ? [d’enseigner le peuple sur son salut et d’annoncer l’avènement du Royaume de Dieu] ? Et qui T’a donné cette autorité ? ». Question cruciale pour les sanhédrites, parce qu’ils détiennent le pouvoir religieux et que Jésus de Nazareth ne leur a rien demandé (il aurait dû passer par nous…d’où vient ce rabbi qui nous défie ?). Le Christ-Dieu ne Se laisse jamais emprisonner par rien, ni par personne. Et Il connaît toutes les pensées de tous les hommes. Il répond par une question : « d’où venait le baptême de Jean, du Ciel ou des hommes ? » Imparable ! S’ils répondaient « du Ciel » : « pourquoi n’avez-vous pas cru en lui ? » ; et s’ils répondaient « des hommes », ils auraient à « craindre la foule, parce que tous tiennent Jean pour un prophète ». Ils se tiennent cois, muets. Jésus conclut : « Moi non plus Je ne vous dis pas par quelle autorité Je fais cela ». Puisque vous ne croyez pas en Dieu, il est inutile que Je vous révèle les pensées de Dieu, celles de Mon Père céleste. Il a déjoué le piège tendu et caché.
Mais le Seigneur n’en reste pas là : Il va aller plus loin pour essayer, malgré tout, de les enseigner. « Qu’en pensez-vous ?... ». Et Il raconte une courte parabole, celle des Deux Fils.
Un homme avait deux fils. Il s’agit donc d’un père, le Père céleste. Il s’adresse au premier : « Mon enfant, va travailler aujourd’hui dans Ma vigne ». La vigne, c’est l’œuvre de Dieu sur terre, où Il invite l’Homme à coopérer avec Lui à sa propre déification et à la transfiguration du cosmos. Le fils dit non. Le Père ne lui reproche rien et respecte sa liberté : Dieu ne s’impose jamais, Il se propose. Puis ce fils « se repent » et il y va. Puis le Père dit la même chose au second fils, qui dit oui. Mais il n’y va pas. Et Il leur demande : « lequel des deux a fait la volonté du père ? « Unanimement, ils répondent : le premier. Alors le Christ indique la « morale » de l’histoire « Amen, Je vous le dis8 : les Publicains et les prostituées vous précèderont dans le Royaume de Dieu », car Jean est venu, et vous n’avez pas cru en lui, alors que les Publicains et les prostituées ont cru en lui. « Mais, vous, vous ne vous êtes même pas repentis…. ». Vous – Israël – vous avez dit oui à la suite d’Abraham, de Moïse et de David. Mais vous rejetez le Messie, annoncé par eux et par vos Prophètes, et vous voulez Le tuer [le Christ lit dans les coeurs]. Tandis que les gens de mauvaise vie, ceux qui avaient initialement désobéi à Dieu et rejeté la voie de sainteté, se sont convertis en recevant le Messie. Et vous n’avez aucun repentir du déicide que vous préparez et que vous allez accomplir. Il a tendu la main à Ses ennemis, mais ils ne l’ont pas saisie.
Et juste après, comme conclusion à Son discours, le Seigneur va raconter une parabole encore plus explicite, celle des Vignerons homicides, qui est la plus terrible de l’Évangile, et qui correspond exactement à la situation qu’eux et Lui sont en train de vivre. Elle va s’accomplir 4 jours plus tard.
La parabole des Deux Fils s’adresse aux Juifs, mais aussi à toute l’Église. Les deux fils symbolisent les Juifs et les Gentils. Le Père céleste veut sauver tous les hommes et Il les appelle tous à coopérer avec Lui. Les païens ont d’abord dit non, en adorant les idoles, puis ils ont cru dans le Christ et sont allés travailler à la Vigne de Dieu, l’Église. Israël a d’abord dit oui, puis il a rejeté le Messie. Et il ne s’est pas repenti (depuis 2000 ans…).
Il ne semble pas que les sanhédrites aient compris la parabole des Deux Fils. Par contre ils ont très bien compris la seconde, celle des Vignerons homicides, au témoignage des trois Synoptiques. Mais ils ne changeront pas : quatre jours plus tard, ils vont arrêter Jésus, puis Le juger, Le condamner à mort et Le livrer aux païens pour qu’Il soit torturé et tué. L’aveuglement des hommes déchus est un mystère (il en est de même pour Satan et les démons). Il est possible que l’incroyable respect que Dieu a pour notre liberté, et qui nous dépasse, en soit la cause : au fond, nous n’osons pas voir Dieu tel qu’Il est. Nos idées préconçues et mythologiques, le dédale de nos impressions psychiques, nos peurs et notre prétention infantile sont un obstacle, voilent notre regard. Seule la mort à nous-mêmes permet d’oser voir la bonté et la beauté de Dieu, comme le font les saints. Mais c’est la plus grande de toutes les ascèses et la moins visible, car elle est intérieure et purement spirituelle.
En plus du contenu spirituel de cette parabole, qui est divin, nous pouvons admirer l’art avec lequel le Christ – dans Son humanité – sait affronter la haine, déjouer les pièges, esquiver les coups, désemparer Ses agresseurs, sans jamais Se laisser emprisonner. Dans ce combat, Il demeure libre et serein. Rien d’extérieur n’a d’emprise sur Lui. En tant qu’homme, Son cœur demeure toujours en Dieu. Il est notre modèle parfait.
Mais elle peut aussi s’appliquer à chacun de nous. Le Christ nous enseigne que la parole – l’engagement oral – ne suffit pas : il faut faire, accomplir. Il l’avait dit sous une autre forme dans Son discours inaugural : « ce ne sont pas ceux qui crient Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume céleste, mais ceux qui font la volonté de Mon Père céleste » (Mt 7/21). Il nous enseigne aussi que l’on peut toujours changer et se repentir. Il nous donne un espoir.
Qu’Il soit béni éternellement avec Son Père et l’Esprit !
P. Noël TANAZACQ, Paris
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