Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
(Matthieu 6, 9)
Nous chrétiens, disons ces paroles plusieurs fois par jour lorsque nous prions.
La question que je me pose est : la récitation de l’Évangile par cœur participe-t-elle à la sanctification du Nom : En apprenant, méditant, récitant l’Évangile, est-ce que nous œuvrons pour la sanctification du Nom ?
Que signifie : que ton Nom soit sanctifié ? Quel sens donnons-nous à cette phrase lorsque nous la prononçons ? Est-ce que nous mettons en pratique le précepte ?
Le Nom.1
Le Nom n’est pas la personne, mais il exprime ce qu’elle est ; il la révèle.
(Si je dis Bernard, si j’évoque Bernard, c’est toute sa personne qui est là, présente pour moi.)
Or le Christ nous dit : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9), révélant par ces mots qu’Il est l’image parfaite du Père – et ce n’est pas une figure de style. De plus, le Christ est celui qui dévoile les pensées du Père, qui manifeste le Père : Mon Père vous aime, mon Père a souci de vous, Il m’a envoyé pour sauver le monde … Le Christ révèle le Père.
Il fait donc office de nom : Il est lui-même le Nom.
Et Saint Maxime le Confesseur écrit dans son commentaire sur le Notre Père : « Car le Nom de Dieu le Père, ce nom qui existe dans l’essence même, c’est le Fils unique. »
Dans cette prière du Notre Père que le Christ nous donne, il nous fait invoquer le Père, première Personne de la Trinité ;
puis il nous fait invoquer son Nom, c’est à dire le Fils, la deuxième Personne de la Trinité ;
le Règne enfin, dont nous devons demander l’avènement, c’est la troisième Personne de la divine Trinité, l’Esprit Saint. On n’en parlera pas aujourd’hui.
Remarquons simplement que les Trois Personnes de la Divine Trinité sont invoquées et présentes dans le Notre Père, dès le début de la prière.
Sanctifier
Et pourquoi le sanctifier, puisque par essence il est saint ? Que pouvons-nous y ajouter ? ‘Saint’ est le qualificatif qui synthétise toutes les qualités et tous les attributs de Dieu. Il est le ‘Tout-autre’, résolument ‘à part’, absolument transcendant. « Tu es parfaitement saint, magnifique est ta gloire, » dit la Liturgie.
Ce que nous pouvons faire, c’est l’acclamer, le glorifier comme saint.
1) Nous le faisons dans la Liturgieà plusieurs reprises ; il est bon d’en prendre conscience, et d’y être attentif lorsque nous sommes rassemblés : ainsi nous saurons pourquoi nous sommes là, et nous participerons en conscience à la louange.
- Dans la première partie, après l’entrée de l’Évangile et le chant des Tropaires, le prêtre dit, généralement à voix basse, la prière du Trois fois Saint, et le chœur ainsi que l’assemblée chantent ce ‘Trisaghion’2 : « Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, fais-nous miséricorde. » On le chante trois fois, plus une grande reprise amplifiée, à la suite de quoi on fait les lectures.
- Puis, pour préparer l’entrée solennelle des dons qui vont être consacrés, nous chantons :
« Nous qui mystiquement sommes l’image des chérubins et chantons l’hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité, (déposons maintenant tous les soucis du monde », c’est-à-dire faisons place au Tout-autre.)
- Cette ‘hymne trois fois sainte’ évoquée dans ce chant sera distinctement articulée un peu plus tard, pendant l’Anaphore ou Élévation des dons3 :
Au nom de tous, le prêtre tourné vers Dieu, bien en vue en haut des marches de l’autel et levant les mains dit la prière d’action de grâce : « Il est digne et juste de te chanter, de te bénir, de te louer, de te rendre grâce, de t’adorer en tout lieu de ta domination, car tu es un Dieu inexprimable, inconcevable, invisible, incompréhensible, qui est éternel et toujours le même, toi, ton Fils seul engendré, et ton Esprit saint …4
(Il y a cinq mots disposés comme une montée pour exprimer la glorification, et cinq expressions pour signifier qu’il est le Tout-autre. Par la bouche du prêtre, c’est chacun d’entre nous qui proclame. Nous devrions ressentir en nous comme une acclamation intérieure, émus et pleins d’élan (comme des supporters dans un stade !) ?!)
Puis il est parlé de l’homme, de la sollicitude de Dieu à notre égard :
« C’est toi qui du non-être nous a amenés à l’existence. Tu nous as relevés après notre chute, et tu n’as pas cessé de tout faire pour nous ramener au ciel, et nous faire le don de ton royaume à venir. Pour tout cela nous te rendons grâce, à toi …
(Nous sommes éperdus de reconnaissance, chacun d’entre nous l’est, pour tant de bonté.)
