Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Marc 3, 1-6 – Cinquième Guérison : Celle de L’Homme à La Main Sèche.
Dans l’Évangile de Marc, on constate que, lors des premières pages le Christ restaure l’Homme-de-la-chute par cinq guérisons successives :
Deux guérisons pour délivrer l’humain de celui «qui se cache et se tapit dans son cœur»1, et ainsi lui rendre sa liberté. (Guérison de l’homme en souffle impur dans la Synagogue – Marc 1, 21-28, puis guérison de la belle-mère de Pierre – Marc 1, 31. Cette fois-ci, c’est plus particulièrement la révolte fondamentale de l’homme contre son Créateur qui est guérie.) Par ces guérisons, l’homme est réconcilié avec Dieu.
Troisième guérison, celle du lépreux, auquel il dit : « Vois », que ton œil cesse de convoiter, et ta langue de médire – réconciliation avec les frères (Marc 1, 40-45).
Quatrième guérison, celle du Paralysé : impotent, il ne peut rien pour lui-même, et est contraint de s’abandonner à la compassion d’autrui. On peut y voir la réconciliation avec soi-même. Le Christ lui dit : « Marche ! » (Marc 2, 1-12).
Nous voici à la cinquième guérison, celle qui va guérir la main : « Étends ta main », et réconcilier l’homme avec le Cosmos. (Marc 3, 1-6)
Ces guérisons sont à mettre en parallèle avec le scénario de la chute : Eve en acceptant de parler au serpent tombe sous son emprise, et fait siennes la défiance et la révolte à l’égard de Dieu suggérées par l’interlocuteur. Puis, convoitant le fruit, elle le verra, marchera vers lui, et s’en saisira. Ces membres qui ont été actifs pour désobéir, le Christ les guérit.
Le Texte :
Verset 1 – Et de nouveau, il est entré dans la synagogue …Ce milieu n’a pas encore déclaré son hostilité.
… et il se trouvait-là un homme ayant la main desséchée.
La main, c’est l’organe du faire. Outre marcher dans les voies du Seigneur, l’homme doit faire la volonté de Dieu, accomplir les commandements : ‘Que ta volonté soit faite’ dit le Notre Père. C’est pourquoi à la fin de l’Office Liturgique, il nous est fait une onction sur le front et sur les mains2 : ‘Cette parole qui a nourri ton intelligence, maintenant fais-la ; fais l’œuvre de Dieu. Mets en pratique.’3
Cette main, ici, est desséchée. Pourquoi desséchée ? Qu’est-ce que le sec ?
Il faut se tourner vers le premier chapitre de la Genèse :
Au jour UN de la création, Dieu crée une terre ‘informe et vide’ (tohu va bohu), un composé de ténèbres, d’abîme et d’eaux, ainsi que la lumière ;
Au deuxième jour, Dieu crée le firmament qui vient séparer les eaux d’en-haut d’avec les eaux d’en bas ;
Au troisième jour, rassemblant les eaux d’en bas, Dieu fait apparaître ‘le sec’ (‘yabesh’ en hébreu, ‘xèra’ en grec), et lui donne le nom de Terre (‘eretz’ en hébreu, et ‘ghè’ en grec). Il dit : ‘c’est beau’, et lui donne mission de se couvrir de verdure et de produire toutes sortes de plantes : de devenir fertile. Par sa Parole qui nomme, Dieu transforme donc Yabesh, le sec, en Eretz, la terre fertile. (Gn1, 9-10) Les traductions françaises ne permettent pas toujours de saisir ces nuances.
Dans le deuxième récit de la création (Gn 2), complémentaire du premier, il est dit qu’une vapeur, monte de la terre et l’arrose, formant la Adama, et qu’avec la poussière de cette Adama Dieu façonne l’être humain, et l’insuffle : c’est Adam, tiré de la Adama.
‘À la fin des temps’ vient le Christ, le Nouvel Adam, porteur de cette même chair façonnée à partir de la poussière humide et fertile, issue du Cosmos créé. Et cette chair créée, le Christ nous le savons l’amènera jusqu’au Trône de Dieu pour l’y faire siéger. De ce sublime événement, nous faisons mémoire lors de la Fête de l’Ascension.
Quel parcours, quelle aventure pour la matière ! Depuis l’informe tohu va bohu initial, par paliers successifs, elle est hissée jusqu’à participer à la gloire de Dieu. Voilà le projet de Dieu pour la matière. Merveille ! Combien la Terre mérite notre respect !
