Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Trois thèmes de dialogue au carrefour des neurosciences et de l’expérience de la vie spirituelle
Une lecture sommaire des données et des recherches de la sphère des neurosciences peut facilement identifier au moins trois zones significatives pour le dialogue avec la théologie.
Le premier de ces trois thèmes concerne les explorations, difficiles mais pleines de défis, de la nature de la conscience. Il s’agit d’un champ parfois aride, mais aussi fertile, d’explorations et de débats interdisciplinaires, qui peuvent faire inclure dans le dialogue les modèles descriptifs et explicatifs avec lesquels opère la philosophie de l’esprit et la psychologie cognitive, mais aussi certains sens de la vie spirituelle tels qu’ils sont présents dans la littérature philocalique et sapientielle de la tradition chrétienne. Cela concerne principalement des aspects comme la conscience, l’esprit ou le soi. De telles thématiques orientent la discussion sur de nombreux défis et difficultés – à partir des précisions d’ordre sémantique jusqu’aux exigences souvent impossibles à satisfaire que suppose la composante empirique. Pourtant, ces thèmes ont été portés sur l’agenda de certaines recherches expérimentales, de sorte que la zone d’interaction entre les neurosciences et les préoccupations plus larges qui concernent la condition de l’homme est devenue encore plus étendue.1
Le second thème concerne l’intelligence spirituelle. Ces dernières années, à travers la contribution de Howard Gardner, le concept d’intelligence a été approfondi d’une manière significative. Cet auteur introduit le modèle des intelligences multiples, et propose, à côté de l’intelligence calculatrice, d’autres types d’intelligence : émotionnelle, sociale, naturaliste, spatiale, musicale, intra-personnelle2. À côté de celles-ci, ces dernières années on a pu aussi parler du concept d’intelligence spirituelle.3 Conformément aux recherches qui se concentrent sur l’intelligence spirituelle, la pratique de la méditation, les états contemplatifs ou le rituel religieux peuvent modifier d’une manière significative non seulement les dispositions intérieures mais aussi les habitudes de l’esprit, donnant de nouveaux sens aux souvenirs et déterminant l’apparition de nouveaux patrons cognitifs. À travers la pratique de la vie spirituelle intervient une possibilité de changer la réception du monde, des choses, voire une revalorisation de ses propres souvenirs (cognitive reappraisal).4
En particulier, une direction importante dans ces recherches est représentée par l’exploration neuroscientifique des pratiques spirituelles, l’identification de leurs influences possibles sur le cortex et les mécanismes physiologiques. On peut y inclure, d’un côté, des investigations sur les empreintes cérébrales qui correspondent aux diverses expériences spirituelles5. On se concentre sur les effets de certaines activités spécifiques à la vie religieuse (comme la méditation, la prière, divers états contemplatifs, la participation au rituel religieux ou la compassion) sur le fonctionnement du cerveau. Les chercheurs ont identifié certains patrons cérébraux, certaines empreintes d’imagerie spécifiques aux activités mentales à caractère spirituel mais aussi les effets que ces pratiques ont dans la configuration et le fonctionnement de certaines aires corticales et sous-corticales. Dans le cadre de ces recherches, qui font partie de la neurothéologie6, on a constaté par exemple une croissance du volume de l’île (zone du cortex qui est habituellement active dans la réflexion), une intensification de l’activité cérébrale dans le cingulé antérieur, mais aussi une diminution du volume des noyaux amygdaliens (aires du système limbique profond qui sont responsables de la peur et de l’anxiété)7.
Nous devons ajouter ici que certains auteurs ont proposé la mise en évidence d’empreintes spécifiques dans la fonction cérébrale pour chaque expérience religieuse, et des distinctions de ces empreintes cérébrales qui correspondent aux différences doctrinaires et expérientielles du culte des diverses pratiques religieuses traditionnelles. Telles sont les tentatives d’identification des particularités imprimées dans la fonction cérébrale par la manière de comprendre et de faire l’expérience de Dieu.8
Enfin, le point peut-être le plus pertinent de tout ce travail, dans le cadre du dialogue mentionné, est représenté par les explorations qui visent les conditions des premières années de vie, les activités courantes et les habitudes comportementales, mais aussi les stimuli et l’offre expérientielle du milieu d’information, à savoir les modalités à travers lesquelles ces facteurs pourraient influencer les dispositions émotionnelles et les habilités cognitives de la personne et sa disponibilité pour les expériences et les significations spécifiques de la vie spirituelle9.
