Ajouté le: 2 Mai 2021 L'heure: 15:14

Les débuts de la prédication du Christ

Une mission d’évangélisation, préparée, pensée et réalisée avec méthode

(Mt 4/23-25 ; Mc 1/ 22, 32-39 et 3/7-9 ; Lc 4/14-15, 31-32, 40-44 et 6/17-19)

L’Évangile1 n’est ni un livre d’histoire, ni un reportage ni un code moral : il est une révélation divine. Et il contient tout ce qui est nécessaire aux hommes – à tous les hommes, de tous les temps – pour recevoir Jésus comme Messie – Christ – pour comprendre et vivre Son enseignement et entrer dans le Royaume de Dieu. Mais il en est de l’Évangile comme de toute l’Écriture – la Loi et les Prophètes – : tout s’y trouve, mais pas comme dans un manuel, où tout est structuré, hiérarchisé et « pré-digéré ». Cela fait partie de la pédagogie du Christ. La structure n’y est pas toujours évidente, il y a des différences, et parfois même des contradictions entre les 4 évangélistes, il y a beaucoup de choses non dites, qui rendent sa lecture difficile. En fait, comme Il le faisait après avoir raconté certaines paraboles, le Seigneur nous incite à faire l’effort de comprendre (« entende celui qui a des oreilles », Mt 11/15). Le Christ ne nous traite ni en enfants, ni en mendiants, mais en adultes qui avons en nous l’image indélébile de Dieu, et en lutteurs spirituels.

Lorsqu’on scrute les 4 Évangiles2, on se rend compte que la mission du Christ n’était pas du tout improvisée, ni aléatoire : tout y a été mûrement réfléchi et préparé, et Il a réalisé Son programme avec méthode, clairvoyance et persévérance. Les péricopes que nous avons regroupées, parce que dispersées, ont trait au début réel, historique, de la prédication du Seigneur et vont nous permettre d’en prendre conscience.

Rappelons d’abord quelques vérités théologiques et historiques. Jésus est une Personne divine, l’Un de la Trinité et le Fils du Père céleste, en deux natures, divine et humaine, unies « sans confusion ni séparation »3. Tout au long de Sa vie terrestre, Il agit et œuvre dans Sa nature humaine, ne révélant Sa nature divine que lorsqu’Il accomplit des actes thaumaturgiques, c’est-à-dire des miracles. Mais Sa nature humaine est remplie du Saint Esprit (« revêtu de la puissance de l’Esprit » Lc 4/14) et Il a conduit notre nature à sa perfection (« homme parfait ressemblant à Dieu parfait »), ce que n’avaient pas fait Adam et Eve : nous voyons, par exemple, dans l’Évangile qu’Il prie sans cesse, en tant qu’homme (en tant que Dieu, Il est toujours uni au Père et à l’Esprit), mettant en pratique ce qu’Il nous enseignera. Et, au plan historique, nous savons qu’Il s’est préparé à Sa mission pendant 30 ans, dans la discrétion, le silence et l’ascèse. Il S’est préparé pendant 30 ans, Il a parlé pendant 3 ans, et Il a sauvé le monde en 3 jours. Il commence Sa mission publique lorsque Son Père céleste le Lui demande, lorsque Dieu-Père le juge bon.

Et il y a de nombreux préalables à Sa mission :

- Il a été baptisé par Jean dans le Jourdain devant une foule : Il a été révélé comme Messie par le Père et l’Esprit4.

- Il a fait un jeûne total de 40 jours dans le désert de Judée, où Il fut tenté par Satan, qu’Il a vaincu, en tant qu’homme5.

- Il a fait un essai de prédication dans « Sa ville » de Nazareth, mais qui a échoué (ils L’ont chassé et ont même voulu le tuer)6. Il a choisi alors d’installer Son « quartier général » à Capharnaüm, en plein cœur de la Galilée, non loin de la capitale (Tibériade). Il procèdera de cette façon pendant tout Son Apostolat et enseignera à Ses disciples de faire de même : lorsqu’Il n’est pas reçu dans un lieu, Il va dans un autre, lorsqu’Il est rejeté par certains milieux, Il s’adresse à d’autres. Le Christ ne renonce jamais, car Dieu veut sauver tous les hommes, mais sans les contraindre.

- Il a appelé Ses 12 disciples et constitué une équipe, car ayant choisi d’accomplir Sa mission dans Sa nature humaine, Il ne pouvait pas faire tout par Lui-même.

