Ajouté le: 2 Juillet 2013 L'heure: 15:14

Jésus marche sur les eaux le Fils de l’homme est maître du cosmos (9e dimanche après la Pentecôte - Mt 14/22-34)

Dans tous les rites le temps après la Pentecôte est constitué d’une alternance d’actes thaumaturgiques du Christ (des miracles) et de paraboles : c’est une catéchèse vivante, alternant theoria et praxis, qui nous apprend à devenir chrétiens.

L’évènement miraculeux choisi aujourd’hui par l’Eglise est unique dans l’Evangile et constitue un enseignement théologique et spirituel remarquable. Il est relaté par deux des Synoptiques, Matthieu et Marc (6/45-52)et, ce qui est assez rare, aussi par Jean (6/16-21), mais d’une façon plus brève. Le récit le plus développé est celui de St Matthieu.

Le Seigneur est probablement dans la seconde année de Sa mission terrestre. St Jean précise que « la Pâque était proche1 » (6/4). L’évènement se passe en Galilée et au Nord du lac de Tibériade. La péricope débute par « Aussitôt après » : c’est juste après la première multiplication des pains et des poissons2. Rappelons les circonstances : le Seigneur a appris le martyre de St Jean Baptiste (Son cousin selon la chair), assassiné par Hérode Antipas pour satisfaire le caprice d’une adolescente3 ; Il se retire alors en barque sur le lac, probablement pour prier4. La foule Le suit des yeux, depuis la terre. Et lorsqu’Il débarque, un peu plus loin, « Il a compassion » d’elle (Mt14/14) : Il guérit de nombreux malades, puis accomplit le grand miracle de la multiplication des pains et des poissons, pour nourrir plus de 5 000 personnes. Les gens sont tellement émerveillés qu’ils veulent l’enlever pour le faire roi (Jn 6/14-15). Le Seigneur réagit alors très fermement, parce que cela n’entre pas dans le plan divin de Son Père céleste : Il demande à Ses disciples de partir en avance, par la mer5, puis Il « renvoie la foule ». Ensuite, « Il montesur une montagne à l’écart pour prier ». Le soir est tombé et Il est « seul ». Où cela se passe-t-il ? Ce n’est pas dit dans l’Evangile, mais la Tradition indique que cette première multiplication des pains s’est passée au bord du lac à Tabgha6,dans la plaine de Gennésareth, à environ 6 km au Sud de Capharnaüm. On ne sait pas sur quelle montagne est monté le Seigneur, mais il y en a beaucoup autour du lac (et notamment le mont des Béatitudes, qui se trouve un peu plus au Nord).

Que deviennent les Apôtres pendant ce temps ? Le Seigneur leur a demandé de « Le précéder vers Bethsaïde », selon St Marc, et « vers Capharnaüm », selon St Jean. C’est à peu près dans la même direction, mais Bethsaïde est beaucoup plus au Nord et sur la côte Est du lac, au-delà du débouché du Jourdain. Ils ont énormément de mal à avancer, à la rame (Mc et Jn), parce que « le vent est contraire » : il y a « un vent violent » (Jn), de grosses vagues (Mt), et on est en pleine nuit. Vers la « quatrième veille de la nuit7 », c’est-à-dire vers 4h du matin, ils n’avaient parcouru que « 25 à 30 stades » (Jn 6/19), c’est-à-dire 5 à 6 km.

