Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Marc 3, 22-27 – 1re et 2è Comparaisons :Le Royaume Divisé & la Maison du Fort
Le Christ et ses disciples étaient des juifs de Palestine, naturellement immergés dans cette société théocratique. Il paraît donc logique que l’Évangile de Saint Marc, composé au sein de ce milieu précis, soit calé sur les rites religieux de l’époque, rites que le Christ ainsi que ses disciples observaient quotidiennement. L’Évangile nous montre en effet Jésus participant au culte de la synagogue, ou montant à Jérusalem pour les fêtes de pèlerinage, (Pessah-Pâques, Fête des Tentes, par exemple), ou célébrant – à sa façon – le sabbat.
Selon la théorie fructueuse de Bernard Frinking, en récitant l’Évangile bouchée après bouchée, et en ayant commencé le 16 du mois 11, lendemain de Pessah-Pâques, nous arrivons après cinquante jours, à la fête de Shâvouot, ou Fête de la moisson, ou Fête des semaines – notre Pentecôte. Le jour de Shâvout, Israël fait mémoire du Don de la Torâ sur le mont Sinaï. Après l’avoir fait sortir d’Égypte en effet, Dieu a proposé une alliance à ce peuple qu’Il avait élu : c’est comme des fiançailles et le contrat de mariage s’énonce ainsi : Si vous respectez mes commandements que voici, nous serons alliés : Au milieu d’eux j’habiterai et je marcherai, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple2. Et Dieu donne à Moïse les Dix Commandements gravés dans la pierre par le doigt divin (Ex 32, 15-16), après leur énonciation orale dès Exode 20, 2-17.
Dans l’Évangile de Saint Marc, en ce jour anniversaire de l’événement fondateur, Jésus qui a commencé à réunir le nouveau peuple – ses disciples choisis –, commence à énoncer la nouvelle loi, qui va les souder, et leur donner la direction. Ils sont appelés à devenir, non plus le peuple choisi, mais des ‘enfants de Dieu’, pour habiter non plus la Terre Promise, mais ‘le Royaume’. Ils ne le savent pas encore.
Comme il y en eut autrefois dans le désert autour de Moïse3, ici aussi il y a de la contestation autour du Christ.
Sa ‘famille’ selon la chair le prend pour un fou et veut l’empêcher, on l’a vu dans la précédente parution.
Dans les versets que nous étudions aujourd’hui, ce sont les scribes – grands personnages de cette société – qui viennent pour s’opposer à lui. Aussitôt, prenant appui sur leurs accusations Jésus commence l’énoncé de la nouvelle Loi, sous forme de paraboles ou ‘comparaisons’.
Entrons dans le texte.
Les scribes descendus de Jérusalem …
Avec les scribes de Jérusalem, ce n’est plus son obscure famille villageoise mais le Sanhédrin même, l’autorité suprême de la nation juive, qui vient émettre un jugement à propos de ce que fait Jésus.4
… disaient : Il a Ba‘al-Zévoul …
‘Baal le Prince’ ou ‘Seigneur élevé’ ou ‘Prince des démons’, vieille divinité phénicienne. Ils font allusion au paganisme, à la magie omniprésente chez les Phéniciens voisins.
Ils l’accusent de satanisme, de collusion avec le monde des ténèbres. C’est grave.
… et par le prince des démons il jette-dehors les démons.
Il y aurait des désaccords au sein de ce monde ? … Un Prince qui chasserait certains de ses sujets ? …
Et les appelant à lui …
C’est à ses disciples choisis qu’il s’adresse. On a déjà rencontré cette formule peu avant : et il appelle à lui les Douze (Mc 3, 13)5 , ‘proskaléô’.
Selon la Concordance en grec, ce mot rarement employé dans la Bible, s’applique à un appel impératif, une convocation solennelle concernant l’accomplissement du projet de Dieu : salut de l’homme et nécessaire venue du Saint-Esprit.
L’enjeu est donc de taille : esprit impur ou Esprit Saint, il faut apprendre à discerner.
