Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Le Jugement dans l’Évangile de saint Jean et dans la prédication des Apôtres
« Sa domination durera toujours, elle ne passera pas, et son royaume ne sera jamais détruit » (Dn. VII, 14c)
Dans notre précédent article, nous avons vu que le Seigneur Jésus Christ se sert d’images et de représentations traditionnelles de l’apocalyptique qui étaient bien connues de ses disciples et de ceux qui écoutaient son enseignement, mais pour autant nous avons vu que le but de cet enseignement n’est pas de brosser un tableau des évènements devant advenir au Jour de la Colère de Dieu, contrairement aux récits apocalyptiques. Il y a bien sûr de nombreuses menaces proférées face à cette « génération incrédule », « Serpents, engeance de vipères ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation de la géhenne ? » (Mt. XXIII, 33), et ces images et représentations ne relèvent pas de l’imaginaire ou de mythes, tant il est vrai que toute séparation d’avec Dieu relève de l’enfer, dans ce monde et dans l’autre, car dans ce cas la Lumière bienfaisante de Dieu se fait feu, brûlure et châtiment.
Ces images et ces paraboles renvoient à une réalité, car au Jour de la Colère se révèlera le juste Jugement de Dieu « Par ton endurcissement et l’impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère, au jour de la colère où se révèlera le juste jugement de Dieu » (Rm. II, 5) et il sera impossible d’y échapper. Comme partout dans le saint Évangile, nous voyons la pédagogie divine du Christ à l’œuvre pour le salut des hommes. Ici pas de description apocalyptique de ce qui doit advenir en ce Jour, comme c’est le cas avec les deux combats eschatologiques et le jugement des nations en Apocalypse XIX et XX, mais cet enseignement met en lumière la motivation essentielle du Jugement divin : l’attitude prise par les hommes en face du Verbe de Dieu fait homme et envers le prochain.
Dans l’évangile de saint Jean
Le Verbe divin a pris la nature humaine pour l’assumer totalement et accomplir tout le dessein de Dieu en faveur des hommes et la mort vivifiante du Christ et sa résurrection glorieuse signifient que le monde est jugé. L’histoire ultérieure et ce jusqu’au dernier jour ne fera qu’expliciter cette sentence. Le fait même du Jugement se réalise dès l’instant où le Père envoie son Unique-Engendré dans le monde, car le Fils de l’Homme, a été établi par le Père Juge du dernier Jour : « Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’Homme » (Jn. V, 26-27).
Cependant, l’Évangile ne dit-il pas pour manifester l’abaissement du Christ et son œuvre de salut : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » ? (Jn. III, 16-17). Ces versets du troisième chapitre de l’évangile de Jean n’infirment-ils pas ce qui précède ? Nullement puisque dans la suite des versets de l’entretien avec Nicodème, il est dit : « Qui croit en lui [le Seigneur Jésus Christ] n’est pas jugé ; qui ne croit pas en lui est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. Et tel est le jugement : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn. III, 17-19).
Il faut donc bien considérer d’une part, le Jugement dernier, le Jugement eschatologique, le Jugement où comparaîtront tous les hommes, tous les peuples, toutes les nations à la consommation des siècles, et d’autre part le jugement qui s’opère dès maintenant suivant l’attitude que chacun prend à l’égard du Christ. Le jugement est donc à la fois le fruit d’une décision divine et un dévoilement du secret des cœurs des hommes. Ceux qui préfèrent les ténèbres à la Lumière, Dieu les laisse s’aveugler, patauger dans leur orgueil, car « C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde, pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles » (Jn. IX, 39).
Le Jugement du Jour de Colère ne fera donc que dévoiler au grand jour cette séparation qui s’opère dès maintenant dans le secret des cœurs.
Dans la prédication apostolique
La prédication apostolique accorde une très grande place à l’annonce du Jugement inséparablement liée à l’appel pressant à la conversion, car le Jour est fixé pour juger le monde : « Or voici que, fermant les yeux sur les temps de l’ignorance, Dieu fait maintenant savoir aux hommes d’avoir tous et partout à se repentir, parce qu’il a fixé un jour pour juger l’univers avec justice… » (Ac. XVII, 31). Ce sont des paroles prononcées par saint Paul dans son discours à l’Aréopage d’Athènes. On trouve de semblables paroles dans la première épître de saint Pierre à propos de la rupture avec le péché.