Le Seigneur, du haut de Son promontoire, voit tout ce qui se passe sur cette partie de la mer : Il voit que Ses disciples sont en difficulté, et probablement même en danger ; alors Il met fin à Sa prière et va les rejoindre, car Il est toujours très attentif à Ses disciples, qui Lui ont été « donnés par Son Père » (Cf. Son Dernier discours). Et Il vient vers eux en marchant sur la mer comme si elle était de la terre ferme. Ce n’est pas le seul miracle : Jésus Se tient debout alors qu’il y a un vent terrible et des vagues impressionnantes. Ici l’Evangile nous donne un grand enseignement théologique. Le Christ, dans cette circonstance précise, manifeste Sa toute-puissance divine : Il révèle qu’Il est le maître du cosmos. Lui qui est, avec le Père et l’Esprit-Saint, le créateur de la nature cosmique, Il commande à la nature. Il faut ajouter que cette révélation concerne aussi la nature humaine du Christ, car, en Lui, Dieu et l’Homme sont unis hypostatiquement. Le Christ a endossé librement les conséquences de la nature humaine déchue, pour pouvoir souffrir, mourir et ressusciter, et ainsi sauver l’Homme de la mort. Mais, lorsque le Christ manifeste Sa divinité, Sa nature humaine est nécessairement déifiée. D’où le fait qu’Il puisse, en tant qu’homme, marcher sur l’eau comme si elle était de la terre ferme. L’homme déifié n’est plus soumis à la nature : il la domine. Dans la mesure où Sa nature humaine assume ce pouvoir divin, le Seigneur peut le communiquer aux hommes : ceci est confirmé par le fait que, pour un court moment, Il transmette ce don à Pierre. Et les saints, à Sa suite, marcheront sur les eaux (comme St Honorat de Lérins8).

Avant Sa résurrection, à certains moments, pour enseigner Ses disciples et les affermir, le Seigneur manifeste qu’Il est réellement Dieu, tout-puissant, et que Sa nature humaine est parfaite, déifiée (comme ce sera le cas un peu plus tard, lors de la Transfiguration, avec, en plus, le rayonnement de Sa gloire incréée, rendue visible pour Ses Apôtres). Après Sa résurrection, Il se montrera en permanence ainsi, parce qu’Il Se sera acquis le droit, par Sa mort et Sa résurrection, de manifester qu’Il est Dieu et que Sa nature humaine est déifiée (c’est pour cela qu’Il sortira du tombeau scellé et qu’Il entrera dans le Cénacle toutes portes fermées). S’Il s’était montré ainsi en permanence, tel qu’Il est réellement, avant Sa passion, d’une part Il n’aurait pas pu souffrir et mourir pour sauver l’Homme, et d’autre part, les hommes auraient été obligés de croire en Lui, au détriment de leur liberté : or cela n’était pas la volonté de Son Père céleste.

Mais les Apôtres tremblent et crient de peur, parce qu’ils croient voir « un fantôme ». Nous avons làun deuxième enseignement théologique, mais moins important que le premier, car il concerne les hommes. Les fantômes9 sont des âmes errantes de défunts, incapables de se détacher de la terre et de s’élever : ce sont des âmes « stagnantes ». Or, l’âme est la mémoire du corps : elle en conserve la forme et, comme le dit St Jean Damascène, elle a l’aptitude à reconnaître les atomes de son corps dans l’univers (ce qui se passera lors de la Résurrection universelle). Nous avons une confirmation de cette réalité fantasmatique dans l’Evangile de Pâques : lorsque le Christ ressuscité apparaît à Ses disciples dans le Cénacle, toutes portes fermées, le soir de Pâques, ils ont peur et croient voir un fantôme. Le Seigneur leur dira alors : Je ne suis pas un « esprit » : donnez-Moi à manger. Ce n’est qu’en le voyant manger du poisson grillé et du miel devant eux, qu’ils prendront conscience du fait qu’Il n’est pas une simple apparence humaine, mais bien Lui, leur cher rabbi Ieshouah, le Christ. Ils Le « reconnaîtront ».

Le troisième enseignement est d’ordre spirituel. Voyant que Sa présence « trouble » Ses disciples et leur fait peur, aussitôt le Christ les rassure en disant : « Rassurez-vous, c’est Moi : n’ayez pas peur ». Dieu (et ce qui vient de Lui) ne fait jamais peur. Et si, malgré tout, la peur monte en nous, Il nous rassure aussitôt et révèle Qui Il est. Cela est un critère très important de discernement des esprits. Lorsque quelqu’un ou quelque chose nous fait peur, d’une façon durable et sans s’identifier, cela ne peut pas venir de Dieu. Cela ne peut venir que du monde enfèrique, car seul le démon prend plaisir à nous faire peur : c’est une de ses armes favorites, car la peur lui permet d’avoir de l’emprise sur les hommes. En corollaire on peut ajouter une mise en garde : il ne faut jamais s’amuser à «faire peur », car c’est une imitation des démons. C’est intrinsèquement malsain.

