Ajouté le: 14 Juin 2018 L'heure: 15:14

Le Christ Grand Prêtre selon l’ordre de Melchisédeck dans l’épître aux Hébreux (2)

Considérons les grands thèmes qui constituent l’essence même de notre épître : il est aisé de remarquer qu’ils sont ordonnés autour de l’affirmation essentielle et centrale de la grande prêtrise du Christ, le frère des hommes, qui fonde la supériorité du Fils de Dieu sur les anges, sur le sacerdoce ancien, celle de la Nouvelle Alliance, sur l’ancienne, l’unique et parfait sacrifice qui ôte les péchés et les exhortations données aux fidèles du Seigneur qui correspondent à ces thèmes dogmatiques.

La première partiede notre épître de I, 5 à X, 18 contient les enseignements dogmatiques essentiels, entrecoupés d’exhortations, d’avertissements, de mises en garde, d’encouragements adressés aux destinataires, dans le but de les édifier, de les redresser, eux dont la foi s’est refroidie et qui sont tentés par un retour au judaïsme. Nous sommes en présence ici, d’une série de démonstrations de foi qui concerne les différents aspects de la supériorité du Christ, engendré de Dieu le Père de toute éternité, Premier-né de toute créature, oint d’une huile d’allégresse, car il est Celui qui inaugure les temps messianiques, autant d’expressions hautement significatives que nous trouvons dès le début de l’épître.

Supériorité du Filssur les anges,messagers, serviteurs et promulgateurs de la Loi selon une très ancienne tradition juive. La Loi qui a Dieu pour auteur est donnée à Moïse par l’intermédiaire des anges. Le Fils de Dieu est supérieur aux anges puisqu’il est le Maître de toute créature comme l’indique le préambule, bien que pour un temps, il fut inférieur aux anges : « Tu l’as abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges ; Tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu as mis toutes choses sous ses pieds. En effet en lui soumettant toutes choses, Dieu n’a rien laissé en dehors de son empire. Mais celui qui « a été abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges »,Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de la mort qu’il a soufferte, afin que, par la grâce de Dieu, il goutât la mort pour tous » (II, 7-9). Le Verbe éternel, le Fils de Dieu s’est incarné pour venir au secours de la postérité d’Abraham, afin de briser par ses saintes souffrances l’empire de la mort qui tenait l’humanité en dure servitude. C’est pourquoi il s’est fait semblable à nous en tout hormis le péché afin « d’être un grand prêtre miséricordieux et fidèledans les choses de Dieu, pour expier les péchés du peuple, car c’est parce qu’il a souffert – έν ᾦ γὰρ πέπονθεν – et a été lui-même éprouvé, qu’il peut secourir ceux qui sont éprouvés »1. De là ce titre de Grand Prêtre compatissant et miséricordieux que reçoit le Christ-Fils de Dieu et frère des hommes.

Supériorité du Christ-Fils de Dieu sur Moïse : « C’est pourquoi, frères saints, vous qui entrez en partage de la vocation céleste, considérez l’apôtre et le grand prêtre de la foi que nous professons, Jésus, qui est fidèle à Celui qui l’a établi… »2. « Apôtre » c’est-à-dire envoyé de Dieu et Grand Prêtre, celui qui réconcilie les hommes avec Dieu car telle est sa fonction la plus essentielle. Ici, Jésus réunit sur sa personne les deux fonctions partagées par Dieu entre Moïse et Aaron. Dans la maison de Dieu dont il est question au troisième chapitre, Moïse est accrédité comme serviteur, le Christ l’est comme Fils. La double vertu du nouveau sacerdoce fait l’objet d’une démonstration en III, 1-19 où est énoncée la supériorité par rapport à Moïse et, plus loin, à Josué en IV, 1-13, qui fit entrer les Hébreux en terre de Canaan.

Mais l’auteur de l’épître laisse clairement entendre par son interprétation du fragment du psaume XCIV qui est cité dans le chapitre III à propos de l’entrée par la foi dans le repos de Dieu, que l’entrée en Canaan n’a pas été « l’entrée dans le repos » de Dieu mais une simple préfiguration de la véritable entrée, dont le lieu échappe à toute géographie terrestre puisqu’il s’agit du Royaume de Dieu, d’où la vigoureuse exhortation de IV, 1-13 contre le manque de foi et le rappel du Jugement par la Parole : « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu’aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu’à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du cœur. Il n’est pas de créature qui échappe à sa vue ; tout est nu à ses yeux, tout est subjugué par son regard. Et c’est à elle que nous devons rendre compte »3.