Or Eve a fermé sa main pour s’emparer du fruit de l’arbre. Ainsi, la main humaine par la désobéissance, a régressé au stade du ‘sec’, de l’infertile, incapable de participer à l’œuvre de Dieu, et l’aventure de la matière cosmique a été stoppée.4
C’est ce que le Christ vient réparer ici : après l’œil et la démarche, il opère la guérison de la main qui avait fauté ; restitution de sa fertilité à la matière, en vue de sa participation active au projet divin ; et ainsi, réconciliation de l’homme avec le Cosmos.
Verset 2 – Et on l’épiait : Va-t-il le guérir, le Shabbat ? Afin de l’accuser.
On lui a déjà reproché, ce même sabbat de laisser ses disciples cueillir des épis. Alors qu’il n’est pas interdit de grappiller, … alors qu’il aurait fallu que ces témoins sachent se transposer dans le Sabbat messianique, dans le temple de Dieu–Cosmos, nourris du Pain donné par le Père de l’Abondance5 … Ce n’était pas à la portée de tous …
En fait, nous pouvons constater qu’« on » ne cherche qu’un prétexte : « on » est exaspéré par ce Rabbi qui a tant de succès, qui choque en mangeant avec les pécheurs et les collecteurs, qui se dit Fils de Dieu et Époux ! et bouscule ce qu’il y a de plus respectable : les règles de rémission des péchés, de pureté rituelle et de respect du sabbat. Il faut arriver à le faire taire !
Verset 3 – Et il dit à l’homme qui a la main sèche : « Lève-toi ! (Tiens-toi) Au milieu ! »
Lève-toi : le verbe grec employé ici est ‘egeirô’, qui signifie : réveiller, faire lever et même ressusciter. Mais l’impératif sans complément d’objet se traduit par : ‘Lève-toi’.
De même, Jésus dira à la fille de Jaïre – dont on ne sait pas si elle dort ou si elle est morte – ‘egeiré’ : ‘Lève-toi,’ (ou ‘Éveille-toi.’) (Mc 5, 41) Et elle se relève.
L’homme déchu est donc ainsi appelé à sortir de sa mort spirituelle et à se dresser, à la voix de Celui qui veut lui communiquer la Vie. La position vautrée, d’homme à terre dominé par l’Adversaire : c’est fini !
Au milieu : au milieu du Paradis, il y a l’arbre de Vie. Que s’est-il passé ‘au milieu’ ?
C’est là qu’Eve a vu que l’arbre qui est au milieu du jardin, et dont Dieu a dit : vous n’en mangerez pas, (…) était bon comme nourriture, plaisant à voir au regard, et favorable pour comprendre, et prenant de son fruit, elle mangea, et elle en donna à son mari avec elle, et ils mangèrent. (Traduction LXX, Gn 3, 3.6) C’est là,au milieu, qu’elle a fermé sa main sur le fruit dont elle s’emparait.
Il y a de la violence dans cet acte. Elle enfreint. Elle vole.
PARADIS. Décidément, le Sabbat messianique auquel réfère le Christ, dont il est le Seigneur et au cours duquel il guérit, réfère au Paradis
Nota – ‘Tiens-toi’ n’est pas dans le texte grec, mais le traducteur l’a ajouté, estimant qu’en français, ça sonnait mieux ainsi. Lui-même le signalait.
Verset 4 – Et il leur dit : Est-il permis, le Shabbat, de bien faire ou de faire du mal ? De sauver une vie, ou de tuer ? Eux se taisaient.
- Les commentaires juifs disent que la chute a eu lieu le septième jour, jour du shabbat.
En effet, le sixième jour, Dieu a créé les animaux : bétail, rampants et bêtes sauvages. Puis, l’après-midi, disent les commentaires, Il a créé l’homme. La chute survient le lendemain, le septième jour. N’exigeons pas que le récit soit scientifiquement rationnel. Cela en limiterait la portée.
Dans notre lecture de l’Évangile, nous sommes rendus de nouveau un jour de sabbat, et c’est le jour que le Christ-Verbe de Dieu choisit pour achever la réparation des membres qui ont œuvré la chute.
- Au Paradis, le jour du Shabbat, Eve et Adam ont mal fait, et la mort est advenue. La mort spirituelle, et la mort physique, à laquelle Dieu a fait appel pour mettre une limite à l’orgueil de l’homme, et à ses œuvres destructrices.
