Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Le 29 novembre 2018, le saint Synode du Patriarcat œcuménique, dont dépend l’Église autonome de Finlande, a accepté à l’unanimité la proposition de celle-ci, et a inscrit au nombre des saints de l’Église orthodoxe le vénérable Jean de Valaam.
La célébration de la canonisation a eu lieu au monastère du nouveau Valaam le 1er juin 2019.
La mémoire du saint est fixée au 5 juin.
Portrait du starets Jean de Valaam
Éloge de la simplicité
Celui qui deviendra le starets Jean de Valaam, Ivan Alekseevitch Alekseev, naît le 26 février1 1873 dans la province de Tver, en Russie, ses parents sont paysans. Pieux, ils font avec leurs enfants – trois garçons et une fille – de nombreux pèlerinages. Très vite, le petit Ivan est attiré par la religion. Il dévore des livres sur la vie des saints, qu’il achète pour quelques kopecks. Dès l’âge de 13 ans, il part en pèlerinage avec un camarade, notamment à l’ermitage du grand ascète saint Nil Sorsky (1433-1508).
Mais, nécessité économique oblige, Ivan doit quitter le village natal pour rejoindre son frère aîné, qui a ouvert une taverne à Saint-Pétersbourg. « Barman », il fait pendant trois ans, et sans le savoir, son apprentissage de futur consolateur des âmes. Du matin au soir, l’humanité déroule sous ses yeux le spectacle tragique et sans fard de ses grandeurs et de ses misères, de ses joies et de ses souffrances. Au contact quotidien des simples gens, des ivrognes et des malfrats de tout poil, Ivan apprend la patience, la compassion et le non-jugement d’autrui.
À 16 ans, il entre au célèbre monastère de Valaam. Quatre ans plus tard, il est appelé sous les drapeaux, où il fera 48 mois de service militaire dans un bataillon de carabiniers. À sa libération, Ivan retourne temporairement dans son village. Le 28 mai 1901, il rejoint définitivement le monastère de Valaam. Comble de malchance, il est envoyé dans une dépendance urbaine du monastère, au port de Saint-Pétersbourg. Une obédience qui, comme il dira, lui fait plus de mal que de bien. Ivan passe ses journées à sillonner la ville. Partout, il ne voit qu’orgueil, agitation, course à l’argent, passions exacerbées. Malheureux, il en retire un sens profond de la vanité et du caractère éphémère des choses de ce monde. Il est tonsuré moine en 1910 et reçoit le nom de Yakinf (Hyacinthe).
Après plusieurs demandes, il est autorisé à revenir à Valaam. Les affectations et les obédiences se succèdent. En 1915, il est envoyé au skite Saint Jean-Baptiste. Une grande bénédiction, secrètement espérée ! Car ce lieu – une île rocheuse – est une véritable pépinière de startsy.
Après 6 ans de vie quasi érémitique, Yakinf est appelé par la hiérarchie de l’Église à prendre la tête du monastère Saint-Tryphon de Petsamo, créé au XVIe siècle dans l’extrême nord de la Russie.
Un « honneur » qui lui pèse et, surtout, le surprend. Mais il n’a pas le choix, il doit obéir. Les événements se précipitent. En quinze jours, il est coup sur coup, ordonné diacre, prêtre et finalement higoumène le 19 octobre 1921. Il a deux semaines pour apprendre à célébrer la Divine Liturgie et préparer son long voyage vers l’Océan arctique.
Contrairement aux usages, le Père Yakinf renonce à composer à l’avance un discours solennel pour son intronisation. Il décide tout simplement de laisser parler son cœur. Il demande à ses nouveaux frères de l’aider, de lui pardonner les fautes qu’il pourrait commettre dans l’exercice de ses fonctions : « L’essentiel, déclare-t-il, est que nous nous efforcions de faire régner la paix et la concorde entre nous. »
Le monastère dont hérite le Père Yakinf est en pleine décadence. Le nombre des moines a fondu et leur niveau spirituel est très bas. Il fera tout son possible pour le relever. Son grand désir est de rentrer à Valaam, mais il devra rester une dizaine d’années dans le grand Nord.
Au printemps 1932, le père Yakinf est enfin libéré de ses fonctions ; il peut revenir à Valaam. À son retour, il reçoit le Grand Schème et prend le nom de Jean. Il s’établit au skite du Saint-Esprit et devient ermite. Il aime cette vie simple, solitaire, rythmée par le jeûne et les longues veilles, consacrée à la prière incessante pour le salut de son âme et de l’humanité. Mais avec les ans, la vie sur l’île devient de plus en plus difficile. Le nombre d’ermites fond comme neige au soleil.
Dès la fin des années trente, le Père Jean doit revenir passer l’hiver au monastère principal. Il a alors surtout pour tâche d’assister le confesseur du monastère et de célébrer. En 1938, il devient le père spirituel de la communauté, mais aussi de nombreux visiteurs et amis du monastère.