Mais la prédication apostolique met aussi l’accent sur l’imminence de ce Jugement et pas seulement sur la conversion. Encore faut-il être en état de veille, rester vigilant car le Maître du Jugement peut revenir dans sa gloire à tout moment : « Voyez, dit l’Apôtre saint Jacques, le Juge se tient aux portes ! » (Jc. V, 9) et Dieu jugera chacun selon ses œuvres sans faire acception des personnes. En ce jour de Colère, non seulement se révèlera le juste Jugement de Dieu comme le dit saint Paul aux Romains (II, 5) mais c’est le Christ qui sera le Juge des vivants et des morts : « Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne… » (2 Tim. IV, 1), de même en Apocalypse XIX, 11, le « Fidèle », le « Vrai », monté sur un cheval blanc « il juge », mène le premier combat eschatologique et son Nom est « le Verbe de Dieu ».
« Il a donné au Fils le Jugement tout entier » (Jn. V, 22)
L’enseignement du Seigneur Jésus Christ nous montre que le Christ a les attributs du Juge souverain. De nombreux exemples évangéliques l’attestent. Il parle avec autorité de ce qui doit arriver, lorsqu’il évoque qui sont les vrais disciples : « Ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les Cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? […] Alors je leur dirai en face : Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt. VII, 22).
Le Jour du Fils de l’Homme s’identifie avec le Jour du Seigneur, le Jour de la Colère, Jour qui surgira « Comme l’éclair en effet, jaillissant d’un point du ciel, resplendit jusqu’à l’autre, ainsi en sera-t-il du Fils de l’Homme lors de son Jour » (Lc. XVII, 24). En effet, « Le Fils de l’Homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon sa conduite » (Mt. XVI, 27). Lors du Sermon sur la Montagne, appelé ainsi parce qu’il est prononcé sur une hauteur près de Capharnaüm, véritable Charte du Royaume, le Christ manifeste avec éclat son autorité souveraine en énonçant sous une forme paradoxale les conditions d’entrée dans le Royaume : « Bienheureux les pauvres en esprit, le Royaume des cieux est à eux ». Cette première béatitude, au présent et qui englobe toutes les autres nous montre qu’avec la venue du Christ, tous les biens sont déjà donnés, par anticipation, car c’est en Lui que les béatitudes trouvent leur accomplissement et c’est par Lui que sera donné le Saint Esprit qui procède du Père, somme de tous les biens. Elles opposent les valeurs éternelles du Royaume à celles du monde déchu. Elles sont la marque propre aux vrais disciples du Christ, elles sont porteuses d’une bénédiction divine donnée à ceux qui vivent véritablement dans le Christ. Qui donc pouvait prononcer de telles paroles avec une si ferme assurance, si ce n’est Celui qui a reçu du Père l’autorité souveraine.
C’est encore Lui qui dira, dans l’évangile de saint Matthieu, ces paroles qui concernent le Jugement dernier : « Quand le Fils de l’Homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur un trône de gloire » (Mt. XXV, 31) pour juger les nations, séparer les gens des uns des autres et il dira à ceux placés à sa droite : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde » (verset 34) et à ceux placés à sa gauche : « Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges » (verset 41).
Une autre attestation de l’autorité souveraine du Christ nous est donnée dans le récit de la Transfiguration, récit placé après la première annonce de la Passion et les conditions pour suivre Jésus (Mt. XVII, 1-8 ; Mc. IX, 2-8 et Lc. IX, 28-36). Ici le Christ est entouré de Moïse et Elie, la Loi et les Prophètes qui lui rendent témoignage pour qui sait les scruter, et la transfiguration de son visage et de ses vêtements, révèle la gloire du roi et la nature divine du Christ. C’est une anticipation de la gloire du Ressuscité venant, escorté de ses anges, pour exercer le Jugement. Cette vision grandiose nous renvoie à ce que Daniel dit de lui dans sa première vision prophétique : « On lui donna la domination, l’honneur et la royauté ; tous les peuples, les nations et les langues se mirent à le servir. Sa domination durera toujours, elle ne passera pas, et son royaume ne sera jamais détruit » (Dn. VII, 14).
