Ajouté le: 10 Juin 2018 L'heure: 15:14

Les trois questions

Il était une fois, un roi qui avait de nombreux soucis pour gouverner son royaume. Un jour, après avoir longuement réfléchi, il découvrit que pour vivre de la meilleure façon possible et ne plus avoir tous ces ennuis, il devait absolument répondre à trois questions importantes. 

Voici la première : « quel est le meilleur moment pour agir ? » ; 

la deuxième : « quelle est la personne la plus importante ? » 

et la troisième : « quelle est la meilleure chose à faire ? ». 

Ah ! se disait-il, si je savais quel est le bon moment pour commencer une bonne action, comme je serais moins troublé ! Et aussi, si je savais avec quelle personne il est mieux de travailler et avec laquelle il ne le faut pas, comme j’aurai plus de forces et de confiance ! Mais encore, si je savais quel est le meilleur ouvrage à réaliser, digne du royaume, comme je serai heureux de donner toute ma vie pour cela ! Après un certain temps, le roi fit savoir dans tout le royaume qu’il donnerait une grande récompense à celui ou à celle qui lui répondrait aux trois questions qui le tourmentaient.

Rapidement de grands savants, les plus illustres du royaume, accompagnés de leurs assistants, se présentèrent et commencèrent à déclarer haut et fort qu’ils avaient évidemment les solutions à ces trois demandes qui préoccupaient beaucoup le roi...

À la première question, les uns disaient que pour connaître le meilleur moment pour commencer un travail, il faut faire d’avance un emploi du temps, pour chaque jour, chaque mois et chaque année et surtout suivre exactement, sans rien changer, tout ce qui est indiqué sur le programme. C’est seulement comme ça, disaient-ils, que chaque chose se fait en son temps. Les autres disaient qu’on ne peut pas décider d’avance quelle chose il faut faire et à quel moment c’est le mieux. Cependant, ajoutaient-ils, il ne faut quand même pas perdre son temps dans toutes sortes d’amusements et de choses inutiles, mais faire toujours attention à ce qui se passe et agir sur le moment, selon ce qui semble bon. Les troisièmes disaient qu’un homme seul (sans le nommer, ils parlaient évidemment du roi...), ne peut jamais décider avec certitude à quel moment il faut faire telle ou telle chose, mais qu’il est nécessaire de s’entourer d’hommes sages et de suivre leurs sages conseils... Les quatrièmes disaient que pour certains travaux à entreprendre, on n’a pas toujours le temps d’interroger des conseillers et qu’il faut décider rapidement si c’est le moment ou non de les commencer. Or, pour le savoir, il faudrait connaître à l’avance ce qui va arriver ! Et qui peut connaître à l’avance ce qui va arriver ? Certains disaient que pour ça il n’y a que les mages qui le peuvent et qu’il faudrait partir à leur recherche et les ramener dans le royaume !

Les réponses à la seconde question furent toutes aussi variées. Les uns affirmaient que les seules personnes les plus nécessaires au roi sont celles qui peuvent aider à construire et installer tout ce qu’il faut pour bien vivre dans le royaume ; les autres déclaraient que ce sont les médecins les plus importants, car un roi malade ne peut pas s’occuper de son royaume et tout finit dans le désordre ; les derniers, quant à eux, défendaient avec vigueur que ce sont les soldats qui sont le plus indispensables pour le bon fonctionnement du royaume.

À la troisième question : quelle est l’œuvre la plus importante au monde ? Les uns répondaient : « mais voyons, c’est de connaître les sciences ! ce sont elles qui nous donnent l’intelligence et tout ce qu’on doit savoir » ! Les autres : « ah ! mais vous n’y comprenez rien ! C’est l’art militaire qui est le plus important, pour se défendre contre les ennemis » !

Soudain, poussée par le vent, une fenêtre s’ouvrit et un rayon de soleil inonda la grande salle où tous étaient réunis. L’air était plein de lumière radieuse en ce début d’été et dans certains cœurs assoiffés de beauté, on pouvait entendre le murmure de ces joyeuses paroles : « chantez au Seigneur  un chant nouveau, car le Seigneur a fait des merveilles, acclamez Dieu toute la terre ! ». Quelques‑uns s’en aperçurent et se regardèrent, étonnés et curieux, un sourire inondant leurs visages. D’où venait cette joie si douce et lumineuse à la fois qui naissait dans certains cœurs ? 

Et voici ce que répondirent, d’un seul cœur et d’une seule voix, les assistants des grands savants : Oh chers confrères ! comment ne pas commencer chaque journée sans prier et rendre grâce à Dieu et lui demander de recevoir sa lumière pour accomplir tout ce qui est bon, selon sa sainte volonté ! voilà ce qui est indispensable avant toute autre chose !...

Alors il se fit un grand silence dans l’assistance ; même les oiseaux du parc si nombreux et joyeux se calmèrent un instant. Personne n’osait regarder ni à droite ni à gauche par crainte de déranger ce moment si particulier rempli de respect, d’attention, et chacun se tenait tranquille et recueilli. 

 Le roi, lui aussi, resta silencieux et pensif, et malgré la diversité des réponses entendues, il ne put se décider pour l’une ou l’autre des propositions. Il était bien affaibli et inquiet par tous les problèmes qui encombraient sa vie, et sûrement n’avait-il plus le courage de prier pour recevoir de l’aide et des forces nouvelles... Alors il fit savoir à tous qu’il avait encore besoin de temps pour réfléchir et il se retira dans sa chambre, loin de tout bruit et de toute agitation. 

Une journée et une nuit passèrent, et le lendemain il partit au petit matin, habillé de simples vêtements et de grosses chaussures, vers la demeure d’un humble moine qui vivait en ermite dans une forêt depuis de nombreuses années. Il était connu pour sa sagesse et sa bonté et nombreux étaient ceux qui venaient le voir pour recevoir de bons conseils grâce à ses prières et être soulagés de leurs souffrances. 

Le roi marcha plusieurs heures, perdant son chemin et le retrouvant sans savoir comment... « Marche aujourd’hui, marche demain. À force de marcher on fait beaucoup de chemin »... murmurait le ruisseau pour l’encourager... Quand il était assoiffé, il recueillait dans ses mains l’eau fraîche des sources qui coulaient au creux des rochers et buvait lentement le précieux liquide. Quelquefois il s’asseyait sur un vieux tronc d’arbre ou sur un tapis de mousse à l’ombre d’un feuillage. Son cœur était lourd, son esprit encombré de questions qui ne le laissait pas en paix, mais, était-ce la beauté de la nature, la douce solitude parmi les animaux visibles et invisibles qui peuplaient la campagne ? quelque chose d’autre s’éveillait au plus profond de lui, comme si son cœur avait un double fond, oublié et caché par tous les soucis du monde et qui désirait ardemment se faire connaître ! Mais bientôt une inquiétude nouvelle le fit presque sursauté... Et si le moine-ermite n’était plus chez lui ? Était-il encore vivant ? Peut-être était-il mort maintenant ?... Qu’arrivera-t-il si je ne le trouve pas ?

(La suite, au prochain numéro !)

Histoire écrite par Hélène Dragone inspirée d’un récit de Léon Tolstoï. 

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