Ajouté le: 22 Mars 2023 L'heure: 15:14

Le « pouvoir de l’amour »

L’une des fonctions majeures de l’évêque, avec celle de liturge, de dispensateur des sacrements et de catéchète, est celle d’être le pasteur de son troupeau. Cela signifie : qu’il en est la tête – en tant qu’il s’avance en premier lieu, le guide et le dirige –, autrement dit le chef ; qu’il veille (selon le sens premier du mot episkopos) au bon ordre en son sein ; qu’il en est le gardien, celui qui le protège ; qu’il est celui qui prend soin de chacune des brebis, la fortifiant si elle est faible, la soignant si elle est malade, partant à sa recherche si elle est perdue.

Le « pouvoir de l’amour »

La fonction de pasteur est évoquée dans les Actes des apôtres (20, 28) : « Prenez garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a constitués intendants pour paître l’Église de Dieu. » Dans la prière de la consécration épiscopale reproduite par Hippolyte de Rome, il est demandé à Dieu : « Accorde Père, à Ton serviteur que Tu as choisi pour l’épiscopat, qu’il fasse paître Ton saint troupeau1. » Saint Cyprien donne à l’évêque le nom de pasteur et de chef2. Il écrit notamment : « L’Église repose sur les évêques et toute sa conduite obéit à la direction de ces mêmes chefs3. »

Les fidèles ont de leur côté le devoir de suivre leur pasteur, c’est-à-dire de marcher ensemble dans la même direction que lui, d’écouter sa parole et de lui être soumis en tout. Saint Ignace d’Antioche conseille ainsi aux fidèles : « Là où est votre berger, suivez-le comme des brebis4. » Les Pères qui, dans les premiers siècles, ont eu à parler de la fonction de l’évêque, insistent tous sur la nécessité pour les fidèles non seulement d’honorer l’évêque, mais de lui être soumis, d’être en tout point en accord avec lui5 et de ne rien faire dans l’Église non seulement à l’encontre de sa volonté mais à son insu6 et sans lui7.

Dans la mesure où l’évêque est l’image du Christ et où il accomplit dans l’Église la volonté de Dieu, obéir à l’évêque c’est obéir à Dieu et désobéir à l’évêque c’est désobéir à Dieu8. « Celui que le maître de maison envoie pour administrer sa maison (cf. Lc 12, 42 ; Mt 24, 25), il faut que nous le recevions comme Celui-là même qui l’a envoyé (cf. Mt 10, 40 ; Mc 1, 37 ; Lc 7, 48 ; Jn 13, 20). Nous devons regarder l’évêque comme le Seigneur Lui-même », écrit saint Ignace d’Antioche9. Pour cela, la soumission des fidèles à l’évêque doit être semblable à celle du Christ à Son Père : « Suivez l’évêque comme Jésus-Christ suit Son Père », conseille encore saint Ignace10.

Il faut cependant rappeler que le Christ est l’unique Pasteur de tout le troupeau, et que les évêques sont des pasteurs en tant qu’ils se tiennent visiblement en tête du troupeau en étant l’image du Christ, en accomplissant la volonté du Christ et en étant guidés par l’Esprit Saint, selon l’autorité et le charisme que leur a accordés leur consécration. « Être pasteur, c’est prendre soin de tout le peuple et de chacun de ses membres pris individuellement, afin qu’en tous et en chacun s’accomplisse la volonté de Dieu », note le Père Nicolas Afanassieff11.

De leur côté, les fidèles doivent être « soumis à l’évêque comme au commandement du Seigneur12 », soumis « à l’évêque comme à Jésus-Christ13 ». Cela signifie que, à travers l’évêque, ils doivent être soumis à Dieu.

Mais cela signifie aussi qu’ils doivent être soumis à l’évêque de la même manière et dans le même esprit qu’ils sont soumis aux commandements du Christ et à Dieu, et non de la manière qu’ils sont soumis aux lois de l’État ou aux autorités de la société (gouvernants, chefs, supérieurs hiérarchiques...). Si l’évêque est un chef, s’il a, dans l’Église qu’il préside, une autorité et si cette autorité doit lui être reconnue, elle n’est cependant pas celle que l’on rencontre au sein de la hiérarchie sociale.

L’autorité de l’évêque doit s’exercer dans le même esprit que ce que le Christ a recommandé à ses apôtres : « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n’en doit pas être ainsi parmi vous » (Mt 20, 25-26). […]

La charge d’évêque doit être avant tout conçue comme un service. On peut rappeler ici la suite du passage de saint Matthieu cité dans la section précédente : « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner Sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 25-28).

L’évêque doit être pour les clercs et les fidèles qui sont sous son omophore comme un père, à l’image du Père céleste. Saint Justin, dans ce sens, désigne l’évêque comme « le président des frères14 ».

Ayant reçu son ministère « par la charité de Dieu le Père et du Seigneur Jésus-Christ », il doit l’exercer avant tout avec bonté15.

Le pouvoir de l’évêque est, selon l’expression du Père Nicolas Afanassieff, « le pouvoir de l’amour16 ». Pour cela, le pouvoir de l’évêque est d’une nature tout à fait différente de tout pouvoir s’exerçant au sein de la société civile.

L’autorité de l’évêque tient non seulement à sa place particulière de président et au charisme que lui a conféré sa consécration, mais à l’amour qu’il a pour les fidèles dont il a la charge et à l’amour que ces fidèles ont réciproquement pour lui. Comme le note le Père Serge Boulgakov, « dans l’exercice de son pouvoir, l’évêque agit avec l’Église et non pas sur l’Église, qui est un organisme spirituel de l’amour17. »

Jean-Claude Larchet,
L’Église, corps du Christ - Nature et structure,
Éd. du Cerf, Paris, 2012, pp. 167-171

Notes :

1La Tradition apostolique, 3.
2Lettres, XIII, 1 ; XVI, l ; LXVI, 5.
3Lettres, XXXIII, 1.
4Lettre aux Philadelphiens, II, 1.
5. Cf. Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens, III, 2 ; XII, 2 ; Lettre aux Éphésiens, II, 2 ; XX, 2 ; Lettre à Polycarpe, VI, 1.
6. Cf. ID, Lettre aux Smyrniotes, DC, 1 : « Celui qui fait quelque chose à l’insu de l’évêque sert le diable. »
7. Cf. ibid., VIII 1 : « Que personne ne fasse, en dehors de l’évêque, rien de ce qui regarde l’Église » ; Lettre aux Tralliens, II, 2 : « Il est nécessaire, comme vous le faites, de ne rien faire sans l’évêque. ».
8. Cf. ID., Lettre aux Magnésiens, III, 2 ; Lettre aux Éphésiens, V, 2.
9Lettre aux Éphésiens, VI, 1.
10Lettre aux Smyrniotes, VIII, 1.
11. N. Afanassieff, L’Église du Saint-Esprit, Paris, 1975, p. 200.
12. Ignace d’Antioche, Lettre aux Tralliens, XIII, 2.
13Ibid., II, I.
14Apologie I, LXV, 3 ; LXVII, 4.
15. Cf. Ignace d’Antioche, Lettre aux Philadelphiens, I, 1.
16. C’est le titre du chapitre final de son livre L’Église du Saint-Esprit, p. 347 s.
17L’Orthodoxie, Lausanne, 1980, p. 52.

Le « pouvoir de l’amour »

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