On comprend alors l’exigence pour les chrétiens d’être totalement fidèles à leur vocation, parce que la promesse est celle de la Réalité vraie qui n’était que préfigurée avec l’entrée de Josué et des Hébreux en Canaan. Cette exigence se fonde sur l’attachement sans faille au Grand Prêtre compatissant et miséricordieux qui a traversé les cieux, éprouvé les faiblesses des hommes, d’où l’injonction de IV, 16, d’avancer « avec pleine assurance vers le trône de la grâce afin d’obtenir miséricorde »4.

Supériorité du sacerdoce de Jésus Christ sur le sacerdoce lévitique : ce thème recouvre une section très importante de l’épître : du début du chapitre V jusqu’à X, 18. Il s’agit là de démontrer l’authenticité du sacerdoce du Christ, lui qui n’a jamais été prêtre durant sa vie terrestre, mais qui est le Grand Prêtre céleste. Le sujet est difficile à aborder et l’auteur prend ses précautions vis-à-vis de destinataires qui ont encore besoin du « lait » des enfants, parce que lents à comprendre, alors qu’ils devraient être des maîtres.

Il commence par rappeler quels sont les principales caractéristiques de la dignité de Grand Prêtre dans l’ancienne Alliance : chargé du service de la maison de Dieu, il est admis à s’approcher du Très-Haut5, il fait connaître au peuple la volonté et la loi de Dieu6, il offre des sacrifices pour les péchés, les siens et ceux du peuple7. Il est capable de souffrir avec juste mesure – μετριοπαθεῖν – pour ceux qui sont ignorants ou ceux qui s’égarent par faiblesse car il en est atteint lui aussi. Enfin la grande prêtrise n’est pas un honneur que l’on s’attribue mais un service que l’on reçoit par appel de Dieu8. Le Christ « ne s’est pas attribué à lui-même la gloire de devenir Grand Prêtre ; il l’a reçue de celui qui a dit ; Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, conformément à cette autre parole : tu es prêtre pour l’éternité à la manière de Melchisédeck »9.

 Le Christ a offert des supplications, des prières, et surtout l’unique et parfait sacrifice qui ôte les péchés. Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, dans l’accomplissement du dessein de Dieu. Par son intimité avec le Père, puisqu’il est consubstantiel à Lui, il est l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. Il a assumé nos propres faiblesses et nos péchés, Lui qui est sans péché. Sa grande prêtrise est d’un tout autre ordre que celle de la lignée d’Aaron, incapable, malgré la multiplicité des sacrifices offerts, d’enlever les péchés, « Car il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés »10.

Il faut ici récapituler quelques grandes affirmations sur le ministère du Christ Grand Prêtre et sur la Loi et sa caducité selon notre auteur : Le Christ est assis à la droite de Dieu, il est supérieur aux anges, Médiateur entre le ciel et la terre, Intercesseur auprès du Père, Il est Grand Prêtre et victime, Celui qui offre et qui est offert. Il s’est abaissé jusqu’à nous pour nous élever jusqu’à Lui. Il est l’Alpha et l’Omega de l’œuvre de notre salut. Il nous a rachetés par son sang. Seshumiliations passées sont à la mesure de sa gloire actuelle. Il s’est uni à nous de la manière la plus intime. Il est nourriture d’immortalité pour tous ceux qui se sont joints à Lui. Il nous regarde comme ses frères. Il est lasource de tout bien, de toute grâce. Comment ne pas remarquer dans cette description la parenté avec les thèmes chers à saint Paul.

La Loi et le cultede l’ancienne Alliance ne sont que des images, des figures, des ombres des biens à venir. Le culte ancien est rendu inutile et caduc et par conséquent la Loi l’est aussi. C’est là toute l’originalité de la démonstration de l’auteur de l’épître aux Hébreux. L’ancienne Alliance avait les anges pour médiateurs, elle ne pouvait justifier les âmes, seule la foi au Christ Sauveur est la condition de la justice et le vrai moyen du salut.

