Ajouté le: 20 Décembre 2019 L'heure: 15:14

L’univers et la vie à la lumière de la Nativité du Christ

Des milliards d’étoiles, de galaxies et de clusters dévoilent leurs formes et leur éclat saisissant. L’exploration cosmologique nous montrent, par là, que les régions lointaines de l’univers cachent des beautés qui semblent réservées à être découvertes petit à petit. Les 10 dernières années, le télescope Hubble a capté des images spectaculaires, provenant d’artéfacts gravitationnels géants, créés à partir de gaz et de poussière interstellaire, étendus sur des centaines de milliers d’années-lumière, avec des formes et des couleurs merveilleuses.

Il est vrai, le cosmos est froid, hostile et sans vie. Mais ses régions lointaines stimulent la vie de l’esprit humain, en suscitant à la fois la recherche cosmologique et l’émerveillement. Et, chose à laquelle on ne pense pas assez, les images enregistrées par les télescopes ont une composante esthétique avérée ! Une facette artistique inattendue se dévoile même dans les structures les plus éloignées de l’univers, engendrant un frisson intérieur, avant tout autre effort raisonnable de déchiffrer leurs lois. Le monde cache une beauté inattendue, au-delà de la sphère proprement-dite de l’esthétique (!), dépassant toutes nos capacités de perception humaine.

Il ne s’agit donc pas, lors de notre rencontre avec l’univers, simplement de saisir les mathématiques qui organisent en secret ses structures géantes, par une lecture éminemment rationnelle. Il s’agit en plus d’une beauté remarquable du cosmos, avec des formes et des couleurs éclatantes, sculptées par des forces gravitationnelles impressionnantes dans la matière intergalactique, qui sont d’une beauté amenant le bien, une beauté qui porte gravée en elle une harmonie saisissante, qui la traverse, une beauté qui s’avère être, à divers égards, fertile et unitaire.

Par conséquent, l’univers se montre aux yeux et à la raison comme une sorte de corps éclairé par les étoiles et gravé d’une rationalité profonde. Et le fait qu’il soit saisissable a amené la raison humaine à développer les mathématiques, en justifiant en même temps tous les efforts humains, prolongés le long des générations, d’élaborer une science des raisonnements et des observations, afin de développer l’ingénierie aérospatiale et les dispositifs ou procédés d’observation. Tout cela s’est développé afin que nous puissions mieux scruter la profondeur de l’univers. En s’avérant lisible1, intelligible, l’univers a stimulé la curiosité et a récompensé ses explorateurs de sens profonds et de paysages d’une beauté particulière2.

Le monde – espace d’expérience pour l’exercice des forces humaines

Mais il n’y a pas que le cosmos qui est saisissable. Le monde environnant se dévoile à tout l’appareil sensoriel de l’homme, à nos sens et à notre raison, en tant que diversité de stimuli, prêt à offrir des expériences nouvelles et des sens nouveaux à tout esprit qui se meut pour le découvrir. Les formes des choses et les sons du monde, leurs couleurs et leurs textures se déploient devant nous comme une école. Comme on peut facilement le voir dans la vie de chaque enfant, jour après jour, le monde perçu par l’homme s’avère être un laboratoire de l’expérience, prêt à mettre devant lui des questions difficiles et à faire agir ses capacités de compréhension et d’entendement.

Chose qui est peut-être la plus prégnante, nous pouvons voir cet univers des stimuli et des expériences à portée de l’homme, loin de la ville bruyante, au milieu de la nature, là où les dons de Dieu sont les plus évidents. La forêt avec ses arbres et son air pur, les hauts sommets des montagnes, le bruit du feuillage et le chant des oiseaux, le murmure des ruisseaux et le souffle du vent, chaque chose individuellement et toutes ensemble stimulent la contemplation et ont des effets thérapeutiques évidents. De nombreuses recherches récentes ont mis en évidence ce caractère thérapeutique de l’environnement naturel et ses effets bénéfiques sur la santé et la qualité de la vie. Il est important de dire ici, d’autre part, que lorsque nous nous trouvons au milieu de la nature, nous pénétrons au sein de mystères qui sont loin d’être élucidés. On a récemment découvert les possibilités extraordinaires de communication des espèces du monde végétal. De nombreuses études mettent en évidence les possibilités extraordinaires de communication et d’interaction des insectes, mais aussi des preuves concernant le comportement intelligent chez beaucoup d’espèces de mammifères. Enfin, et dans l’ensemble, les sciences de la vie n’ont pas réussi à inventorier toutes les espèces qui existent sur la Terre, et il est clair que l’industrie pharmaceutique est loin de les mettre en évidence, et par là encore plus loin, de pouvoir utiliser tout le potentiel thérapeutique du monde vivant.