Comment discerner ce qui vient du Diviseur de ce qui vient de l’Esprit Saint. Ce premier enseignement concerne le discernement des esprits. Il est primordial.
… il leur disait en comparaisons …
Le mot grec ‘parabolè’ qui signifie ‘comparaison’, a été translittéré en français par ‘parabole’. ‘Parabole’ et ‘comparaison’ sont donc des synonymes.
Le verbe ‘paraballô’ signifie ‘jeter le long de, mettre à côté’, d’où ‘comparer’. Il y a là l’idée dynamique de trajectoire, de deux trajectoires parallèles et comparables, qui se déroulent dans des sphères différentes : l’une dans le visible, le matériel – et l’autre dans l’invisible. L’observation de la trajectoire, ou de l’événement visible va nous renseigner sur ce qui se passe dans l’invisible, et qu’il veut nous enseigner, nous faire entrevoir.
Parions que de façon voilée – ce qui est le propre d’une parabole – Jésus leur parle du Royaume, du Règne de Dieu qui doit advenir sur la terre par la puissance de l’Esprit Saint que Jésus est venu apporter.6
Comment peut-il Sâtan …
Sâtan est un nom commun en hébreu, qui signifie ‘adversaire’. Avec une majuscule, il désigne la puissance réelle, la personne, qui s’oppose à Dieu, et au salut des hommes. Ange déchu, il reste doué de la puissance et de l’intelligence des anges. Jaloux de l’homme, il le hait.
Le Christ, lui, vient dans le monde pour anéantir le pouvoir de Sâtan, libérer l’homme de cette domination esclavagiste et cruelle, et réconcilier Dieu avec l’Homme, en faisant de nous les ‘enfants’ du Père. Les disciples ne le savent pas encore.
… jeter-dehors Sâtan
Peut-il y avoir au sein même de Sâtan, de ses troupes, de l’opposition, de la bagarre ? C’est une supposition absurde ! [7]
Et si un royaume contre lui-même est divisé il ne peut rester debout ce royaume-là
et si une maison contre elle-même est divisée, elle ne pourra rester debout cette maison-là ..
Voilà la trajectoire qui se voit : Si un état (royaume) ou un clan (maison), est gagné par la division, la zizanie interne, il ne tiendra pas, vous êtes bien d’accord ? Les temps employés en grec permettent de poser cette phrase comme une interrogation ; et la suite énonce la conséquence de ce constat :
Et si le Sâtan s’est levé contre lui-même et s’est divisé il ne peut rester debout mais il a (eu) une fin
En fait, là aussi, les temps employés permettent de comprendre :
Et si (‘pour de vrai’ – comme les scribes le supposent) le Sâtan s’est levé contre lui-même et s’est divisé, il ne peut rester debout, mais ‘une fin il a’. Autrement dit : si ce que vous dites est vrai, alors le Satan ne durera pas toujours. Est-ce bien exact ?
Et dans le silence du texte on peut entendre :
Sâtan sera rejoint par la finitude, oui, mais pas à cause de la division. Non, Sâtan n’est pas divisé contre lui-même ; Sâtan se porte très bien comme vous pouvez le constater, à toutes les époques ; Sâtan porte la zizanie à peu près partout, mais ne la tolère pas pour lui-même8. Non, pour lui, la fin sera différente – fin non pas de sa personne, mais de sa puissance :
Mais nul ne peut entrant dans la maison du Fort piller ses choses s’il n’a d’abord attaché le Fort et alors il pillera sa maison.
Saint Marc nous a déjà parlé d’un fort : en Marc 1, 7 Saint Jean Baptiste annonce : il vient le plus fort que moi … et lui vous immergera dans le Souffle Saint. La force, ou ‘vaillance’ est un attribut du Messie (voir Isaïe 11,2), et Jean-Baptiste dans ce verset désigne clairement le Christ.9 Cependant Sâtan aussi est donné parfois dans l’Écriture comme le héros, le tyran, ou ‘le fort’ comme ici dans notre verset. Mais le Christ est ‘le plus fort’.
