Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
L’appel des Douze envoyés – 1 (Marc 3, 13-19)
Ici commence ce que Bernard Frinking1 a appelé la ‘Deuxième Étape’ de l’Évangile de Saint Marc, qui en compte huit selon lui. Architecte de formation, notre traducteur s’intéressait à la structure des choses, y compris à celle de l’Écriture Sainte.
La ‘Première Étape’, celle qui vient de se terminer, il l’a appelée « L’Immersion ».
En effet Jésus, seul Vivant, vient se plonger, s’immerger dans notre monde – déchu, esclave de son Prince et voué à la mort. Lui se démarque, se dressant comme guérisseur doué d’une puissance toute divine, comme Dieu miséricordieux qui veut nous remettre nos péchés2, comme fiancé de son peuple– celui dont Isaïe parlait déjà3 – et comme capable d’inaugurer les temps nouveaux4. Chaque fois, laissant entrevoir qu’il y a du divin en lui.
D’autre part, il voit et il appelle cinq hommes avec cette étrange promesse : je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes5, et ils le suivent … quittant leur état sans aucune hésitation. Là encore, nous sentons l’œuvre d’une divine puissance.
Beaucoup sont attirés par cette Lumière, d’autres, déjà lui en veulent à mort.
La ‘Deuxième Étape’, que nous abordons aujourd’hui porte le nom d’ «Appel des Douze».
Jésus va maintenant créer/‘faire’ ceux qui constitueront sa famille spirituelle, ses compagnons, ceux qui par la suite deviendront les fondements du Corps-Église, et il va les former à leur future fonction d’apôtres. Nous verrons ce que signifie d’être apôtre.
LE TEXTE – Marc, chapitre 3. Versets
J’ai déjà évoqué au cours de divers articles le fait que dans l’Église primitive, l’Évangile se récitait à raison de deux versets par jour tout au long de l’année – commençant à Pâques et terminant à la Pâque suivante. 0r ce rythme fait apparaître de fréquentes concordances entre le calendrier de récitation de l’Évangile selon Saint Marc et celui de la Synagogue – qui elle aussi récite dans leur continuité les livres sacrés, encore aujourd’hui.
Pour l’Évangile de Saint Marc, nous abordons ici au troisième mois de récitation – le solstice d’été approche, et les juifs quant à eux, récitent l’Exode, et plus précisément l’arrivée de Moïse et du peuple, au désert du Sinaï devant la montagne. (Ex 19, 2)
- Et il monte sur la montagne …
Où trouve-t-on précisément cette ‘formule’ ? Justement dans l’Exode et pas ailleurs6
Exode 24, 15 – Et Moïse monta(…) sur la montagne, et la nuée recouvrit la montagne, 16.Et la gloire de Dieu descendit sur le mont Sinaï (…) et le Seigneur appela Moïse … , et de nouveau trois versets plus loin,
Exode 24, 18 – Et Moïseentra au milieu de la nuée et monta sur la montagne, et il fut là pendant quarante jours et quarante nuits… »7 Au terme de quoi il reçoit les Tables de la Loi, le contrat d’Alliance entre Dieu et le peuple, le renouvellement des règles de la vie avec Dieu8.
Une formule très proche (le verbe est à l’impératif) se trouve en Nombres 27, 12 – Le Seigneur dit à Moïse : Monte sur la montagne (…) et regarde la terre de Chanaan que moi je donne aux fils d’Israël en possession … C’est la terre promise qu’il lui montre !
Par l’occurrence en Saint Marc de ces quelques mots ‘(il) monte sur la montagne’ – signifiants déjà dans l’Ancien Testament – on peut comprendre que Jésus agit en présence de son Père, en lien avec son Père, en vue du don que la Divine Trinité veut faire à l’homme : vie nouvelle, alliance nouvelle, terre nouvelle, en présence de Dieu … c’est l’Église !
- … Et il appelle à lui ceux qu’il voulait
Appeler à soi, ‘pros-kaléô’ en grec, signifie plus qu’un simple appel : il est particulièrement impératif. C’est une convocation solennelle, en vue de l’accomplissement du projet de Dieu – salut de l’homme et nécessaire venue du Saint Esprit.
