Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
L’Évangile en Huit Étapes/ Les Siens Sont Sortis Pour Le Saisir – Mc 3, 20-21
Aujourd’hui pour la quatrième fois, je commente un passage de la 2è Étape de l’Évangile selon Saint Marc.
Bernard Frinking enseignait ceci : autant il rend compte de la vie du Christ et de son enseignement, autant l’Évangile de Saint Marc décrit une voie spirituelle, celle du disciple. Un Maître ne va pas sans disciples, cela n’aurait pas de sens. Le Christ est venu dans la chair pour gagner le cœur de l’homme et que l’homme devienne Dieu par la grâce. Il est donc possible de lire l’Évangile en y cherchant les étapes de la conversion du cœur de l’homme. L’Évangile nous parle de nous, de notre vocation fondamentale – comment nous rapprocher de Dieu et assouvir notre soif de Lui – et cela doit nous intéresser.
Je vais donner un aperçu des huit étapes et de la progression de l’aventure.1
1re étape, Mc 1,1 à 3,12 – En Galilée. On se rencontre, on se présente. Le Christ – Verbe de Dieu, immergé dans le monde de la mort où il est le seul Vivant – appelle cinq hommes, pour en faire des ‘pêcheurs d’hommes’, c’est-à-dire des transmetteurs de son appel. Il leur laisse entrevoir qu’Il est Dieu, et débute aussitôt la régénération de l’homme : deux guérisons pour la réconciliation avec Dieu, et trois pour le rétablissement des membres infirmes depuis la chute : l’œil qui a convoité (guérison du Lépreux), la démarche qui a mené jusqu’au fruit (le Paralysé), et la main qui a saisi (l’Homme à la main sèche dans la Synagogue).
L’homme veut-il participer à sa restauration ? Jésus s’émerveille de leur foi, mais des oppositions de la part du corps social apparaissent déjà.
2è étape, Mc 3,13 à 6,6– Il appelle les Douze, et fonde la nouvelle famille, l’Église – qui n’est issue ni de ‘sa famille’ (les descendants de Joseph avec lesquels il avait vécu à Nazareth jusque-là) car ils n’ont pas foi en lui, ni de l’élite de la société juive, car celle-ci, ne le reconnaissant pas non plus, le rejette déjà –, et annonce les règles de vie de cette nouvelle communauté. Puis, dans la tempête, il met à l’épreuve ses disciples et donne l’exemple de sa foi dans ce Père qui toujours prend soin de l’être humain. Enfin il manifeste son pouvoir tout divin sur ce qui est mortifère en l’homme, et le délivre : quand l’homme se présente avec foi, le Christ le guérit aussitôt. Un homme, une femme et un enfant représentent l’humanité toute entière. Foi et abandon sont requis.
3è étape, Mc 6,7 à 8,26– Étape du pain. Il se montre capable de nourrir toute l’humanité, jusqu’à la fin de l’histoire, et il veut le faire. Quand aurons-nous la foi ? Quand abandonnerons-nous nos voies pour nous laisser guider par l’Esprit ? Ils ne comprennent pas, ils ont le cœur endurci. Ils nous représentent. Jésus se laisse saisir par les nations païennes qui ont foi. À la fin de l’étape, le Seigneur commence à ouvrir les sens spirituels, oreille et œil.
4è étape, Mc 8,27 à 10,51– Sur la route vers Jérusalem et la Passion.
C’est alors, au centre de l’Évangile que, par la bouche de Pierre, ils le reconnaissent comme le Messie attendu, et lui ce Messie, par trois fois annonce clairement sa mort et sa Résurrection, mais ils ne peuvent l’entendre.
À l’écart, à trois disciples choisis, il montre sa gloire divine dans l’épisode de la Transfiguration, puis c’est publiquement que montrant de nouveau son pouvoir souverain – et le père confessant sa ‘non-foi’ – il restaure l’homme-enfant rendu abject par le pouvoir haineux du démon.
Clairement, il réprouve les grandes passions : attachement à l’argent, manipulation des proches, et exercice d’un pouvoir qui asservit. On est entré dans le temps de la Purification. Le modèle que Jésus nous propose c’est l’enfant, le ‘petit enfant’.
5è étape, Mc 11,1 à 13,37 – Entré à Jérusalem dans le Temple, il se heurte de nouveau aux trois passions qui dominent les cœurs humains, même chez ceux qui sont Maîtres en Israël : fascination pour l’argent, pour la manipulation des proches, et pour le pouvoir. Jésus dérange, et suscite non pas la conversion, mais une haine assassine.
De nouveau, il a affirmé la nécessité de la foi qui soulève les montagnes. Ayez foi en Dieu.
Hors du Temple il enseigne : les temps sont mauvais, mais il faut savoir persévérer, quitte à souffrir la persécution. Veillez, ayez foi, et Il viendra dans la gloire, entouré des anges et des saints qui auront souffert pour lui. Ce sera le temps de l’illumination.