Isaïe, encore lui, a prophétisé que le Messie dépouillera le tyran10. Et, comme nous le savons, le Christ est venu accomplir les prophéties le concernant.
C’est ce qu’il enseigne ici même : ‘quelqu’un’ attacherale fort, et pillera sa maison.
- Cette scène, nous pouvons la voir représentée sur la mosaïque de l’Anastasis de l’église Saint Sauveur in Kora à Istanbul, ainsi que sur le dessin du Conquérant : Le Fort lié, pieds et poings attachés, est piétiné par le Plus Fort ; et, sur la fresque on voit en plus la maison pillée : les portes de l’enfer fracassées et les morts relevés et libérés par un Christ arqué comme un lutteur en pleine conquête.
- Nous pouvons aussi l’entendre, décrite par les strophes du Psaume Lucernaire aux Vêpres du Samedi Saint :
En ce jour l’enfer gémit et s’écrie : Il aurait mieux valu que je ne reçoive pas le fils de Marie, car en pénétrant dans mon domaine, il a détruit mon pouvoir ; il a brisé les portes d’airain. Et ces âmes, jadis mes prisonnières, il les a ressuscitées car il est Dieu.
En ce jour l’enfer gémit et s’écrie : Mon pouvoir est aboli. J’ai reçu un mort semblable à tous les morts, mais je n’ai pu le retenir. Il me dépouille de ceux qui étaient en mon pouvoir. Je tenais les morts prisonniers depuis des siècles. Lui, il les retire tous.
En ce jour l’enfer gémit et s’écrie : Mon empire est détruit. Le pasteur crucifié a relevé Adam. Je suis privé de mes sujets, et ceux que j’avais engloutis par ma force, je les ai tous rejetés. Le crucifié a vidé les tombeaux. L’empire de la mort s’effondre.
En conclusion
Nous avons médité sur les deux premières comparaisons qui toutes deux évoquent le démon, celui qui a usurpé dans le cœur de l’homme la place qui revenait à Dieu. Le Christ au contraire veut, lui, reconquérir ce cœur, et nous communiquer le Royaume, nous immerger dans le Souffle Saint selon la prédiction de Jean Baptiste (Marc 1, 8).
Pour avancer dans cette direction, il nous offre ici le commencement de la marche à suivre : deux ‘commandements‘ :
1) La communauté des croyants doit rester unie, ne pas céder au Diviseur,
Les divisions, induites par le Diviseur, entraînent l’éclatement des communautés et leur perte. Le Christ ici enseigne tout d’abord ses disciples ‘appelés’. Mais l’enseignement, bien sûr, concerne aussi toute l’Église, en tous temps, en tous lieux, nos paroisses, nos familles, et en définitive, toute communauté humaine.
Discerner, rester unis, et même s’aimer peut-être … mais il n’en parle pas encore.
2) Croire que, comme il l’annonce lui-même, le Christ est vainqueur de Satan.
Si j’ai foi en la Victoire du Christ, alors le Fort, le tyran, le Prince de ce monde est déjà vaincu, par ce Plus Fort qui pille sa maison. Il est nécessaire d’y croire et de faire confiance : Ne craignez pas, j’ai vaincu le monde. (Jean 16, 33)
Cette certitude forge notre paix intérieure, et nous permet de résister à la division entre nous : oui, tu m’agaces, oui, je pense que tu as tort, oui, tu abuses du pouvoir qui est le tien, mais je le présente au Seigneur dans ma prière. Je sais qu’il a vaincu, je m’en remets à lui. Facile à dire …
Cette foi dans le Christ, dans sa miséricorde et dans sa puissance, dans sa capacité à faire ce qu’il dit, représente pour nous le début de la voie spirituelle en vue du Royaume.
Il veut le faire, et il peut le faire. Laissons-nous porter.
Gloire à Dieu. Et paix sur la terre aux hommes, en qui il se plaît.(Luc 2, 14)
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