C’est après ces longs préparatifs, spirituels et « techniques » (organisationnels) qu’Il va commencer réellement Sa mission, avec ardeur (« Qu’Il Me tarde que le Feu soit venu ! » Lc 12/49).

On pourrait la résumer en trois points : marcher, parler, guérir.

- « Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues et prêchant l’Évangile du Royaume… » (Mt 4/23). Le Christ a parcouru systématiquement toute la Galilée à pied, sans jamais utiliser un moyen de transport (âne ou char), à l’exception du bateau sur la mer de Galilée. Personne n’a marché comme Lui. Et, après, Il sillonnera tout Israël, la Judée, la Pérée7, la Tétrarchie de Philippe8, et même les pays alentour, païens (la Phénicie et la Décapole9). St Marc ajoute aussi l’Idumée10, qui n’est pas à proprement parler un pays juif. On voit parfois qu’Il est fatigué (comme au bord du puit avec la Samaritaine). Et Il a parlé sans cesse, Lui, le Verbe du Père. Prêcher, c’est parler à une foule. Lorsqu’on voit que les gens pouvaient L’écouter une journée entière (comme ce sera le cas pour le discours inaugural) on se rend compte qu’Il était un orateur exceptionnel, le plus grand orateur de tous les temps. Et Il avait l’art d’exprimer les vérités les plus difficiles avec une clarté et une concision sans égales (c’est le cas en particulier pour les paraboles). Il savait toucher le coeur des gens. Le Christ n’a rien écrit, parce que l’écrit est figé, « mort », tandis que la parole est vivante : elle permet une transmission vivante de la vérité.

Où prêchait- Il ? En priorité dans les synagogues11, parce qu’elles étaient au cœur de la vie religieuse juive et qu’il y en avait partout, ce qui était judicieux et cohérent, puisqu’Il venait prêcher l’accomplissement des Écritures, étant Lui-même la « postérité d’Abraham » (Ga 3/16) et le Messie annoncé par les prophètes. Même les affrontements qui s’en suivront seront utiles à l’évangélisation, car le peuple pieux entendra Sa sagesse et verra Ses miracles. Et, dans les synagogues, « Il parle avec autorité et non pas comme les scribes » (Mc 1/21-22) : cela signifie que, par Sa présence, Sa façon d’être et Ses paroles, les gens perçoivent spontanément que ce qu’Il dit vient de Son cœur, c’est-à-dire de Dieu, contrairement aux scribes, qui sont des professionnels de la religion et débitent ce qu’ils ont lu dans les livres en se faisant passer pour des savants.

Que prêchait- Il ?La Bonne nouvelle du Royaume de Dieu, qui était proche, puisque le Messie était là, devant eux. C’est la première bonne nouvelle depuis la chute d’Adam et Eve, promesse d’un renouveau qui sera éternel (cf. note 1).

- Et Saint Matthieu ajoute : « … et guérissant toute maladie et toute langueur dans le peuple », qu’il précise au verset suivant : « tous les mal-portants, atteints de diverses maladies et en proie à des tourments, des démoniaques [possédés] et des lunatiques [malades psychiques] et des paralytiques et Il les guérit ». Et lorsqu’Il délivre des possédés, Il interdit aux démons de dire qu’Il est le Fils de Dieu (Lc 4/41), car Il ne veut pas que la vérité soit proclamée par des menteurs.

Voici un élément-clé de la méthode du Christ : Il parle et Il guérit. Il nourrit l’âme des gens, puis Il les soigne et les console, prouvant ainsi la véracité de Ses paroles. Plus tard, Il nourrira les corps (lors des deux multiplications des pains et des poissons et des deux pêches miraculeuses). Il témoigne ainsi de l’amour sans limites de Dieu pour l’Homme.

Cette évangélisation méthodique va donner rapidement au Christ une audience extraordinaire, inimaginable. Saint Matthieu dit même que Sa renommée gagna « toute la Syrie12 », qui était une province romaine immense, couvrant tout le Moyen-Orient, et dont dépendait le petit territoire d’Israël. « Des foules nombreuses » suivent Jésus et se pressent autour de Lui, « de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem et de la Judée et d’au-delà du Jourdain [la Pérée] » dit Saint Matthieu. Saint Marc ajoute l’Idumée et les environs de Tyr et de Sidon (la Phénicie), qui sont des pays païens On peut remarquer qu’il y a une région qui n’est pas mentionnée, c’est la Samarie. Et pourtant l’Évangile nous rapporte de nombreux passages du Seigneur à travers la Samarie et même un début d’évangélisation. Cela tient au fait que les Samaritains étaient des hérétiques du judaïsme, rejetés par les Juifs comme impurs selon la Loi, et qu’il aurait été difficile de parler d’une évangélisation de la Samarie : cela aurait pu détourner de nombreux Juifs de l’Évangile. Et pourtant, les évangélistes parlent de pays païens (La Décapole, la Phénicie) : peut-être étaient-ils considérés comme moins « dangereux » pour l’orthodoxie juive, et la présence de Juifs dans ces contrées est probable, contrairement à la Samarie.