De quelle manière le « sacerdoce selon l’ordre de Melchisédeck » abroge-t-il le sacerdoce lévitique ? Mais d’abord voyons pourquoi et comment Melchisédeck était la figure du Christ comme prêtre : par son nom : Malki-ṣedeq, Roi de Justice, Roi de Salem (qui deviendra Jérusalem), Prêtre du Très-Haut, par la possession de la royauté et du sacerdoce11, par le caractère unique et sans succession de sa prêtrise12, Melchisédeck est sans ancêtres dans le sacerdoce – απατωρ – et comme le Christ et il est sans successeur. Nul autre que lui n’a été honoré du nom de prêtre dans l’Ancien Testament, avant Aaron et sa lignée. Il a donné la bénédiction à Abraham et à sa postérité et il est supérieur au Patriarche dont il a reçu l’hommage et perçu la dîme13. Ainsi, puisque Melchisédeck est supérieur à Abraham et par conséquent à Aaron14, combien plus le Christ est-il supérieur à celui qui en était le type. Son sacerdoce annonce un sacerdoce parfait et définitif et donc une autre loi cultuelle qui rend caduque et abroge la précédente.

Le caractère transitoire du sacerdoce d’Aaron.Le Psaume CIX qui est cité dans l’argumentation sur la question du sacerdoce du Christ, dit : « Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédeck ». C’est par cette parole du Père que le Fils est consacré comme Grand Prêtre15 et c’est l’annonce d’un sacerdoce différent de celui qui était établi, d’un ordre plus élevé que celui d’Aaron, ce qui laisse clairement entrevoir la fin du sacerdoce de l’ancienne Alliance à cause de son incapacité à atteindre son but, qui était de réconcilier les hommes avec Dieu et de nous obtenir sa grâce16.

 Le sacerdoce de la Loi nouvelle, sacerdoce éternel que la mort n’a pas le pouvoir d’abolir, le Seigneur ne se borne pas à en annoncer l’établissement, le Seigneur a juré17, c’est donc pour toujours. De ce serment l’auteur tire trois arguments en faveur de la supériorité du nouveau sacerdoce : il remplace l’ancien condamné à disparaître comme temporaire, charnel et insuffisant. Il est fondé sur un serment divin qui ne sera jamais rétracté. Il est intransmissible. Et du fait que la Loi mosaïque reposait sur le sacerdoce lévitique, la suppression de celui-ci entraîne l’abolition de celle-là18.

Le culte de la Loi,selon notre auteur, était terrestre, imparfait, simplement figuratif en son Temple, avec son sacerdoce et ses sacrifices. Si le sacerdoce lévitique était parvenu à un parfait accomplissement, c’est-à-dire capable d’atteindre sa fin, celle d’expier les péchés, sanctifier le peuple et l’unir à Dieu jusqu’au repos céleste, il aurait été immuable. Mais comme il en était dans l’incapacité, il fallait que lui soit substitué un nouveau sacerdoce, une nouvelle médiation que seul le Verbe de Dieu fait homme pouvait assumer. C’est pourquoi la grande prêtrise de Jésus est « selon l’ordre de Melchisédeck » et non pas dans la succession d’Aaron.

La Loi ancienne n’est pas seulement accomplie, elle est abrogée, car la substitution de l’économie nouvelle à l’ancienne est la conséquence du changement de sacerdoce. Voilà bien une affirmation propre à l’épître aux Hébreux. Melchisédeck ne tenait pas son sacerdoce en vertu d’une loi, prescrivant l’acquisition de la prêtrise à partir d’une descendance selon la chair et le Christ n’a pas été institué Grand Prêtre selon une norme fondée sur l’hérédité, mais en vertu de sa perfection de Fils de Dieu. Il est, Lui-même, tout le sacerdoce et il n’a donc pas à le transmettre.

C’est pourquoi, dans la Loi nouvelle, la prêtrise dans l’Église de la terre s’exerce par participation à l’unique sacerdoce du Grand Prêtrequi siège à la droite de la majesté divine. Autrement dit, l’épître veut montrer à ses destinataires que le Christ, le Grand Prêtre céleste exerce sa fonction sacerdotale au milieu des réalités qui furent montrées à Moïse sur la sainte Montagne et dont l’ancien Tabernacle n’était que la préfiguration, car rappelons-le, selon la Loi elle-même, le sanctuaire terrestre n’était que la copie d’un modèle céleste. C’est dans le Saint des Saints de ce sanctuaire céleste que le Christ est entré,par son sang, et c’est là qu’il accomplit son office sacerdotal, dans son intimité avec le Père, comme veut l’indiquer notre épître, puisqu’il siège à la droite, Lui qui est Médiateur de l’Alliance nouvelle et éternelle.