Dans le monde des espèces végétales, les recherches ont découvert de nombreuses preuves qui mettent en lumière la communication complexe entre les espèces ….

À un autre niveau, dans la multitude des êtres minuscules, dans le va-et-vient et le fourmillement de la vie, la science découvre une rationalité profondément gravée dans l’organisation des groupes d’insectes, dans la vie et le mouvement des oiseaux et des animaux. Les études montrent d’une manière convaincante que dans les fourmilières, dans la configuration et la dynamique des vols d’oiseaux ou dans les essaims d’abeilles, dans les millions d’espèces vivantes, dans les dizaines de milliers de groupes qui se rassemblent, on décèle des comportements altruistes, des hiérarchies, des rôles multiples, des patrons d’organisation quasi-sociaux3. Et là encore nous devons dire que nous n’avons pas  affaire simplement à un monde rempli de rationalité, en adéquation avec la raison humaine, qui se tient devant nous comme une tâche d’explicitation d’un mécanisme complexe. Il s’agit aussi d’un monde rempli de leçons morales, d’indications éthiques, qui suscite l’admiration, un monde qui peut représenter un modèle de bien vivre pour l’homme.

Par conséquent, le monde entier dévoilé par la lumière se déploie devant l’homme tel un labyrinthe de nature à développer ses capacités de compréhension, à la fois comme un lieu d’exploration et de l’exercice éthique, mais aussi comme espace de contemplation et d’éloignement du monde, destiné, en dernière instance, à un esprit appelé à dépasser toutes les beautés, par un exercice ascétique et contemplatif, de nature à rendre l’homme capable d’y saisir Celui Qui a tout créé.

Les traces de l’esprit humain gravées dans la substancedu monde

D’une façon plus générale, tout le monde de la vie humaine cache des formes variées d’incarnation. Il ne s’agit pas seulement d’une rationalité du monde, plasticisée dans les structures cosmiques, que l’on appelle mathématiques, astrophysique ou cosmologie. Il ne s’agit pas seulement d’une rationalité profondément gravée dans la constitution et les mouvements du monde vivant, à laquelle la science a réservé des domaines comme la biochimie, la biophysique, la médecine ou la sociobiologie. Il ne s’agit pas seulement de la rationalité profondément gravée dans la dynamique terrestre, que nous appelons géophysique ou écologie et qui dévoile la manière dont le sol et les eaux de la Terre, l’enveloppe de l’atmosphère et la tectonique des plaques entraînent un mouvement ample, complexe et décisif des ressources physiques pour entretenir les vivants, pour la nourriture et la vie de l’homme. Ce ne sont pas les seuls cas où nous sommes devant des formes de rationalité présentes dans la corporalité des choses, des plasticisations de raisons qui organisent harmonieusement le monde, en amenant chaque chose à servir les autres d’une manière qui préserve l’unité du monde dans sa diversité.

La vie même de l’homme est une expression continuelle de son âme, comme une racine de la vie corporelle, à travers son corps visible et sensible. Même la langue que nous parlons est une forme plasticisée des pensées et des expériences de la vie fixées dans des unités distinctes de sens, que nous appelons mots. Même l’écriture représente les mots incorporés dans des séquences de signes graphiques, qui gravent les pensées de quelqu’un à travers les siècles. Même les œuvres d’art sont des formes d’incarnation, dans la substance du monde, des plasticisations des idées et des intentions de l’artiste, tout comme la littérature est le vêtement visible d’une expérience intérieure, sa mise en lumière à travers les mots, l’usage du vocabulaire. Les villes, l’architecture, les spectacles, les événements historiques, l’organisation sociale, les régimes politiques, tout et chaque chose individuellement peut être vue comme plasticisation des intentions humaines, qui laissent des traces visibles dans le corps de la nature créée, du monde et de l’histoire. En tout, l’homme grave ses projets. D’une manière exceptionnelle, les héros se laissent imprégner des aspirations les plus hautes de l’humanité, imprégner par son désir de mener une vie dans la vérité et la justice, et portent dans leurs corps les blessures précieuses du sacrifice. Et en haut de l’échelle de ces expériences existentielles d’incarnation de l’esprit humain dans le monde, les saints incarnent les commandements divins et se laissent eux-mêmes imprégner, graver, dans leur corps, leur âme et leur vie, par l’Esprit divin, en rendant ainsi saisissable l’œuvre de Dieu en eux et dans le monde, le long de leur vie et de toute l’histoire.

