Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
« Garde le beau dépôt, par l’Esprit Saint qui habite en nous » (II Tim. I, 14)
Parce qu’il a œuvré sans cesse et avec l’ardeur que nous lui connaissons à la propagation de l’Évangile de vie et à l’édification des saintes Églises de Dieu, le saint Apôtre pourra légitimement se rendre ce témoignage à lui-même, à la fin de sa vie : « Car pour moi, je suis déjà offert en libation et l’heure de mon départ est venue. Jusqu’au bout j’ai combattu le bon combat, accompli ma course, gardé la foi. Il ne me reste qu’à recevoir la couronne de justice, qu’en ce jour-là me donnera le Seigneur, le juste Juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront attendu son avènement avec amour » (II Tim. IV, 6-7). Entre les mains de saint Paul, le « beau dépôt » a été intégralement gardé et transmis. D’où cette recommandation, qui exige une totale obéissance, à son disciple Timothée : « Pour toi, demeure ferme dans ce que tu as appris et dont tu as la certitude, sachant quels sont ceux de qui tu le tiens – παρὰ τίνων ἔμαθες » (II Tim. III, 14). C’est de Paul que Timothée reçoit le dépôt sacré, mais aussi des autres Apôtres et, par eux, du Seigneur Jésus Christ lui-même.
Le dépôt de la foi dont le cœur est la Personne du Christ et son enseignement, est revêtu de l’autorité divine. Qu’est-ce que cette autorité ? C’est l’autorité souveraine du Christ qui siège à la droite du Père, autorité souveraine qui nous demande de nous soumettre librement et en conscience à la volonté divine par une foi ferme, de vivre selon les commandements du Seigneur, de purifier nos passions par la pratique des vertus évangéliques, de nous abandonner à la guidance de l’Esprit Saint. En dehors de cette voie, point de salut.
Dans nos deux épîtres à Timothée et dans celle de Tite, la doctrine du Christ est qualifiée à plusieurs reprises de « saine doctrine », c’est-à-dire salutaire : « ἡ ὑγιαινούση διδασκαλία » [littéralement : la saine doctrine] (I Tim. I, 10), expression répétée en II Tim. IV, 3 et Tt. I, 9 et Tt. II, 1. Cette répétition souligne l’origine divine de cette doctrine et l’autorité dont elle est revêtue. Deux autres expressions sont employées, la première en I Tim. VI, 3 : « ὑγίανουσιν λόγοις » [littéralement les saines paroles], la seconde du même type en II Tim. I, 13. Elles signifient également dans la pensée de l’Apôtre, que quiconque s’écarte ou enseigne autre chose que cette saine doctrine n’est plus dans la vraie foi : « Si quelqu’un enseigne autre chose et ne s’attache pas aux saines paroles, celles de notre Seigneur Jésus Christ, et à la doctrine conforme à la piété, c’est un être aveuglé par l’orgueil, un ignorant, un malade en quête de futiles recherches et de querelles de mots. De là viennent envie, discorde, diffamations, mauvais soupçons, disputes sans fin d’hommes à l’esprit corrompu, privés de la vérité, et qui font de la piété une affaire » (I Tim. VI, 3-5).
Cette parole apostolique est prophétique. A tous ceux qui, hier comme aujourd’hui, renoncent à cette saine doctrine, en tout ou partie, qu’il s’agisse d’hérésies trinitaires, christologiques ou ecclésiologiques, Dieu leur donne comme punition l’enflure de l’orgueil, de l’aveuglement, de l’ignorance. Ce sont-là de véritables maladies spirituelles et l’Apôtre en parle en ces termes : infection, souillure : « Tout est pur pour les purs, mais pour les êtres souillés et les incroyants rien n’est pur ; loin de là, leur esprit même et leur conscience sont souillés. Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le nient par leurs actes : gens abominables, rebelles, disqualifiés pour toute œuvre bonne ! » (Tt. I, 15-16). Leur parole est comme une gangrène qui gagne de proche en proche : « Quant aux discours creux et impies, évite-les ; car ceux qui les tiennent iront toujours plus avant dans l’impiété, et leur parole rongera comme la gangrène. Tels sont les Hyménée et Philète qui se sont égarés loin de la Vérité… » (II Tim. II, 16-17a).
Seule la foi en Christ, transmise par les Apôtres à l’Église qui est la famille de Dieu, est le fondement inébranlable de la vérité « l’Église du Dieu vivant, colonne et fondement de la vérité » (I Tim. III, 15b), car c’est en elle et par elle qu’est transmise la parole digne de foi – πιστὁς ὁ λόγος : « Elle est sûre, cette parole, et digne d’une entière créance… » (I Tim. IV, 9a, mais aussi II Tim. II, 11a) et Tt. III, 8 : « Elle est sûre, cette parole, et je veux que sur ce point tu sois catégorique, afin que ceux qui ont donné leur foi en Dieu s’appliquent à exceller dans la pratique du bien ».