Dans la supérioritéde Jésus Grand Prêtre sur le sacerdoce d’Aaron, « il y a toute la distance entre le ciel et la terre, et de celle de la réalité à la figure », car ce que la Loi et son culte voulaient faire, mais ne pouvaient accomplir, « n’ayant, en effet, que l’ombre des biens à venir, non l’image même des réalités »19, Lui, l’a réalisé « Car par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il sanctifie. Or l’Esprit Saint lui aussi nous l’atteste... »20

De cette grandiose démonstration de foi qui occupe la place centrale dans notre épître, l’auteur convoque, comme pour encourager ses lecteurs, les grands témoins de la foi de la première Alliance, après avoir donné une lumineuse définition de la foi : « La foi est la substance des choses que l’on espère, une claire démonstration de celles qu’on ne voit pas »21. Cet appel aux grands témoins qui doivent servir d’exemple, justifie les exhortations de la fin de l’épître, aux chapitres XII et XIII. Ces exhortations récapitulent toutes celles qui entrecoupent les motifs dogmatiques de l’épître et ont pour centre le combat de la foi.

N’oublions pasque l’épître s’adresse à des croyants devenus tièdes et prêts au renoncement. « Ainsi donc, nous aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout ce qui nous appesantit et le péché qui nous assaille, et courons avec persévérance la course qui est ouverte devant nous, les yeux fixés sur celui qui est à l’origine de la foi et la mène à son achèvement, Jésus, qui au lieu de la joie qu’il avait devant lui, méprisant l’ignominie, a souffert la croix et « s’est assis à la droite du trône de Dieu »22. De XII, 14 à XIII, 13, ce sont des recommandations qui concernent les vertus que les fidèles du Seigneur doivent pratiquer dans le combat contre les passionscomme l’amour, l’espérance, la prière, l’action de grâces, la persévérance, la paix, la bienfaisance, la libéralité et d’autres encore « car Dieu se plaît à de tels sacrifices », pour croître dans le Christ, à la fois dans l’Église et dans la vie personnelle, afin que nous servions « Dieu d’un culte qui lui soit agréable, avec piété et crainte »23 et en offrant sans cesse un sacrifice de louange, « c’est-à-dire « le fruit des lèvres qui célèbrent son Nom »24.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce joyau du Nouveau Testament qu’est l’épître aux Hébreux et la figure du Christ Grand Prêtre qui est la raison d’être de cet écrit.

P. Gérard Reynaud

Notes :


1. Hb. II, 17b-18.
2.Hb. III, 1-2a.
3. Hb. IV, 12-13.
4. Hb. IV, 16.
5. Hb. V, 1. Cf. Ex. XXVIII, 43 ; Nb. XVIII, 1-7.
6. Hb. V, 1. Cf. Dt. XXXIII, 8 et ss.
7. Hb. V, 1b. Cf. Lv. I, 4, 9.
8. Le procès du Christ relaté dans les évangiles montre la vénalité de la grande prêtrise de ce temps, elle qui transgressait les lois deutéronomiques au gré de ses propres intérêts. On en a la confirmation par les sources juives elles-mêmes.
9. Hb V. 5b-6.
10. Hb. X, 4.
11. Hb. VII, 2.
12. Hb. VII, 3.
13. Hb. VII, 10.
14. Hb. VII, 4-10.
15. Hb. V, 5-10.
16. Hb. VII, 18-19.
17. Hb. VII, 20-22. Cf.  Psaume CIX, 4.
18. Hb. VII, 12, 22, et A. Vanoye : La structure littéraire de l’épître aux Hébreux, page 227. Desclée de Brouwer. Paris Bruges 1973.
19. Hb. X, 1.
20. Hb.X, 14.
21. Hb. XI, 1.
22. Hb. XII, 1-2.
23. Hb. XII, 28b.
24. Hb. XIII, 15c.

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