Mais les Apôtres ne sont pas entièrement convaincus. Pierre, qui est toujours un peu fougueux, veut une preuve : « Si c’est Toi, commande-moi de venir à Toi sur les eaux ». Le Seigneur accepte sans faire le moindre reproche : « Viens » (insondable patience de Dieu ! Gloire, Seigneur, à Ta longanimité !). Mais en voulant mettre le Christ à l’épreuve, Pierre a pris un gros risque. Il croit pendant un très court moment et marche réellement sur les eaux. Mais la force du vent et des vagues est telle qu’il prend peur. Il perd alors confiance en Dieu et la grâce diminue : il commence à couler. Il crie vers le Christ (« Seigneur, sauve-moi ») et le Seigneur lui tend la main. Mais Il le reprend sévèrement : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? ». Lorsqu’on demande quelque chose d’extraordinaire et d’exceptionnel à Dieu et qu’Il nous l’accorde, il faut s’en montrer digne. Lorsque Dieu a donné, on n’a plus le droit de douter : la volonté de l’homme doit nécessairement s’accorder à celle de Dieu (c’est la synergie).

Jésus monte dans la barque et le vent tombe.Matthieu dit « ils » (Jésus et Pierre), mais Marc (qui est l’Evangile de Pierre) corrige : « Et Il monta auprès d’eux dans la barque ». La barque représente l’Eglise. L’Eglise subit et subira jusqu’à la fin des temps « le vent contraire », la haine des démons. Mais lorsque le Christ, qui est l’unique chef de l’Eglise, monte dans la barque, c’est-à-dire manifeste Sa présence, les démons se taisent : ils n’ont pas d’autre choix. De même que le Christ a marché sur les eaux, malgré la tempête, de même lorsqu’Il monte dans la barque, les ennemis plient le genou : nulle créature ne peut résister à son Créateur. Jésus commande aux éléments du cosmos et Il commande aux démons. Il est, avec Son Père et l’Esprit-Saint, le Maître de toutes choses. Les Apôtres sont stupéfaits : ils viennent se prosterner devant Lui et L’adorent : « Tu es véritablement le Fils de Dieu ». Or ceci se passe avant la confession que Pierre fera au nom des Douze (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »- Mt 16/16, Mc 8/29, Lc 9/20). Cela signifie que Pierre exprima, ensuite, ce qui était la foi de tout le collège apostolique.

Laus Tibi, Christe !

Notes :