Il y a peu d’occurrences de ‘pros-kaléô’ dans l’Ancien Testament9, la dernière se trouve dans le prophète Amos (Am 9, 6) « Le Seigneur convoque les eaux (comprenons l’Esprit Saint)et les répand sur la face de la terre. » N’oublions pas que Jean Baptiste a dit : Moi je vous ai immergés dans l’eau, mais Lui vous immergera dans le Souffle Saint. (Mc 1, 8) Selon le vouloir du Père, Jésus est venu apporter, répandre l’Esprit sur la terre. Nous le chantons à la Pentecôte.
Donc, docile à la volonté du Père et œuvrant pour le salut, le Christ ici ‘convoque’ ceux qu’il voulait. Remarquons dans ces mots ce que nous savons déjà : c’est Dieu qui nous choisit et nous appelle, et non l’inverse. La part qui nous revient est d’accepter cet appel, cette vocation, d’y répondre et d’y rester fidèles – comme le fit notre divin Sauveur.
- Et ils s’en allaient vers lui
‘Aperchomai pros afton’ en grec, est encore une formule rare et très particulière, employée pour dire que le sujet doit retourner chez son maître, chez son père, ou chez son roi. En Genèse 24, 54 et 56, c’est Eliazar, le serviteur d’Abraham venu en quête d’une épouse pour Isaac, qui ayant trouvé Rebecca et reçu l’accord de la famille et celui de la jeune fille, dit : « Laissez-moi retourner chez mon maître. » En Gn 31, 18 c’est Jacob qui demande à « retourner chez son père Isaac », et en 2 Roi 6, 26-27, c’est Élisée, le prophète, qui dit au roi d’Israël, à propos de deux soldats ennemis égarés : « Laisse-les retourner chez leur roi. »
Donc, ici on peut penser que les ‘convoqués’ se dirigent vers Jésus, comme vers leur Maître, père et roi. Celui à qui ils doivent tout.
- Et il en a fait Douze …
Faire –, c’est créer. En grec, il n’y a qu’un seul mot pour signifier ces deux verbes, et au chapitre 1 de la Genèse ainsi qu’en Gn 2, 2-3, qui racontent les sept jours de la Création, là où le français dit ‘créer’, le grec dit ‘faire’ (‘poiein’) : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre » (Gn 1, 1), et aussi : « Et Dieu acheva au sixième jour ses œuvres qu’il avait faites. 3. Et Dieu bénit le septième jour et le consacra, parce qu’en ce jour il s’était reposé de toutes ses œuvres, celles que Dieu avait commencé defaire. (Gn2, 2-3) (Traduction de la Septante).
En en faisant Douze, le Christ exerce donc une action divine de l’ordre de la création-recréation.
Douze – C’est douze aspects d’une entité unique. On peut se les représenter disposés sur une circonférence, comme un cercle qui représente l’entité. Ainsi, douze mois font une année ; douze tribus font un peuple ; douze apôtres font un Maître, son Corps, son Église.
Jésus ici, convoque les douze dépositaires de sa tradition naissante, les prémices de son Église, de son Corps. Les Douze sont Un en Jésus. Si l’un vient à manquer il faut le remplacer, sinon l’entité est brisée. (C’est ainsi que les apôtres ont tout de suite remplacé Judas qui avait failli.) Le mot ‘Douze’ exprime cette unité. Donc, quand nous récitons qu’il en a fait Douze, nous devons comprendre qu’il crée son Église, son Corps unique, son Épouse issue de lui.
Pour un événement aussi important, il fallait bien monter sur la montagne, et que cela ait lieu en présence de la Divine Trinité, en conformité avec la volonté des Trois.
- … qu’il a nommés aussi envoyés
Nommés– Le nom exprime l’activité ou la destinée de celui qui le porte. Changer le nom de quelqu’un, c’est lui imposer une nouvelle personnalité. C’est ce que Dieu fait ici.
Envoyés– ‘Envoyé’ traduit le mot grec ‘apostolos’, qui signifie « envoyé » ou « messager », et qui a donné en français « apôtre ». Les ‘Douze Envoyés’ sont donc les futurs Apôtres, un collège de douze.
Si l’on est envoyé, c’est toujours pour une mission, c’est-à-dire pour tenir un rôle dans le projet divin. Pensons par exemple à Isaïe10.