6è étape, Mc12,1 à 15,41 – Onction à Béthanie, trahison de Judas. Puis institution de l’Eucharistie, agonie à Gethsémani, arrestation, jugement inique, reniement de Pierre, comparution devant Pilate et condamnation à la mort sur une croix – prix légal de toute sédition contre le pouvoir romain, crime dont les grands-prêtres l’accusent. Mise en croix et mort sur la croix. Le Christ est ainsi glorifié, et le Centurion le confesse comme ‘Fils de Dieu’.
7è étape, Mc 15,42-47 – Faite de trois versets seulement, pour dire la mise au tombeau et le mystère du repos dans la mort.
On pense à : Au septième jour, Dieu se reposa de toutes ses œuvres qu’il avait créées. (Genèse 2, 2)
8è étape, Mc 16, 1-20– Vainqueur de la mort, il est entré avec son corps dans le 8è jour, celui qui n’a pas de fin. Les temps messianiques ont commencé pour nous.
Comment les femmes le découvrent ressuscité, comment ayant reproché aux disciples leur manque de foi, il les envoie pourtant aussitôt pour leur mission de ‘pêcheurs d’hommes’ ; il leur promet de sauver ceux qui auront foi, comme d’être avec eux, de confirmer leur parole par ses ‘œuvres’, les miracles.
Il en ressort clairement la nécessité de la foi – implorer la foi, pour qu’elle grandisse en nous. Et le pardon de Dieu, toujours à l’œuvre.
Voyons maintenant le texte d’aujourd’hui
20 – Et il vient à la maison
et de nouveau se réunit la foule tant qu’ils ne pouvaient même pas manger leur pain
Il vient…, mais d’où vient-il ?
Lors des versets précédents, que nous avons étudiés dans les parutions précédentes, il était sur la montagne où, les ayant appelés, il « faisait » des Douze une entité, les prémices d’un peuple, puis il « faisait » chacun, chaque personne unique, en les nommant les uns après les autres.2,
Ce qui est très éclairant ici, et dont je n’ai pas encore parlé, c’est le calendrier de récitation. De quoi s’agit-il ?
En fait, selon Bernard Frinking – et cette trouvaille lui est propre, il a été le premier à la formuler – l’Évangile selon Saint Marc a été composé pour être récité, verset après verset, tout au long de l’année. On commence à Pâques, on récite deux versets, puis deux versets le lendemain, et ainsi de suite tous les jours de l’année. On boucle la récitation à la Pâque suivante3.
Chez les juifs, c’est un rite liturgique que de réciter les livres sacrés de cette façon, avec une progression hebdomadaire. Lue lors du Shabbat, la lecture scripturaire d’une semaine est appelée ‘parasha’. Ceci est valable autant pour les cinq Livres du Pentateuque qui se récitent sur l’année, que pour les Prophètes. Tout est récité chaque année, les parashas se succédant selon un rythme d’horloge. C’était valable au temps du Christ, ça l’est encore aujourd’hui dans les synagogues.
Ainsi, il y a des correspondances calendaires entre les textes.
En ce qui concerne Saint Marc, on s’aperçoit que lorsqu’on en arrive où nous en sommes, il y a presque cinquante jours de passés depuis le commencement de la récitation à Pâques. Donc les juifs s’apprêtent à fêter Shavouot, la Pentecôte, la Fête des Semaines. Le Christ et ses apôtres étaient juifs, pleinement insérés dans cette Tradition liturgique et culturelle, et l’Évangile, lui aussi, va naturellement s’y installer.
Si la Pâque juive commémore la sortie d’Égypte, laquelle signifie délivrance du joug des Égyptiens, naissance d’un peuple libre après la traversée des eaux de la mer – ceci sous haute protection divine et par la puissance du bras de Dieu – , la fête de Shavouot, quant à elle, commémore l’arrivée au Sinaï et le don de la Torah. Le peuple choisi étant né, il lui faut maintenant grandir et rencontrer/connaître ce Dieu qui l’a élu.4 Il faut une règle, un contrat, au Sinaï, comme aujourd’hui dans Saint Marc.
En fait, je remarque que le peuple n’a pas le choix : Dieu veut l’homme, car Il a le projet de se l’associer, d’épouser la nature humaine, « pour que l’homme devienne Dieu par la Grâce5. » Il faut donc que se prépare un peuple tel qu’il fera surgir une vierge, remplie de la sagesse et de la connaissance de Dieu mais toute cachée du fait de l’humilité de son cœur entièrement voué à son Seigneur, et qui en disant « oui » au projet divin, donnera la chair humaine au Dieu et Verbe, Notre Seigneur Jésus Christ. Ô merveille !
Cela nécessitera des siècles de préparation !
Quand il parvient au Sinaï, le peuple choisi vit dans un univers païen, dont « les dieux sont des démons.6 » Il faut l’en extraire, en lui donnant une Loi qui l’éduquera et l’attachera au Dieu Unique, son fiancé. Encore une fois, le peuple ne choisit pas, il est élu.
Au Sinaï, Dieu se manifeste dans la brutalité des éléments naturels, effrayant et marquant les esprits – car ils sont des enfants. Puis il donne la Loi en Dix Paroles, ‘les Dix Commandements’, dont le premier est : « Tu n’auras pas d’autre dieu que moi » : Finies les idoles ! La Loi va renouveler ce peuple, le façonner en ‘peuple de Dieu’.