L’universalité du jugement
Car c’est tous les hommes sans exception qui seront jugés, tous « les enfants des hommes » (Mc III, 28) depuis Adam jusqu’à la dernière génération qui sera trouvée vivante lors du grand ébranlement à la consommation des siècles, « toutes les nations rassemblées » (Mt XXV, 31), « tous ceux qui habitent sur la surface de toute la terre » (Lc XXI, 35). L’Évangile évoque aussi les fameuses cités bibliques comme devant passer en jugement, ainsi Sodome, jugée pourtant moins sévèrement en « ce Jour-là » que toute cité ayant rejeté la prédication des Apôtres, Tyr, Sidon, Bethsaïde et Chorazeïn, Capharnaüm (Mt. XI, 21-23), les Douze tribus d’Israël, et dans le récit de Jonas, nous voyons les Ninivites car « ils se repentirent à la proclamation de Jonas » (verset 40) et la « reine du Midi » (Mt. XII, 42) témoigner contre cette « génération adultère et pécheresse » (verset 41).
Le jugement est aussi personnel
Le jugement est universel, mais il concerne également chaque homme. Chacun comparaîtra devant le trône redoutable du Christ et on jugera de l’emploi des talents reçus comme dans la parabole en Mt. XXV, ou des mines dans la parabole en Lc. XIX, mais aussi sur l’accomplissement de la volonté du Père, sur le pardon, la miséricorde manifestés vis-à-vis des autres : « mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquements » (Mt. VI, 15), sur les manques d’amour vis-à-vis des plus petits des frères dans lesquels le Christ est mystérieusement présent (Mt. XXV), sur les jugements : « Ne jugez pas, afin de n’être pas jugés ; car du jugement dont vous jugez on vous jugera, et dans la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous » (Mt. VII, 1-2). Cela ira jusqu’aux paroles vainement prononcées : « Car c’est d’après tes paroles que tu seras justifié et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné » (Mt. XII, 37). Et sur d’autres choses encore comme l’aumône.
Non seulement tout homme est jugé sur ses actes, mais aussi Dieu juge l’intention du cœur, le lieu le plus secret qui peut être profondément vicié et d’où sortent tant de méchancetés. Tout cela sera mis à nu, car « le Père voit dans le secret ». Le Grand Juge dévoilera aussi l’attitude de chaque homme à l’égard de la foi : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné » (Mc. XVI, 16), du repentir qui doit être l’humble condition de ceux qui sont au Christ, de la conversion du cœur, de la confession de ses péchés ou, au contraire de l’opposition à la volonté de Dieu, au rejet de l’Évangile.
Le rejet de l’Évangile c’est le rejet du Christ, c’est le refus de renoncer à ce qui nous attache à ce monde qui passe, pour le suivre « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Mc.VIII, 34), et finalement le reniement de son saint Nom : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui m’aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt. X, 32-33 ; Lc. XII, 8-9).
Le jugement portera aussi sur la persévérance jusqu’au bout du chemin terrestre, la fidélité au Christ intégralement gardée ou non dans les tribulations : « Et vous serez haïs à cause de mon nom, mais celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé » (Mt. X. 22).
Le jugement bienveillant
Le jugement dévoile tout, il est redoutable, juste, sans retour et prononce la sentence sur l’avenir éternel de l’homme, pour le salut ou la condamnation. Une question se pose cependant : en examinant toutes ces paroles évangéliques ou celles des épîtres du Nouveau Testament et leur grande sévérité, on ne peut que reprendre une question posée par les Apôtres au Maître : Qui donc peut être sauvé ? Saint Paul en citant le psaume XIII, nous dit que la colère divine embrasse les hommes dans leur ensemble : « Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas de sensé, pas un qui cherche Dieu. Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis ; il n’en est pas un qui fasse le bien, non, pas un seul… » (Rm. III, 10-12). En conséquence il y a une condamnation générale portée contre les hommes et personne ne peut prétendre y échapper par les œuvres de la Loi.
Mais par l’abaissement du Verbe de Dieu venu jusqu’à nous, par son sacrifice d’amour salvateur, en notre faveur, l’Unique-Engendré de Dieu a condamné le péché dans la chair pour nous délivrer, nous libérer, de sa tyrannie. Seul lui pouvait le faire : « De fait, chose impossible à la Loi, impuissante du fait de la chair, Dieu en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair… » (Rm. VIII, 3). Donc : « Il n’y a plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. La loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ t’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rm. VIII, 1-2). Ainsi le Jugement est bienveillant, miséricordieux, et la Justice de Dieu se dévoile comme celle qui justifie et qui sauve.
P. Gérard Reynaud
Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Le site internet www.apostolia.eu est financé par le gouvernement roumain, par le Departement pour les roumains à l'étranger
Conținutul acestui website nu reprezintă poziția oficială a Departamentului pentru Românii de Pretutindeni
Copyright @ 2008 - 2023 Apostolia. Tous les droits réservés
Publication implementaée par GWP Team