Ce même jour, le Christ, nouvel Adam, va faire bien et sauver la Vie de l’Homme déchu.
Quel genre de Shabbat préférez-vous ?
- Eux se taisaient. Ils restent séparés du projet divin, étrangers, inaccessibles.
Verset 5 – Et les regardant à la ronde …
L’estrade d’où on lit la Parole à la synagogue se trouve au milieu de la salle, les fidèles étant répartis tout autour, non pas en face. Le Christ, se trouvant donc ‘au milieu’ avec l’infirme, doit les regarder à la ronde pour solliciter successivement tous les regards, répartis sur 360 degrés.
… avec colère, contristé de l’endurcissement de leur cœur …
Qu’est-ce que le cœur endurci, thème récurrent dans l’Écriture ?
En Hébreux 3, 7-11, Saint Paul citant le Psaume 94 (95), 8-11 nous prévient : (TOB 2011)
J’ai déjà fait allusion à cet épisode de l’Exode (Ex 17, 1-4) : il n’y a pas d’eau à boire, et le peuple exaspéré, injurie Moïse violemment (Moïse les sent prêts à le lapider), et met Dieu à l’épreuve, c’est-à-dire au défi de leur venir en aide. Ils font passer à Dieu un examen : Es-tu capable de nous donner de l’eau ? Je doute que tu en sois capable …
Alors que Dieu vient de les faire sortir d’Égypte, et traverser la mer Rouge … !
C’est ça le cœur endurci : douter de Dieu, ne pas mettre en Lui sa foi, son espérance et son amour. Et injurier, blesser le frère.
En un tel cas, Dieu s’éloigne avec colère et prédit : ils n’entreront pas dans mon repos, dans ma Terre Promise, dans mon Shabbat du Bien et de la Vie ... Et en effet, dans le récit de l’Exode, il les fera tous mourir dans le désert, seuls leurs enfants entreront dans le repos, la Terre Promise. À la Synagogue, il y a donc deux camps et ils sont irréductibles : ceux qui ont foi en Jésus, et ceux qui sont endurcis dans l’incrédulité.
… il dit à l’homme : « Étends ta main. » Et il l’a étendue, et sa main a été rétablie.
Je pense qu’étendre la main, c’est l’ouvrir, c’est lâcher … le contraire de saisir, de fermer la main pour prendre, le contraire de ce qu’avait fait Eve.
C’est laconique. La guérison s’opère par la parole du Christ, et par l’exécution confiante de l’homme. Lui donc, il a foi. Pas comme le « on » de la synagogue. Sa main va pouvoir participer maintenant à l’œuvre de Dieu. Rien qu’en se laissant guérir déjà, il fait la volonté de Dieu, futur chrétien participant du corps du Christ, assis à la Droite de Dieu.
Verset 6 – Et étant sortis les pharisiens tenaient aussitôt conseil contre lui, avec les Hérodiens, en vue de le perdre.
Ils sortent de la matrice sabbat messianique-foi-guérison-repos en Dieu, pour aller faire alliance avec les Hérodiens, c’est-à-dire avec les partisans du roi Hérode, qui ne sont pas du tout de leur bord religieux et qu’ils détestent foncièrement, mais que ne ferait-on pas pour perdre Jésus … ?
Dès ce moment, le clan des cœurs endurcis, a décidé la mort du Juste.
Conclusion
L’Homme apparu au soir du sixième jour, juste avant le shabbat, à été créé pour le repos, disent les juifs avec humour !
Oui, pour le ‘repos en Dieu’, et la participation à l’œuvre divine. Mais l’Homme, en fait, lors du premier Shabbat, s’est empressé de chuter, et de détruire l’œuvre de Dieu, faisant entrer la mort dans le monde.
‘À la fin des temps’, l’Homme-Dieu, le Christ, le Nouvel Adam, choisit justement le jour du Shabbat pour achever la guérison du premier Adam, lui rendre sa liberté volée par l’Adversaire, et le restaurer dans ses relations avec Dieu, avec autrui, avec lui-même, et avec le Cosmos.
C’est un émerveillement pour nous que d’entrevoir ce Shabbat du temps messianique, dont le Christ est Seigneur, dans lequel, restaurés et vivants, les chrétiens participent aux dons de Dieu, affranchis du doute, recevant comme des enfants, pain et participation à l’0euvre. PARADIS. Amen.
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