Ce dépôt sacrécontient tout ce qui est utile à notre vie chrétienne : la foi, la piété, les Mystères donnés par le Christ à son Église, l’Écriture sainte, la nécessité d’obéir au Seigneur et de le suivre, sachant que le disciple n’est pas plus grand que le Maître et qu’il devra passer par où est passé le Maître, le repentir, attitude fondamentale et indispensable qui atteste de la vérité de la foi de celui ou celle qui la porte et de sa mise en pratique, l’observance des saints commandements du Seigneur, les œuvres bonnes et agréables à Dieu, le salut offert par le Christ à tous ceux qui ouvrent leur cœur à la Parole de vie qui n’est autre que le Verbe éternel de Dieu qui s’est abaissé jusqu’à nous et s’est fait homme : « C’est sans contredit, un grand mystère que celui de la piété ; Dieu a été manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, vu des anges, proclamé parmi les païens, cru dans le monde, emporté dans la gloire » (I Tim. III, 16). Mais aussi, ajoutons avec saint Paul un autre trait : la dignité de l’épiscopat, « en sa qualité d’intendant de Dieu » (Tt. I, 7a).
C’est la raison pour laquelle tout autre enseignement que celui du dépôt de la foi transmis par les Apôtres, rompt avec la vérité, est étranger à la parole du Seigneur. Si saint Paul emploie un vocabulaire médical pour décrire les faux enseignements qui trahissent le saint dépôt, il se sert également d’autres expressions pour rendre compte de l’abandon de la foi. Cet abandon est comparable à un égarement I Tim. VI, 10, un naufrage I Tim. I, 19 et même une folie – ἄνοια –, déraison, folie. Ne dit-il pas : « Pareils à Jannès et Jambrès [sont visés ici les propagateurs de fausses doctrines] qui firent opposition à Moïse, ils font, eux aussi, opposition à la vérité, gens à l’esprit corrompu, disqualifiés quant à la foi » (II Tim. III, 8).
Les fondements dogmatiques de ce dépôt de la foi, sont très intimement liés dans la pensée de l’Apôtre, suivant celle du Christ, à leur mise en pratique. L’Apôtre insiste sur le lien entre la saine doctrine, la doctrine authentique et la piété. Le terme de piété – εὐσέβεια – est souvent utilisé pour rendre compte du lien entre les deux et pour dire que la saine doctrine c’est celle qui est conforme à la piété, selon I Tim. VI, 3 déjà cité et Tt. I, 1, lui aussi cité plus haut. A bien y regarder, les versets de I Tim. III, 16 se présentent comme un fragment d’hymne liturgique à la gloire du Christ, sa kénose, son abaissement, lorsqu’il se fait homme sans que sa divinité subisse un quelconque changement, sa résurrection et son exaltation dans la gloire, et la proclamation du kérygme aux païens. Ces versets forment le mystère de la piété qui est aussi le « mystère de la foi » (I Tim. III, 9), l’un n’allant pas sans l’autre. Il n’y a pas de foi sans pitié nous dit saint Paul et pas de piété sans les œuvres agréables à Dieu et le mystère de la foi ne peut se conserver que dans une conscience pure : « Qu’ils [il s’agit dans ce contexte des diacres] gardent le mystère de la foi dans une conscience pure » (I Tim. III, 9).
A cette piété fondée sur les saines paroles mises en pratique, s’oppose l’impiété et l’immoralité, car là aussi l’une ne va pas sans l’autre, des novateurs, des hérétiques. Ceux-ci abandonnent la saine doctrine en raison même de leur impiété et de leur égarement qui ne cesse de croître de telle sorte qu’ils tombent toujours plus bas et leur cœur s’enténèbre et s’endurcit. Le début du troisième chapitre de la deuxième épître à Timothée décrit les hommes « dans les derniers jours » et dit d’eux : « gardant les dehors de la piété – μόρφωσις εὐσεβείας – tout en ayant renié ce qui fait sa force » (II. Tim. III, 5a).
Saint Paul dit à Timothée qu’en prêchant la Parole de vérité, il donne un enseignement conforme à la voie droite, à la règle de la foi. Un enseignement orthodoxe : « Efforce-toi d’apparaître aux yeux de Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’a pas à rougir, un fidèle dispensateur de la parole de vérité – ὀρθοτομοῡντα τὸν λόγον τῆς ὰληθείας » [littéralement distribuant droitement la parole de vérité] (II Tim. II, 15). A ce propos et selon Walter Hartmann qui le cite dans son article où il étudie les épîtres à Timothée, Eusèbe de Césarée dans son Histoire Ecclésiastique, établit une synonymie entre orthodoxie – ὀρθοδοξία et ορθοτομια – exactitude. Le premier terme est utilisé en H. E. livre III1, chapitre XXXI, paragraphe 6, à propos des livres reçus dans l’Église, en particulier ceux qui sont conformes à l’orthodoxie apostolique et le deuxième terme, nous le trouvons au livre IV2, chapitre III, premier paragraphe où il est parlé de l’exactitude apostolique de l’Apologie de Quadratus3.