Saint Luc dit : « une multitude nombreuse… qui viennent L’entendre et se faire guérir de leurs maladies » (Luc 6/17-18). « Les gens veulent Le toucher, parce qu’une force sortait de Lui et les guérissait tous » (Lc 6/19). C’est à tel point que Jésus « chargea Ses disciples de tenir toujours à Sa disposition une petite barque afin de ne pas être pressé par la foule » (Mc 3/9).

Pour se représenter la réalité, transposons dans notre époque : si le Christ revenait maintenant sur terre, visiblement, il y aurait une telle foule autour de Lui qu’Il ne pourrait plus bouger ; les médias ne parleraient que de Lui. A-t-on jamais vu quelqu’un guérir toutes les maladies, physiques et psychiques, ressusciter les morts et nourrir une ville entière avec quelques pains et poissons ? Nous avons souvent une vision simpliste du monde antique : il n’y avait assurément pas à cette époque les moyens modernes de communication, mais on voyageait beaucoup, grâce au réseau routier remarquable de l’Empire romain, il y avait le bouche-à-oreille, et on écrivait beaucoup (il y avait la Poste impériale13, le cursus publicus). La modernité et l’universalité de l’Empire romain ont beaucoup aidé le Christ dans Sa mission (comme ils aideront à propager le christianisme).

Il y a un autre élément remarquable : au fur et à mesure que le Christ prêchait et enseignait, Il formait Ses Apôtres, qui seront Ses premiers auditeurs et verront Ses miracles. Dès le début, Il va les faire coopérer, d’abord au plan logistique, puis pour préparer Sa venue dans des villes et villages nouveaux, en les envoyant deux par deux, et en leur donnant des consignes de mission précises (Mt 10). Et lorsque la tâche sera trop lourde, Il appellera les 70 autres disciples (72 dans le texte latin). Entre deux missions, toute l’équipe se retrouve dans le « quartier général » de Capharnaüm, la maison commune, pour faire le bilan, programmer les missions suivantes et prendre un peu de repos (lorsque la pression de la foule est trop grande, nous voyons que le Seigneur les emmène à l’extérieur, dans un lieu plus discret). Quel Maître ! Le Christ prend soin de Ses disciples. Ils se forment aussi en Le voyant vivre.

Nous allons voir maintenant que l’on pourrait presque parler de « programmation » de la mission. En effet, le Christ ne va pas faire dès le début Son grand discours inaugural (appelé le « Sermon sur la montagne ») : Il ne le fera qu’après avoir déjà évangélisé, au moins une partie de la Galilée. En effet, à quoi aurait-il servi qu’Il le prononce devant quelques personnes ? Il a d’abord prêché et guéri largement, avant de révéler à une foule suspendue à Ses lèvres pendant toute une journée, la nouvelle Loi, la Loi de la vérité, de la vie et de l’amour – l’Évangile – expression des pensées du Père céleste.

Quelle méthode remarquable et quelle pédagogie extraordinaire ! Tout a été pensé, rien n’a été laissé au hasard. Dès le début, Il a jeté dans la terre des cœurs, la semence du renouveau.

Après ces débuts prometteurs et fructueux, où le Christ se comportera comme le Semeur de la Parabole, viendront très vite les douleurs et les épreuves, ainsi que la persécution, car le Sanhédrin ne supportera pas la sainteté de Jésus, ni Son audience incroyable auprès du peuple, qui lui feront de l’ombre. Dès le début, les grands-prêtres, les scribes et les Pharisiens, c’est-à-dire le clergé, les théologiens et les ascètes – l’intelligentsia juive – Le « haïront sans raison » (Jn 15/24), par jalousie, par conformisme religieux et étroitesse d’esprit14. Mais le Christ va persévérer avec courage et d’une façon avisée, comme Il l’enseignera plus tard (« Soyez avisés comme le serpent et purs comme la colombe » Mt 10/16) Il sera vainqueur, mais par la mort. La mission que Lui a confiée Son Père céleste produira des fruits « au centuple », selon l’expression même qu’Il utilisera dans la parabole du Semeur.