Mais la roue de l’Histoire, une fois de plus, tourne et tout change en hiver 1938. Reprenant l’offensive, l’URSS envahit une partie de la Finlande. Les moines de Valaam sont contraints à l’exil. Ils quittent les rives du lac Ladoga pour le centre de la Finlande. Trouvant une icône de Saint Serge et de Saint Germain – les fondateurs de Valaam – dans une ferme à vendre, ils y voient un signe de la Providence et s’y installent. Havre de paix et de solitude, perdu dans une région de forêts et de lacs difficilement accessible, le Nouveau Valaam2 est né.
Si le site est superbe, les conditions d’existence, elles, sont très dures. Exigus, les lieux ne suffisent pas à loger les 150 personnes que compte la communauté. Au Vieux Valaam, chaque moine avait sa cellule. Ici ils sont parfois cinq dans la même chambre, à dormir sur des planches.
Le starets partage son temps entre les travaux champêtres et forestiers, les célébrations liturgiques, les confessions, et, surtout, son abondante correspondance avec ses enfants spirituels.
La nourriture manque. Les conditions de vie à Valaam étaient plus que rudimentaires, presque inhumaines. Rude, la vie ne l’était pas seulement au niveau matériel. Elle l’était aussi sur le plan communautaire. C’est que le monastère, au fil des ans, ressemblait de plus en plus à un hospice.
Il supporte aussi les luttes intestines dues aux problèmes de juridiction et aux conflits entre l’Église de Finlande – rattachée au Patriarcat de Constantinople – et le Patriarcat de Moscou. Face à tout cela, il garda toujours une attitude très sage et pondérée, se contentant de répéter : « D’une manière générale, tout peut arriver. »
Confesseur officiel du monastère, reconnu comme vrai starets, le Père Jean restera jusqu’à la fin fidèle aux exigences de la vie communautaire.
Les années passent, il sent la flamme de sa vie s’éteindre peu à peu. Les décès des moines se multiplient autour de lui et il passe de plus en plus de temps au cimetière. Dans ces lettres et ses carnets, les allusions à sa propre mort vont devenir de plus en plus fréquentes. « Même si on essaie d’épargner ses propres forces, on ne peut échapper à la loi de la mort. (…) Les gens diffèrent dans leur manière de mourir. Pour certains, c’est difficile, pour d’autres facile ; cela dépend de ce que le Seigneur accorde à chacun de nous. » (5 févr. 1958)
À l’aube du 6 juin3 1958, le novice Andrei, garçon de courses du monastère, trouve le Père Jean courbé, en position assise, sur son lit. Il a rendu son âme à Dieu. L’un de ses proches écrira : « Ses funérailles4 furent paisibles, simples, modestes – tout comme il aimait que les choses soient, et tel qu’il avait été lui-même toute sa vie. »
Humilité, simplicité. Ces mots ne sont pas seulement les sésames de l’enseignement du starets. Ils servent aussi à le définir comme personne, tel qu’il apparaît à travers ses lettres et le portrait qu’en brosse l’archimandrite Panteleimon. Le Père Jean fut, par excellence, l’homme des Béatitudes.
Ses paroles, ses actes, son mode d’être en sont l’étonnante illustration.
« Il y a une chose que j’espère de tout mon cœur, écrit-il à Yelena et à son amie : que je sois une minuscule étoile dans les cieux. Mais vous, vous serez de grandes étoiles très brillantes. »
Vie extraite (et résumée) du texte écrit par Maxime Egger (p. 5 à 20)
« Béatitudes – Lettres d’un moine aux enfants de ce monde », Éd. Le sel de la terre.
Lettre 20
18 mai 1947
À propos de tes inquiétudes et de tes chutes, je te dirai ceci : tant que la barque de notre âme navigue sur les eaux de la vie terrestre, elle sera toujours soumise aux variations du temps. Tantôt il pleut, tantôt il fait beau ; parfois une forte tempête se lève, et notre embarcation risque d’être précipitée sur un récif ou sur le rivage. Dans cette vallée de larmes, il ne peut en être autrement ; c’est seulement dans la vie éternelle qu’il n’y aura pas de fluctuations. Sous l’empire des passions – j’entends les passions de l’âme, comme la présomption, la vanité, la colère, le mensonge et l’orgueil démoniaque – il nous semble que tous les hommes sont coupables et mauvais. Or, Dieu ne nous a pas demandé d’exiger des autres amour et justice ; en revanche, il nous a donné le commandement d’aimer autrui et d’être justes.
Ne te décourage pas ! Et lorsque tu es confrontée à des difficultés, plonge-toi dans l’Écriture sainte, les écrits des saints Pères et la prière. Tu expérimenteras alors paix et silence dans ton âme. Nous aurons beau raisonner : sans l’aide de Dieu nous ne pourrons ni être en paix avec nous-mêmes ni pacifier les autres.
Que le Seigneur vous garde !
P. Jean de Valaam,
P45 – « Béatitudes – Lettres d’un moine aux enfants de ce monde », Éd. Le sel de la terre.
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