Recherches médicales concernant les effets des états de l’âme sur la santé
Durant les dernières décennies, de plus en plus de zones d’exploration scientifique et de réflexion philosophique se sont concentrées et continuent de se concentrer sur la manière dont la technique, les loisirs, les technologies numériques, la culture de la consommation, la médiatisation globale de l’information, le consumérisme et tout le reste affectent la vie intérieure.
D’un côté, la médecine intégrative ou comportementale, la psychothérapie cognitive-comportementale mettent en évidence le fait que la manière dont nous vivons, l’affection dont nous jouissons pendant l’enfance, mais aussi celle que nous offrons à nos semblables, la qualité des expériences accumulées au sein de la nature environnante, la manière dont nous entendons nous engager dans les rapports avec nos semblables, influencent de manière directe nos dispositions et nos capacités d’utilisation de nos ressources intérieures. Plus encore, à long terme, ces aspects influencent d’une manière significative notre état de santé. D’un autre côté, et même d’une manière plus importante, la foi et la vie spirituelle peuvent ouvrir l’homme vers un autre niveau, plus profond, de sa vie intérieure, illuminé par la grâce, qui prend en compte et organise tous ces aspects concrets de la vie dans un lien étroit avec Dieu. Il est ainsi facile de constater une rencontre surprenante entre, d’un côté, des aires de recherche psychologique et médicale qui se concentrent sur l’accès à une vie saine, et, d’un autre côté, la vie chrétienne.
D’amples études longitudinales ont mis en évidence, durant les dernières décennies, le fait que l’attachement et la chaleur exprimées dans les relations de famille influencent à long terme notre santé, nos dispositions et notre manière de recevoir les expériences de vie. L’étude Harvard, par exemple, est édifiante. Il s’agit d’une recherche qui tient compte de données accumulées durant une période de 35 ans et qui a suivi 126 hommes en bonne santé appartenant à des groupes d’étudiants entre 1952 et 1954. On a distribué à ces jeunes, à l’époque, des questionnaires d’évaluation des sentiments qui animent leurs relations avec les parents. 35 ans après, on a dressé pour les mêmes personnes un historique médical et psychologique détaillé, sur la base des fiches médicales établies le long des années. Les données ont montré que 91% des participants qui ont caractérisé leur relation avec les parents comme étant froide à la date du questionnaire avaient été diagnostiqués à l’âge moyen avec des maladies graves (maladies coronariennes, hypertension artérielle, ulcère duodénal et alcoolisme). Par comparaison, seulement 45% parmi ceux qui avaient évalué leur relation avec leurs parents comme étant chaleureuse, en particulier avec la mère, avaient ce genre d’affections. De manière encore plus convaincante, 100% des participants, à savoir tous ceux qui ont évalué les relations avec les deux parents, père et mère, comme étant froides, ont présenté à l’âge moyen des maladies importantes, par comparaison à seulement 47% de ceux qui ont eu une relation proche avec le père et la mère10. « La perception de l’amour en soi, écrivaient les chercheurs, réduit l’impact négatif des facteurs de stress et des agents pathogènes et soutient la fonction immune et la guérison. »11
Les auteurs de l’étude Harvard affirment que les relations que nous développons durant notre enfance prédisent la santé à long terme, justement parce qu’elles déterminent en grande partie une certaine organisation de la vie : la nutrition, les comportements sains ou malsains acquis dans l’enfance, les modalités choisies pour faire face aux situations difficiles, par exemple l’anxiété, la colère, l’hostilité, la dépression – ainsi que l’optimisme ou des valeurs et des pratiques spirituelles12.
(À suivre)
Diacre Sorin Mihalache
Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Le site internet www.apostolia.eu est financé par le gouvernement roumain, par le Departement pour les roumains à l'étranger
Conținutul acestui website nu reprezintă poziția oficială a Departamentului pentru Românii de Pretutindeni
Copyright @ 2008 - 2023 Apostolia. Tous les droits réservés
Publication implementaée par GWP Team