La création – œuvre qui dévoile dieu

La solennité de la Nativité du Seigneur nous dévoile le sens de toutes ces situations remarquables. Lorsque le Fils de Dieu se fait homme, on peut voir de manière plus claire que tout ce qui existe dans le monde est gravé par la Raison Suprême, par le Logos divin, et que tout est l’expression de l’œuvre de Dieu Qui a tout créé ainsi. À la lumière de l’Incarnation, la Création aussi bien que l’Écriture s’avèrent être des marches qui conduisent à Dieu et qui préparent l’homme pour la communion parfaite avec Lui, une communion qui sera possible dans le Christ né homme de la Vierge Marie.

Saint Maxime le Confesseur, faisant référence aux raisons de la Création et de l’Écriture (logoï), voit aussi bien dans la Création que dans l’Écriture des incarnations du Logos. La Création est la première incarnation du Christ. L’Écriture est la descente de Dieu dans les paroles, et l’Incarnation du Fils de Dieu en tant qu’homme est ce qui accomplit tout cela. Le père Stăniloae observe que, déjà dans la loi naturelle, on voyait l’intention de Dieu de passer du langage indirect, par les paroles concrétisées dans des lois naturelles, au langage direct, à travers les commandements écrits, afin de Se dévoiler d’une manière plus évidente. Et à la fin, écrit le père Stăniloae, «il était nécessaire que, après avoir fait entendre Ses paroles, Son Logos Lui-même Se fasse visible (...), par l’Incarnation»4. Et tout ceci est fondé sur le fait que toute la Création est faite en, par et pour le Christ Logos : «Car en Lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par Lui et pour Lui. « (Colossiens 1, 16).

Le Mystère des Mystères, qui rend tout cela possible, dit ailleurs le père Dumitru Stăniloae, suivant Saint Maxime le Confesseur, est justement que le Dieu incréé a fait une Création qu’Il peut amener à l’état d’union avec Lui. Aucune part de la réalité ne reste en dehors de ce mystère5! Et l’Incarnation accomplit ce Mystère, parce que le Fils de Dieu Se fait homme. Lorsqu’Il entre dans la trame de ce monde, Il vient dans ce qui Lui appartient ! En voyant le Fils de Dieu né homme, nous comprenons qu’avant Son Incarnation, par tout ce qui est créé, par l’Écriture, mais aussi par la manière d’être propre à l’homme, avec son effort d’imprimer son esprit dans la matière du monde, le Logos divin a préparé le monde pour Son Incarnation en tant qu’homme.

Lorsque les Cieux s’ouvrent et les Anges avec les hommes chantent ensemble, la rationalité du monde atteint sa parfaite condition, en devenant une rationalité de juste glorification. Le ciel participe, à travers l’étoile directrice, à la joie des hommes et des anges, en accueillant Celui Qui l’a fait, né petit Enfant de la Vierge Marie. De même le monde des sans-parole, et la terre elle-même accueillent la venue du Fils dans le monde. Tout L’accueille, et cela se passe parce qu’avant tout la Création entière a été faite par Lui et pour Lui. La Création est une plasticisation des bonnes volontés de Dieu, tout son contenu n’était rien d’autre qu’une rationalité amenée à l’existence par la bonne volonté divine libre, par le Fils de Dieu – le Logos, par les Personnes de la Trinité Qui ont voulu partager aux hommes la vie et l’amour.

La création entière est traversée par l’événement de l’incarnation

Ainsi, parce que toute la Création, la vie et l’homme sont, dans leur essence, des plasticisations des bonnes volontés divines, en étant l’expression sensible des pensées et du plan de Dieu, nous comprenons pourquoi dans tout ce qui est créé nous trouvons une rationalité profonde, et pourquoi aussi la vie de l’homme s’avère être essentiellement une expression plasticisée de son esprit, imprimée dans des formes variées dans la matière du monde et dans le corps de l’histoire. Saint Maxime le Confesseur écrit que «pour nous, ceux qui avons l’esprit lourd, Il a accepté de S’incarner et Se graver (assumer un visage) dans les lettres, les syllabes et les mots, pour que par tout cela Il nous rassemble petit à petit en Lui, nous, ceux qui L’imitons, unis dans l’Esprit »6. L’Incarnation du Logos dans le Christ pour les hommes, écrit le père Stăniloae, est mise en rapport avec Son in-corporation dans toutes choses, « comme dans des signes ».

