Ajouté le: 20 Janvier 2020 L'heure: 15:14

L’eau et la vie du monde

L’eau – principe de la vie biologique

L’eau, à l’état liquide, est très probablement une substance beaucoup plus rare et plus précieuse, au niveau du système solaire et même dans tout l’univers observable, que tout métal précieux sur la Terre. La Terre est la seule planète du système solaire qui possède l’eau dans toutes les trois formes de la matière.« Aucune autre planète, même pas une seule, n’est baignée d’eau en état liquide, et encore mois qui couvre les trois quarts de sa superficie »1.

Autre fait significatif, la géophysique montre que toute la vie terrestre est entretenue par des réserves immenses d’eau qui traversent tout le milieu de la vie, comme une respiration continue. Les eaux s’évaporent ou s’écoulent dans la terre, s’accumulent dans les nuages, sous forme de vapeur, ou pénètrent dans le manteau terrestre, s’enrichissant de minéraux, à des températures de centaines de degrés Celsius, revenant ensuite dans l’océan, délivrées par les fourneaux de volcans marins des profondeurs... Après ce long chemin, qui traverse aussi une partie du manteau terrestre, les eaux enrichies maintenant de ressources minérales puisées dans la profondeur brûlante de la terre, rentrent dans l’océan, en offrant de la nourriture aux êtres marins2.

D’autre part, dans le milieu terrestre également, toute la végétation de la planète est amenée à la vie par les sources d’eau mouvante, jaillissant de la terre sous la forme des geysers, ou tombant des nuages sur terre sous la forme des milliards de gouttes de pluie.

Mais aussi bien dans tout le monde environnant, on peut facilement voir que tout ce qui est vivant est en lien avec l’eau. Non seulement l’eau assure le milieu terrestre favorable à la vie, mais plus encore, elle est vitale parce que la survie des êtres vivants dépend de la consommation d’eau. Enfin, c’est déjà une évidence que les êtres vivants ne sont pas uniquement des consommateurs d’eau pour leur survie, mais ils sont, dans leur constitution biologique, et dans une proportion significative, de l’eau.

Par conséquent, nous vivons dans un espace physique inondé par l’eau, nous évoluons dans un monde rempli d’êtres vivants dont la vie et le mouvement sont entretenus par l’ample mouvement des eaux qui traversent la terre, l’air et tout le monde vivant, qui se nourrit d’eau et s’agrège dans une ronde de la vie entretenue par l’eau ; nous nous alimentons avec de l’eau, nous nous purifions avec de l’eau, et nous sommes, par la biologie de notre corps, constitués dans une large mesure par l’eau...

L’esprit saint, l’eau primordiale et la vie des créatures

D’une façon hâtive, comme dans beaucoup d’autres situations que nous rencontrons quotidiennement, un esprit instruit, familier des données scientifiques, pourrait dire que dans toutes ces découvertes scientifiques, certes remarquables, il n’y a pas de trace de racines spirituelles, qui puissent faire un lien entre ce monde des eaux et notre vie spirituelle.

Il n’en est rien. L’eau est mentionnée très tôt dans l’histoire de la Genèse : « il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux ». Il est vrai que dans le texte des saintes Écritures, les mots ne sont pas dénotatifs. L’eau n’est pas simplement H2O.

Saint Basile le Grand interprète le mouvement de l’Esprit au-dessus des eaux dans le sens que les forces qui maintiennent la vie, abritées par les eaux, sont préparées par l’Esprit Saint. « Se mouvait » est interprété par Saint Basile le Grand par ce que l’Esprit donnait de la chaleur et de la vie aux eaux, tout comme la poule couve et donne de la force vitale aux œufs. Voici le sens (...) des mots « l’Esprit se mouvait », à savoir il préparait les eaux pour la naissance de la vie3.