1. On peut conjecturer qu’il s’agisse de la Pâque de Sa deuxième année de mission, mais sans en être certain.
2. La deuxième multiplication des pains (sept) et des poissons (quelques petits poissons) aura lieu un peu plus tard, à peu près dans le même contexte que la première et toujours au bord de la mer de Galilée, au retour de Tyr et Sidon où Jésus avait exorcisé la fille d’une cananéenne (Mt 15/32-39 et Mc 8/1-10).
3. La seconde femme d’Hérode Antipas, Hérodiade, que ce dernier avait prise à Philippe son demi-frère, haïssait Jean Baptiste parce qu’il reprochait à Hérode cette union. La fille de celle-ci, Salomé, ayant bien dansé lors de son anniversaire, le tétrarque de Galilée lui promit tout ce qu’elle voudrait ! Hérodiade lui glissa dans l’oreille : « la tête de Jean-Baptiste ». Hérode Antipas, qui était aussi lâche que son père, céda. C’est cet Hérode qui « jugera » le Christ.
4. Pour reprendre une expression chère à St Ephrem le Syrien, concernant le Christ : « comme Dieu Il savait et comme homme Il ne savait pas ». La mort violente de St Jean-Baptiste est probablement un « choc » pour le Seigneur, car Jean a donné sa vie pour Lui. L’émotion que l’on peut supposer être celle de Jésus est comparable à celle qu’Il aura lors de la mort de Son ami Lazare (Il pleura). En tant qu’homme, le Christ a des sentiments humains, mais ils n’empiètent jamais sur Sa vie spirituelle. Jésus est un homme parfait (et Il est le seul à être parfait) et Sa hiérarchie des valeurs est toujours exacte. On ne peut guère douter qu’Il se soit retiré à l’écart (sur la mer, ce qui est un cas unique) pour prier Son Père d’accueillir Jean dans Son Royaume.
5. Les hébreux appelaient « mer » tout amas d’eau (Vigouroux). La Mer de Galilée a d’autres noms : lac de Gennésareth d’abord (petite ville de la côte Nord-Ouest, mais entourée d’une plaine très fertile), puis lac de Tibériade (après que Hérode Antipas eût fait bâtir sa nouvelle capitale, au centre de la côte Ouest, qu’il nomma Tibériade en l’honneur de l’empereur Tibère)… C’est un très grand lac, poissonneux, sur lequel il peut y avoir des tempêtes qui ressemblent à celles qui existent en mer.
6. C’est sur la côte Nord-Ouest du lac, un peu au Nord de Gennésareth. Il existe à Tabgha une église de la Multiplication des pains, dont les parties les plus anciennes sont du 4e siècle, avec une mosaïque de cette époque représentant une corbeille de pains et deux poissons.
7. La « 4e veille de la nuit » : au temps du Christ, les Juifs partageaient la nuit en quatre veilles de 3 h, comme les Grecs et les Romains : la première veille commençait au coucher du soleil, la seconde allait de 21h jusqu’à minuit, la troisième jusque vers 3h du matin (le « chant du coq ») et la quatrième finissait vers 6h, à la pointe du jour.
8. St Honorat fut le fondateur du célèbre monastère de Lérins en 410. Il marcha sur l’eau pour aller visiter sa sœur, Ste Marguerite, qu’il avait installée dans la vie monastique sur l’île voisine de la sienne. Il y en a eu d’autres, dont St Maur, qui marcha sur l’eau pour aller sauver St Placide, enfant, sur l’ordre de son abbé St Benoît de Nursie, au 6e s.
9. « Fantôme » vient du grec « phantasma » : apparence, apparition, songe, illusion, c’est-à-dire quelque chose qui est visible, mais sans consistance réelle, matérielle. C’est précisément ce que sont les fantômes : une apparence d’être humain, mais rendue visible à certains moments, dans certaines conditions (qui nous échappent) et peut-être aussi pour certaines personnes (à l’exclusion des autres). Cette réalité de l’au-delà est connue de toutes les grandes civilisations, qui pratiquaient des rites magiques pour s’en protéger. Mais seul le christianisme peut apporter une réponse. Les charismatiques qui ont le don de relation avec l’au-delà disent que ce phénomène peut se produire surtout dans deux cas : soit qu’une personne ait connu dans un lieu donné une très grande souffrance, dont elle n’a pas compris le sens (c’est une âme révoltée), soit qu’une personne ait commis un très grand péché dans un lieu donné durant sa vie terrestre. Après la mort, leur âme ne parvient pas à se détacher de ces lieux, qu’elle « hante ». Il faut préciser que dans la plupart des cas on ne voit pas ces âmes errantes : les manifestations visibles de l’ « apparence » humaine sont rares (ou peut-être ne sont visibles que par certaines personnes). En général, on s’en rend compte parce que les habitants de ces maisons ne peuvent pas dormir en paix ou souffrent de maux divers. Seule l’Eglise peut purifier ces lieux (par la bénédiction de la maison) et libérer ces âmes (par l’office des défunts). S’il y a eu une collusion explicite du malfaiteur défunt avec des démons, il faut faire un exorcisme.

Les dernières Nouvelles
mises-à-jour deux fois par semaine

Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale

Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale

Le site internet www.apostolia.eu est financé par le gouvernement roumain, par le Departement pour les roumains à l'étranger

Conținutul acestui website nu reprezintă poziția oficială a Departamentului pentru Românii de Pretutindeni

Departamentul pentru rom창nii de pretutindeni