Et dans l’Évangile de Saint Marc ?
Tel un nouveau Moïse (Moïse est le personnage de l’AT le plus vénéré par les juifs) Jésus monte sur la montagne (Mc 3,13, voir note 2). Moïse – serviteur de Dieu – est le conducteur du peuple, cette « Maison de Jacob » que le Seigneur a élue. Monté sur la montagne et sous le regard du Père, Jésus – Fils bien-aimé du Père dont il accomplit toujours la volonté – va susciter le nouveau peuple, en en choisissant les prémices en la personne de ces Douze, qu’il « appelle », eux les élus du choix divin.
… à la maison …
Avant de leur signifier la nouvelle Loi, il les amène àla maison.
Il y a déjà eu deux occurrences de maison :
1) En Marc 1,30, étant sorti de la synagogue où il a opéré sa première guérison – chassant d’un homme le démon discret qui le menait à son insu (Réconciliation 1 de l’homme avec Dieu)7 – Jésus vient dans la maison de Pierre, et parce qu’on l’en prie, y guérit la belle-mère, la révoltée qui avait la fièvre. (Réconciliation 2 de l’homme avec Dieu).8
2) En Marc 2, 15-17, Jésus, l’ayant ‘appelé’, se laisse inviter à un repas dans la maison de Léwi le collecteur d’impôts, celui dont Jésus fera l’apôtre et évangéliste Matthieu. Là, Jésus enseigne pour la première fois qu’il est venu appeler… les pécheurs.
La maison apparaît donc comme lieu d’intercession et de guérison, et aussi de repas partagé et d’accueil des pécheurs. C’est déjà l’Église. Où grandissent, sont pris en charge, délivrés, nourris et pardonnés, ceux qui constituent le peuple de Dieu, modelés qu’ils sont – aujourd’hui on dirait ‘formatés’ – par la proximité du Seigneur et la puissance de sa miséricorde exemplaire.
Voilà ce que Dieu offre. Quel programme !
Alors, la prophétie du Psaume 67, 7a) fait sens :
« Il est le Dieu qui fait habiter dans une même maison
« ceux qui ont un même esprit »
On verra par la suite, quelle Loi préside à la formation de ce nouveau peuple selon un même esprit.9
… Et de nouveau se réunit la foule tant qu’ils ne pouvaient même pas manger leur pain.
C’est la quatrième occurrence de ‘foule’ dans le texte de Saint Marc.10
À ce niveau du récit, la foule le cherche, l’entoure, le serre, avide de guérison comme de parole d’enseignement. Il n’en demeure pas moins que la foule n’est pas le peuple élu et ‘appelé’, ceux de la foule ne sont pas ceux qui mangent le pain dans la maison avec le Maître. Oui, le pain sera donné aux foules, mais plus tard (et pas dans la maison), car le Seigneur sera pris de compassion pour ceux qui n’ont pas de berger.11
La présence enthousiaste et tapageuse de la foule ici gêne leur vie ecclésiale embryonnaire et crée du désordre, à tel point que
21 –Et les siens entendant cela sont sortis pour le saisir Car disaient-ils Il-est-hors-de-lui.
Les siens–
c’est sa famille, par qui il a été élevé, avec qui il a toujours vécu jusque-là. Le grec les appelle : ‘ceux de chez lui’. Résidant à Nazareth, à 40 kilomètres, deux jours de marche, ils entendent cela : les guérisons ‘étonnantes’, le désordre suscité par l’enthousiasme de ce peuple qui veut le toucher et se jette sur lui, l’enseignement hors sentiers battus, le Sabbat ‘enfreint’, les controverses avec les scribes et les pharisiens … Tout cela pourrait devenir dangereux pour lui, pour eux, et manifestement les inquiète, c’est pourquoi ils
sont sortis pour le saisir–
Sisortir réfère à une naissance, on peut comprendre que chez les siens se font jour alors de nouveaux sentiments à son égard, une nouvelle attitude, et ils veulent
le saisir, c’est-à-dire, selon l’emploi du verbe kratèô chez Saint Marc, s’emparer de lui, se rendre maître de lui ; être les plus forts, et contrecarrer son activité,
car disaient-ils, il-est-hors-de-lui–
‘ex-istèmi’, à la forme intransitive, sans complément d’objet direct, signifie perdre la raison, être hors de soi. Et Alexandre MEN, dans son livre : « Jésus, le Maître de Nazareth » commente ainsi page 90 : « La famille de Jésus, ayant entendu parler de sa prédication et des miracles qu’il opère, pense que le fils de Marie a perdu la raison. »
Conclusion
La famille charnelle ne le suit pas, ne le comprend pas, et s’oppose. Dans cette deuxième étape, elle constitue le premier cercle des opposants. On verra les autres.
Jésus lui, crée une nouvelle famille, famille de son choix, famille spirituelle, qui gardera la Parole et transmettra la mission : faire des fiancés de Dieu, amoureux, attentifs, tout voués au Seigneur, sur le modèle de la Mère de Dieu.
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