D’une façon plus claire, on voit que les eaux mentionnées dans le texte de la Genèse sont étroitement liées à la vie ! Saint Jean Chrysostome, mettant l’accent sur un aspect progressif de la création, souligne que les eaux mentionnées ici portent en elles la vie, comme potentiel ! “Dans les eaux il y avait une énergie pleine de vie ; ce n’était pas une eau immobile et inerte, mais une eau mouvante, qui avait en elle la force de la vie. Car ce qui reste immobile est certainement inutile, tandis que ce qui se meut est capable d’accomplir beaucoup de choses. Par conséquent, pour nous montrer que cette grande étendue d’eau abondante avait une force remplie de vie, [...] parce que [...] par le commandement du Créateur de l’univers, les animaux aussi ont été amenés à l’être à partir de ces eaux. C’est pourquoi on nous apprend dès maintenant que cette eau n’était pas une simple eau, mais une eau en mouvement, qui s’agitait et comprenait tout”4. De cette manière, on peut voir plus clairement le fait que l’eau sur laquelle œuvre l’Esprit de Dieu est celle par laquelle tout se fera. « L’Esprit qui se mouvait au-dessus de l’eau[...] a été donné par Dieu pour vivifier la création, tel l’âme pour l’homme ; il a mélangé ce qui est fin à ce qui est fin – car l’Esprit est fin et l’eau est fine – pour que l’Esprit nourrisse l’eau, et que l’eau avec l’Esprit, en pénétrant partout, nourrisse la création »5. Sur la base de telles interprétations, le Père Stăniloae écrit que l’eau mentionnée dans le texte de la Genèse n’était pas passive, mais « une énergie indéfinie, qu’aucune détermination n’éclairait, mais qui se trouvait dans un mouvement Universel, [...] renfermant, par la création, les raisons de toutes les formes d’existence, créées et soutenues selon l’image des raisons du Logos créateur et conservateur »6.

Le saint esprit, principe de la vie spirituelle

Cependant, de ce que la science a dévoilé jusqu’à maintenant, on peut aussi déduire autre chose, puisque l’eau est le principe de la vie biologique. Le Père Stăniloae remarque que l’eau primordiale pourrait trouver son image dans l’eau terrestre. L’eau primordiale est une énergie, avec les forces virtuelles que Dieu y avait placées, à la disposition de Son œuvre ; Dieu a fait toute la création en utilisant cette énergie remplie de forces virtuelles, de même que l’eau terrestre, qui en est son image, entretient tous les êtres vivants. Tout comme, après la création de cette eau, accomplie par Dieu au commencement, rien d’autre « ne naît plus de rien et ne reste en vie, ou dans une certaine mobilité, sans l’eau que meut l’Esprit Saint », de même les organismes qui ne peuvent plus utiliser la vie « deviennent totalement rigides et s’abîment dans la mort »7. Allant jusqu’au bout, le Père Stăniloae écrit que, tout comme la vie biologique sans l’eau n’existe pas, la vie spirituelle sans l’Esprit Saint n’est pas possible.

L’Incarnation et le Baptême du Seigneur – l’immersion de l’homme dans la vie de Dieu

Toutes ces significations s’éclairent encore plus si on les regarde dans la perspective du Baptême du Sauveur. La création entière se renouvelle. Tout comme dans les premiers jours du commencement du monde, l’Esprit se meut au-dessus des eaux : « Par le Baptême du Christ, le Saint Esprit s’est uni à l’eau du Jourdain (qui maintient la vie) parce que l’Esprit Saint est Celui qui a fait tout ce qui existe pour la vie ; mais non pas pour une vie biologique, entretenue de façon autonome par l’eau, mais une vie éternellement remplie de Lui ». Plus encore, le Baptême du Christ dans le Jourdain inaugure une nouvelle vie et le début du renouvellement de tout le monde créé, par le renouvellement de l’homme initié au Baptême. Le Père Stăniloae affirme que dans le Sacrement du Baptême l’homme est renouvelé, renaît à une nouvelle vie, de l’Esprit et de la matière cosmique, « puisque l’eau représente cette matière en état liquide, comme une réserve, comme un sein de toute autre forme d’existence organisée. (...) La matière elle-même, ramenée à sa mobilité spirituelle, devient un milieu de l’Esprit créateur, libre, toujours nouveau dans ses œuvres. L’eau du baptême représente d’une manière mystérieuse la matière du siècle à venir, qui portera en elle le Fils comme hypostase transparente et l’Esprit avec ses énergies donatrices de vie, pour nous aussi »8.