Le Christ rapporte toujours tout à Son Père céleste, qui « décide de tout de Sa propre autorité » (Ac 1/7) : Il Lui témoigne sans cesse une obéissance parfaite. Et Il accomplit entièrement Sa mission dans la puissance de l’Esprit-Saint. Cette mission d’évangélisation du monde est l’œuvre de la Divine Trinité, qui veut sauver tous les hommes.

Que notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ soit béni à jamais, avec Son Père et l’Esprit !

Père Noël TANAZACQ, Paris

Notes :

1. « Évangile » vient de 2 mots grecs : eu, bon, et aggelion (prononcer angelion), nouvelle, message [même racine que aggelos, messager, ange]. Il est la « bonne nouvelle » du salut, du pardon, de la résurrection, de l’avènement du Royaume de Dieu sur la terre (comme dans les Cieux), l’accomplissement du dessein de Dieu.
2. Qui sont un seul Évangile, avec 4 regards différents et complémentaires
3. Conformément àla définition dogmatique du 4èconcile œcuménique, de Chalcédoine (451)
4. Commenté dans Apostolian° 33 de décembre 2010
5. Commenté dans Apostolian° 72 de mars 2014
6. Commenté dans Apostolian° 106-107 de janvier-février 2017
7. La Péréese trouve « de l’autre côté du Jourdain » (c’est-à-dire à l’Est du Jourdain [actuellement en Jordanie]), mais elle dépendait de la Tétrarchie de Galilée (Hérode Antipas)
8. La Tétrarchie de Philippe [Hérode-Philippe] se trouvait au N-E de la mer de Galilée et comprenait la Gaulanitide, l’Iturée, La Batanée, la Trachonitide et l’Auranitide, [théoriquement dans la Syrie actuelle, mais annexés par Israël (le Golan)]
9. La Décapole [= les dix villes] était une confédération de 10 villes grecques, instituée par Pompée en 63 av. J-C, provenant de l’implantation de colons grecs sous les rois Séleucides et rattachée directement à la province romaine de Syrie Elle était située au Sud de la Tétrarchie de Philippe, àlEst de la mer de Galilée, mais débordait un peu sur la rive droite du Jourdain, au Sud de la Galilée,
10. Cette mention est unique dans l’Évangile et nous rappelle que Jésus est allé dans beaucoup de lieux qui n’y sont pas mentionnés. Cette région – l’Edom de l’Ancien Testament – se trouve au Sud de la Judée (entre la mer Morte et la mer Rouge) et fut conquise par Jean Hyrkan (135-104), qui leur imposa la circoncision, c’est-à-dire le judaïsme. La dynastie des Hérodiens était iduméenne et superficiellement judaïsée.
11. Synagogue signifie « assemblée » : édifice cultuel servant de lieu de réunion, d’enseignement et de prière pour les Juifs, devenu nécessaire après la destruction du Temple de Jérusalem (au 6e s. av J-C), apparu probablement au retour de l’Exil et développé sous l’influence d’Esdras (vers 400 av J-C). Il y en avait dans chaque village et quartier de ville. On y célébrait essentiellement le sabbat (chaque samedi) ainsi que les fêtes juives. Le culte était basé sur la lecture de la Loi et des prophètes, commentés ensuite par un rabbi (un maître), et le chant des psaumes. Elles étaient fortement sous l’influence des « scribes », « docteurs de la Loi », enseigneurs, maîtres (« rabbis »).
12. La province romaine de Syrie allait du Sud de l’Anatolie à l’Égypte, et jusqu’à l’Euphrate. La capitale, Antioche, qui était une ville immense (500 000 hts), était la « perle de l’Orient » [romain]. Le puissant gouverneur de Syrie avait 4 légions sous son commandement (environ 30 000 hommes). Il ne fait aucun doute qu’il fût informé sur Jésus-Christ par Pilate et qu’il en informât l’empereur Tibère.
13. Un cheval au galop peut aller jusqu’à 27 km/heure. On pouvait traverser tout Israël en une journée !
14. Le cléricalisme chrétien relève de cet état d’esprit et éloignera beaucoup d’âmes de l’Église et du Christ.

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