Pour terminer sur cette question, nous voyons que saint Paul oppose l’orthodoxie de la foi à l’hétérodoxie (I Tim. I, 3) que l’on traduit habituellement par doctrines étrangères, le terme grec de ce verset – ἑτεροδιδασκαλεῑν – signifiant enseigner une autre doctrine. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que l’Apôtre donne aux novateurs le nom d’hérétiques « Pour ce qui est de l’hérétique, après un premier et un second avertissement romps avec lui » (Tt. III, 10). L’hérésie opère toujours un choix dans le dépôt de la foi reçu des Apôtres, en fonction d’interprétations personnelles, de conceptions philosophiques opposées à l’Évangile, et rejette ou met dans l’ombre tout ce qui dans l’Écriture contredit ce choix. Elle constitue donc une trahison de l’enseignement du Christ transmis par les Douze et gardé dans l’Église de Dieu. Fondamentalement, elle procède de la seule sagesse humaine dont l’Apôtre nous dit qu’elle n’est que ténèbres.
Ce dépôt de la foi, il convient de le garder sans rien en retrancher, sans rien n’y ajouter. L’Apôtre le répète souvent et, à sa suite, les Pères de l’Église de tous les âges le feront également. Pour autant cette garde du dépôt et sa transmission sont dynamiques car la Tradition c’est l’Évangile vécu qui vient jusqu’à nous. Saint Paul, outre le fait qu’il annonce avec ardeur le kérygme lors de ses voyages missionnaires, organise les Églises qui naissent de sa prédication apostolique, impose les mains à des épiscopes, à des anciens, est très vigilant quant à la pureté de la doctrine enseignée par ceux qui ont pour mission de les gouverner après son départ vers d’autres lieux. Cette vigilance transparaît tout au long de ses épîtres. Il veille aussi à ce que tous mènent une vie conforme aux commandements du Christ et il n’est pas tendre face aux déviances en la matière, comme en témoigne, entre-autre, la première épître aux Corinthiens. Rien ne le détourne de l’enseignement qu’il tient du Christ, ni même de l’attente confiante et priante de la seconde venue du Seigneur et il demande à ses disciples d’être dans les mêmes dispositions intérieures.
Lorsqu’il sent venir le terme de sa vie terrestre, non seulement il ne cesse pas de proclamer l’Évangile, mais il se préoccupe de la croissance et de la pérennité des Églises qu’il a fondé. C’est tout le sens des exhortations et des recommandations qu’il fait à Timothée et à Tite. Il rappelle à Timothée qu’il a reçu un enseignement « en présence de nombreux témoins », car la doctrine du Christ est offerte à tous, du moins à tous ceux qui ayant entendu la Parole reconnaissent qu’elle est véridique et lui accordent leur foi. Il exhorte son disciple à transmettre ce qu’il a reçu en agissant avec prudence et discernement : « Ce que tu as appris de moi en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes sûrs, qui soient capables d’en instruire d’autres à leur tour » (II Tim. II, 2). Cette parole est à relier aux instructions qu’il donne aux Églises et en particulier à Tite, pour l’établissement des anciens dans chaque ville [il s’agit là de la Crète] « suivant mes instructions », précise-t-il : « L’épiscope, en sa qualité d’intendant de Dieu, doit être irréprochable. Il ne le faut ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains déshonnêtes, mais au contraire hospitalier, ami du bien, réservé, juste, pieux, maître de soi [tempérant], ayant à cœur de donner un enseignement sûr, conforme à la doctrine, pour être capable tout ensemble d’exhorter dans la saine doctrine et réfuter les contradicteurs » (Tt. I, 7-9).
Enfin, il exhorte toujours et sans cesse à « fuir les nouveautés » et à rester intégralement fidèle à la doctrine reçue et apprise : « Prends pour modèle les saines paroles entendues de moi dans la foi et la charité du Christ Jésus. Garde le beau dépôt par l’Esprit Saint qui habite en nous » (II Tim. I, 13-14).
Terminons en rappelant que ce beau dépôt est le bien commun de toute l’Église. Il est sous la garde non seulement des évêques successeurs des Apôtres mais aussi de tout le peuple fidèle. La longue histoire de l’Église nous apprend qu’il ne s’agit pas là d’un vain propos. De ce dépôt de la foi, nous devons en vivre et le transmettre inaltéré. C’est ce que demande saint Paul. La lointaine voix de l’Apôtre des nations retentit avec puissance à travers les siècles et nous dit : Soyez sourds à toute parole qui parle en dehors de Jésus Christ.
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