En même temps, nous devons dire que toute l’œuvre de l’Esprit dans les eaux du monde créé et par elles dans tout ce qui est vivant, toute l’œuvre restauratrice de Dieu dans l’homme par le Sacrement du Saint Baptême, et par l’homme dans tout le monde créé, n’auraient pas été possibles en dehors de l’Incarnation du Christ. Le précurseur de notre baptême, et du Baptême du Christ dans l’eau du Jourdain, pour la restauration de l’homme et de la Création, c’est Son Baptême dans la nature humaine : « Il a fallu que le Fils s’immerge dans la nature humaine et par elle dans l’eau, pour que nous, en nous immergeant dans l’eau, nous soyons immergés dans Sa vie divine, ou dans Son Saint Esprit »9.

Les larmes de repentir – les eaux purificatrices de l’âme

À l’accomplissement du Saint Sacrement du Baptême, l’homme reçoit un nom, étant appelé pour la première fois par Dieu, comme un sujet responsable10 pour ses choix et ses actions. Le Sacrement du Baptême restaure l’être humain, en lui donnant le courage de reconnaître les mauvaises actions et la force de pleurer pour elles. Mais les pleurs du repentir et de l’ascèse lavent les yeux des regards passionnels et le coeur des désirs étrangers, en dévoilant les significations spirituelles des choses visibles, de sorte que l’homme devient capable de voir Dieu. « Lorsque tu t’es élevé par beaucoup d’efforts et de sueur au-dessus de la petitesse du corps et tu t’es débarrassé de ses besoins, tu le porteras légèrement et spirituellement, comme quelqu’un qui ne ressentira ni la faim, ni la soif. Alors, tu regarderas mieux, comme dans un miroir (I Cor. 13, 12), Celui qui est au-dessus de toute compréhension et avec tes yeux lavés par les larmes tu verras Celui que personne n’a jamais vu (Jean 1, 18) »11. De cette façon, l’eau des larmes surgissant du repentir purifient plus profondément l’esprit et le cœur de l’homme, en faisant voir sa nature pure, tout comme l’eau extérieure purifie les choses et dévoile leur vrai visage d’origine.

 Par conséquent, même si la vie de l’homme dans le monde et son mouvement dans l’histoire peuvent obscurcir son visage divin, c’est par l’état de repentir qu’il peut renouveler la responsabilité reçue au Baptême. De sorte que l’eau du Baptême comme image de la source de vie spirituelle, mais aussi les larmes de repentir, purifient et restaurent la beauté spirituelle de l’homme, son visage d’origine, par l’œuvre de Dieu, Trésor des biens et Donateur de vie spirituelle.

Archidiacre Adrian Sorin Mihalache

Notes :

1. Harry Y. McSween Jr., Partitură pentru Terra. Originile planetei şi ale vieţii [Partition pour la Terre. L’origine des planètes et de la vie], Éditions All, Bucarest, 2001,p. 157.
2. On estime qu’environ 25 % de l’eau de la planète se trouve emmagasinée dans l’écorce terrestre. Celle-ci peut être en grande partie recyclée. Ibidem, p. 170.
3. Saint Basile le Grand, Omilii la Hexaemeron [Homélies sur l’Hexaemeron], IIè Homélie, VI, in PSB, vol. 17, p. 92.
4. Saint Jean Chrysostome,Omilii la Facere [Homélies sur la Genèse, IIIè Homélie, I-II, in PSB, vol. 21, pp. 47-48.
5. Téophile d’Antioche,Trei cărţi către Autolic [Trois lettres à Autolycus], IIè lettre, XIII, in PSB, vol. 2, p. 404.
6. Pr. Dumitru Stăniloae, Teologia Dogmatică Ortodoxă [Théologie Dogmatique Orthodoxe], IIè édition, vol. 3, Éditions IMBOR, Bucarest, 1996, p. 25.
7Ibidem, p. 26.
8. Ibidem, p. 27.
9. P. Nellas, apud Ibidem, p. 28.
10. Pr. Dumitru Stăniloae, op.cit., p. 36.
11. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Les 225 Chapitres théologiques et pratiques de notre père parmi les saints Syméon le Nouveau Théologien, higoumène du Monastère Saint Mamas de Xirokerkos, centurie pratique et spirituelle, cap. 101

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