De même, Dieu a envoyé le Fils11, avec la mission de sauver l’homme et le monde, et le protocole en est très précis, nullement improvisé12.
De même, le Christ va envoyer les Douze, avec la mission de faire grandir l’Église‑Corps du Christ, afin de sauver l’homme et le monde. Cela leur demandera de s’abandonner à la volonté du Père, dans la foi, et il y aura divers exercices pratiques et initiatiques …13
En tant qu’ ‘envoyés’, ils sont déjà les imitateurs de leur Maître.
- … pour qu’ils soient avec lui
en grec : ‘ina ôsin met’ aftou’. C’est bien le verbe ‘être’ qui est employé.
Nulle part ailleurs dans l’Écriture Sainte, ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament, on ne retrouve cette formule … pour autant que j’aie su chercher.
Être avec lui, tel est l’état qui leur est assigné.
Étant avecleur Maître, ils vont le respirer, s’en imprégner, être témoins de ses moindres gestes, ainsi que de ses signes-miracles. Or « la foi naît du contact vivant avec Jésus de Nazareth », dit le ‘Vocabulaire de Théologie Biblique’14 : le voir, l’entendre, le toucher, le humer, être dans son sillage. C’est le moyen de cultiver et de faire grandir en nous la foi. C’est pourquoi il est bon d’apprendre par cœur l’Évangile ou à défaut de le lire beaucoup : cela nous rend familier avec le Christ, auteur et héros du récit sacré !
- … pour qu’il les envoie clamer …
Voici maintenant exprimée leur mission : Premièrement
- Clamer. ‘Kèrussô’ en grec – qui a donné ‘kérygme’, la confession de foi.
Que clamer, que confesser ? Cela nous est dit dès le premier chapitre : Sitôt après son Baptême et la Tentation au désert, Yéshoua‘ est venu en Galilée, clamant l’Annonce heureuse de Dieu et en disant : Il est accompli le temps et s’est approché le Règne de Dieu, repentez-vous et ayez foi en l’Annonce heureuse. (Mc 1, 14)15. Voilà ce qu’il faut clamer à sa suite. Oui, le Christ vient détrôner le Prince de ce monde, pour Régner lui, le Seigneur Dieu. Repentons-nous de notre allégeance au Prince – usurpateur, et ayons foi au Christ. ; laissons-nous Lui appartenir à Lui.
- … et avoir autorité de jeter-dehors les démons.
C’est le deuxième volet de la mission, et le geste premier en faveur du salut.
– C’est le premier élément du Baptême, sacrement par lequel l’Église fait chaque nouveau chrétien. Car tant que le démon règne sur son cœur, l’homme n’est pas libre. Soumis au pouvoir du menteur, il ne sait pas discerner qui est, véritablement, celui qui lui veut du bien et peut le sauver. Tel l’Ève de jadis, il se laisse envahir et berner.
– Jeter-dehors les démons (souvent traduit par ‘chasser les démons’) relève de la souveraineté de Dieu. Le Christ va en conférer l’autorité, le pouvoir, à ses Douze. L’Église tient ce pouvoir du Christ-Dieu lui-même, et les portes de l’Hadès ne prévaudront pas contre elle. (Mt 16, 18) (Traduction Bible de Jérusalem.)
– Lors de la première étape, nous avons vu le Christ, à de multiples reprises ‘jeter-dehors les démons’. C’est justement l’objet de la première guérison (Mc 1, 22-28). Et à la fin de l’étape, on le voit museler les esprits impurs, de façon à préserver la liberté de l’homme.
CONCLUSION
Nous avons découvert en étudiant cette courte ‘bouchée’, que
‘sur la montagne’, en présence du Père et même de la Divine Trinité au complet, et conformément à la volonté divine,
le Christ
en convoquant ‘ceux qu’il voulait’ – ceux de son choix, ses élus –
en les faisant Douze – une communauté, une unité,
crée en fait l’Église, à laquelle il confère
d’être en proximité avec Lui – ce qui déclenche et pérennise la foi de ses membres –,
ainsi que le pouvoir sur l’enfer – premier pas indispensable au salut de l’homme.
Pour nous, membres de l’Église du Christ au XXIè siècle, tout ceci est accompli, mais reste à réaliser chaque jour.
Gloire à Dieu.
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