Puis on arrive au chant angélique qui est notre propos :
« Nous te rendons grâce aussi d’avoir daigné recevoir cette liturgie de nos mains, alors que se tiennent auprès de toi des milliers d’archanges et des myriades d’anges sublimes et ailés, les chérubins aux yeux innombrables, et les séraphins aux six ailes …
(Est-ce que nous nous les représentons bien ? Cela ne doit pas rester des mots qui se contentent d’effleurer nos oreilles.)
« … chantant, clamant, criant l’hymne de victoire et disant : À ce moment-là, le chœur et toute l’assemblée des croyants s’époumonent (devraient s’époumoner) pour clamer de tout leur cœur l’hymne angélique du Trois fois Saint :
« Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth.
« Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire (...)
2) « Saint, Saint, Saint le Seigneur Sabaoth ; le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. » Ces mots de la Liturgie reprennent exactement ceux révélés à Isaïe lors de la fameuse vision qu’il relate au chapitre 6 :
1. (…) Je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, sa traîne remplissait le Temple
2 .Des Séraphins se tenaient au-dessus de lui.Ils avaient chacun six ailes :
deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds, et deux pour voler.
3 .Ils se criaient l’un à l’autre :
« Saint, saint, saintle Seigneur de l’univers, sa gloire remplit toute la terre ! »5
Donc, nous glorifions le Nom de Dieu. Empruntant aux anges leurs mots, nous l’acclamons, nous lui rendons un culte.
Nous nous appliquons à reconnaître, à confesser sa sainteté. Nous nous rappelons qu’Il est au-dessus de tout.
Pour les Pères, sanctifier signifie glorifier6. C’est ce que nous faisons lorsque nous sommes réunis à l’église le dimanche.
3) Dans Isaïe, on apprend encore autre chose.
Is 29, 22 – Quand Israël verra l’œuvre de mes mains au milieu de lui, dit Dieu, il sanctifiera mon nom. Jusque-là, c’est ce que nous venons de développer au paragraphe précédent, mais voyons la suite : On sanctifierale Saint de Jacob, on craindra le Dieu d’Israël. (Traduction Denis Guillaume, Triode de Carême) … Ce rapprochement de ‘sanctifier’ et de ‘craindre’ interpelle.
Pourtant, rappelons-nous que craindre signifie respecter. Craindre Dieu, c’est le respecter, tenir compte de sa volonté, accomplir ses commandements. Certes, parce qu’Il est tout-puissant et qu’Il peut être terrifiant7, mais pas seulement.
Craindre, c’est le contraire de mépriser, c’est le contraire de la révolte.
Restons avec Isaïe.
Is 1, 2 – J’ai fait grandir des fils, ils se sont révoltés contre moi. (…)
Is 1, 4 – Malheur ! Nation pécheresse, peuple chargé de crimes, race de malfaisants, fils corrompus. Ils ont abandonné le Seigneur. Ils ont méprisé le Saint d’Israël.
Is 5, 13 – C’est pourquoi mon peuple sera déporté, à cause de ce qu’il a méconnu [Dieu].
Ils tournent en dérision le plan du Saint d’Israël et se conduisent mal avec leurs semblables :
Is 5, 23 – Ils justifient le coupable pour un présent, et refusent à l’innocent sa justification.
C’est pourquoi,
Is 5, 24 – comme la paille est dévorée par le feu, et comme le chaume disparaît dans la flamme, ils pourriront par la racine et leur fleur s’en ira en poussière, car ils ont rejeté l’instruction du Seigneur de l’Univers, ils ont méprisé la parole du Saint d’Israël.
Sanctifier, ou mépriser – il n’y a que deux voies : Se soumettre à Dieu par amour, ou s’en moquer. Selon l’attitude adoptée par l’homme, la réaction de Dieu sera toute autre, car Dieu veut l’humanité pour épouse et il est un Dieu jaloux.
4) Le Christ étant venu et ayant accompli son œuvre de salut en faveur de nous tous, qu’ y a-t-il de changé ?
Dans l’Ancien Testament, sanctifier Dieu, c’est le respecter dans ses commandements : ne pas faire tort au prochain, et mettre sa confiance en Dieu et en Dieu seul, même au plan politique, ne craindre que lui et non pas les ennemis, car victoire ou défaite militaires, c’est Dieu seul qui les donne.8
Dans le Nouveau Testament, pour ce qui est du fond, c’est pareil : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, etc. donc respecter sa parole et obéir aux commandements, et Tu aimeras ton prochain, donc ne pas faire de tort. Le Christ les donne comme les plus grands commandements de tous. (Marc 12, 29-31 – et Mt 22, 34-40 et Lc 10, 25-28)
En même temps, c’est complètement différent, l’enjeu est différent. Il ne s’agit plus de respecter Dieu, mais d’entrer dans son intimité, d’être incorporés.
Comment le Christ formule-t-il ses commandements ?
- Repentez-vous et ayez foi en l’Annonce Heureuse. (Marc 1, 15)9
- Le Père nous aime et pourvoit à nos besoins. Si nous le croyons, faisons comme Jésus qui dort sur le coussin, alors que la tempête est près d’engloutir la barque ... (Marc 4, 38 – Épisode dit de ‘la tempête apaisée’.) Mais si nous ne le croyons pas, n’ayons pas cet abandon ! Car c’est la foi qui attire la Grâce. L’autre ne va pas sans l’une !
- Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui, et nous ferons notre demeure chez lui. (Jean 14, 23)
La foi et l’amour pour le Christ et sa parole, pour ses commandements toujours ressassés et de mieux en mieux intégrés, nous conformeront au Christ, feront de nous des témoins, si bien que s’accomplira cette parole que l’on trouve en Mt 5, 16 – Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.
Voilà la sanctification du Nom. C’est en nous conformant au Christ, que nous travaillerons à la sanctification du Nom.
En effet, Jean 14 cité plus haut, est précédé ainsi : 12. Amen, amen, je dis à vous : qui a foi en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; et même il en fera de plus grandes, parce que moi je vais vers le Père. 13. Et ce que vous demanderez en mon Nom, je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils. 14. Si vous me demandez quelque chose en mon Nom, je le ferai. (Il le redit)Et de conclure : 15. Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.
Ce qui est frappant ici, c’est l’unité de volonté entre le Père qui fait ce que demande le Fils, le Fils qui demande au Père ce que demandent les hommes, et ces hommes qui montrent de l’amour pour le Fils en gardant les commandements.
Lorsque l’homme se conforme au Christ en gardant les commandements, c’est-à-dire la Parole – car ils sont formulés ces commandements – le Père est glorifié, et son Nom sanctifié.
Il faut mâchonner la Parole, la laisser faire son œuvre.
Il faut accepter les épreuves, car nous ne sommes pas conscients des passions qui nous habitent, qui font barrage à notre unité intérieure, et nous coupent de Dieu.
Mais le Seigneur, Lui, veut une vraie relation avec nous, et nous envoie les épreuves pour nous éduquer.
Mâchonner la Parole apporte du discernement. La Parole mâchonnée va nous apprendre par exemple à quel point nous ‘utilisons’ Dieu, à quel point nous dirigeons la relation : nous voulons ceci, nous voulons cela, nous avons un projet, nous jugeons, nous estimons qu’il est bon ; nous l’imposons à Dieu et à notre entourage …
Exemple : ma fille adolescente a choisi d’aller habiter avec sa mère… je reste seul, et malheureux… Ah ! Comme la mère est méchante d’attirer ainsi la jeune fille... Mais moi, qu’en est-il de cette relation fusionnelle que j’ai avec (cette ado) ? ma fille adolescente… Est-ce que cela plaît à Dieu ? Quel projet Dieu a-t-il pour chacun de nous, pour ma fille et pour moi ? Cela, je n’en ai pas conscience et je ne le remets pas en cause … et je me plains … Je ne dis pas : Merci Seigneur, qu’est-ce que Tu veux m’apprendre par là ? En assumant la douleur, qui est réelle.
Autre exemple : la paroisse, c’est terne, c’est morne, je n’ai plus envie d’y aller. Mais alors mâchonne la Parole, découvre une parcelle de ton péché, demande pardon à Dieu et le sens des mots et des gestes de la Liturgie va t’être révélé, au moins un petit peu. Tu seras présent, tu ne t’ennuieras plus. Et comme tu auras envie d’en recevoir toujours plus, tu deviendras plus attentif à plaire à Dieu dans ta vie de tous les jours ! Et ce sera entre vous l’amorce de cette relation amoureuse à laquelle aspire le Seigneur. À travers des saynètes, ce sont nos propres passions que l’Évangile nous présente : les pharisiens, les grands-prêtres, les scribes, et les disciples qui trébuchent, tous nous représentent. C’est chacun d’entre nous qui veut dominer, qui veut posséder, qui veut faire d’autrui sa chose, niant ce qui appartient à Dieu.
Dans son message de Noël de 2015 (Voir Apostolia n° 93), notre évêque Timothée a écrit :
« Nous ne comprenons rien à l’humilité – bien que nous en parlions beaucoup – parce que « nous ne nous évertuons pas assez à apprendre du Christ, le seul à être véritablement « doux et humble. »
Puissions-nous apprendre du Christ, apprendre la Parole qu’il nous a confiée. Humblement.
Elle est une semence de transformation. Il y a synergie entre
Celui qui sème, qui sème la Parole – et c’est le Christ –
et celui qui apprend, qui s’offre comme un terrain pour accueillir cette parole-semence.
La Parole va transformer le terrain peu à peu. Le changer en ‘bonne terre’10. Elle nous transforme en enfants de Dieu, enfants du Père qui ont accès au Royaume.
C’est dans la pratique, quand nous offrons nos corps, nos voix, nos mémoires, notre temps – beaucoup de temps, sans retenue – que la puissance transformante de la Parole se révèle. Ne pensons pas que nous perdons notre temps. Le temps est donné pour cela.
Si on va vite, il n’y a pas de rencontre. Or, c’est la rencontre qui importe.
Gloire à Dieu.
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