De cette manière, nous comprenons que toute la Création et l’histoire du monde est traversée par l’événement de l’Incarnation du Logos, gravé dans les choses créées tout d’abord par l’homme, dans son visage divin, par excellence, dans les mots de l’Écriture et enfin, et pleinement, en Jésus Christ. Rien de ce qui existe ne reste en dehors de cette intention d’enveloppement et de dévoilement de Dieu. Par tout ce qu’Il a créé, Dieu Se montre et Se cache en même temps. Rien ne reste en dehors de cet amour de Dieu, qui œuvre en cachant et en dévoilant à la fois Dieu dans le monde créé et dans la vie de l’homme. Dans toute chose créée il y a des sens qui renvoient à Lui, au point que les choses, les créatures et l’Écriture se montrent comme des portes d’entrée de l’homme dans l’horizon spirituel de la vie. Et, en fin de compte, mais plus que tout, le Fils de Dieu fait homme, Jésus Christ, Se montre Lui-même comme la Porte qui mène l’homme à Dieu le Père, dans l’Esprit Saint.

Nous comprenons maintenant pourquoi l’homme, par tout ce qu’il fait, se dévoile et se cache à la fois, en s’exprimant lui-même à travers l’art ou l’ingénierie, mais en restant en même temps caché dans tout, au-delà de toutes ces expressions visibles. Parce que toute la Création est d’abord un dévoilement de Dieu Qui reste caché dans les commandements et Se donne Lui-même et Se partage aux hommes mystérieusement dans l’Église, par les Saints Sacrements. « En chaque “chose” il y a tout le Logos de Dieu”, écrit Saint Maxime le Confesseur. (...) Il est présent en toutes choses par leurs raisons qui irradient de la même Raison et en toute parole que nous adresse par elles le même Logos hypostatique. Seulement parce que le Logos de Dieu S’est incarné, dans cette nouvelle loi de la grâce, Il peut être vu dans toute chose », « comme des incarnations de Ses raisons et de Ses paroles », sans que ceci signifie Son identification avec elles. Seulement par l’aide de la grâce, l’homme peut être à même de Le sentir travailler en elles  « comme Sujet qui les dépasse et leur est transcendant »7.

On voit maintenant de manière plus claire d’où et pourquoi l’homme a le pouvoir de créer, de construire, d’organiser le monde et la vie. Être créé à l’image de Dieu, l’homme comme un dieu plus petit, est destiné dans le monde à pouvoir faire graver son esprit dans la substance de ce monde, parce qu’en dernière instance le monde est destiné à se remplir, par son œuvre, de l’Esprit Saint, lorsque l’homme imite dans sa vie le Dieu-homme, Jésus Christ.

Diacre Sorin Mihalache

Notes :


1. Voir Hans Blumenberg, Lizibilitatea lumii (La lisibilité du monde), traduction de Maria Magdalena Anghelescu, Cluj : Éditions TACT, 2011, 430 p.
2. De même, et surtout, comment la science aurait-elle pu progresser si nous avions vécu dans un Univers inintelligible, sans lois ? Quel aurait été le sens d’une telle connaissance et comment aurait-elle pu se transmettre d’une génération à l’autre ? En fait, on a du mal à imaginer des processus qui ne soient pas descriptibles, du moment que, dans cet univers, même le chaos supporte les descriptions mathématiques !
3. Des données de ce type font partie du domaine de la sociobiologie, qui, certaines interprétations idéologisantes mises de côté, représente une vaste et intéressante aire de travail, où l’on étudie et on note de tels faits et situations dans le monde vivant.
4. Pr. Dumitru Stăniloae, note 181, in Sf. Maxim Mărturisitorul (Saint Maxime le Confesseur), Ambigua, Éditions I.B.M.B.O.R., 2006, p. 226.
5Théologie Dogmatique Orthodoxe, vol. III, Éditions I.B.M.B.O.R., 1997, p. 5.
6. Saint Maxime le Confesseur, Ambigua, 98, p. 370.
7. Père Dumitru Stăniloae, note 319, in Ibidem, pp. 370-372

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