Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
La « bonne nouvelle » du péché
En fait, les séminaires de mère Silouana ont été pour nous une initiation à découvrir en soi le véritable « lieu du cœur », notre cœur profond, notre noûs, ce lieu qu’Olivier Clément appelle le « cœur-esprit ». Et pour découvrir ce « lieu du cœur », il nous faut identifier ce qui en obstrue l’entrée car l’obstacle, c’est le péché. Le péché n’est pas une transgression juridique qui fait naître un sentiment de culpabilité. Pour mère Silouana, le péché c’est le refus de « se brancher aux énergies incréées, aux énergies divines, là est notre maladie ».
La vision du péché comme maladie de l’homme est le fondement même de notre anthropologie orthodoxe. Pour André Louf, « le péché, c’est la bonne nouvelle, c’est le combustible de la grâce »1. Sur le chemin de la purification du cœur, se découvrir malade est le premier pas à faire et c’est là où le travail psychologique va pouvoir nous aider à identifier le genre de maladie dont nous souffrons. Ce travail psychologique acquiert alors une fonction d’échographie de l’âme, de scanner de nos états mentaux. Cependant l’échographie ou le scanner n’ont jamais guéri personne, ils servent juste à identifier là où l’organe est malade. Ensuite, il s’agit d’aller voir le médecin pour le traitement adéquat et pour nous, le seul médecin, c’est le Christ et le seul traitement, c’est le repentir, la confession et les saints Dons reçus en notre sainte Église.
Pour définir le péché dans le sens orthodoxe, nous ferons ici référence à ce qu’écrit l’archimandrite Placide Deseille dans le psautier des Septante à propos du psaume 50 :
« Le Psalmiste confesse que, depuis sa conception, il appartient à une race pécheresse dont il se sent solidaire ; mais il ne s’agit pas d’une culpabilité héréditaire, d’un « péché originel » tel qu’Augustin d’Hippone en a élaboré la doctrine. À la différence d’Augustin, les Pères grecs n’admettent pas que tout homme ait « péché en Adam », car il n’existe de péché que commis librement par une personne déterminée ; mais, d’autre part, contre Pélage, ils enseignent qu’Adam a transmis à ses descendants, du fait de son péché personnel, une nature humaine soumise à la domination de Satan, devenue mortelle, privée de la grâce divine, et de ce fait, encline au péché personnel. »
Ainsi, on pourrait dire qu’il existe un péché personnel assez proche de la conscience et qu’il est assez facile d’amener ce péché en confession. Par exemple, je me suis mis violemment en colère contre mon chef, mon mari, ma femme. Mais, comme le dit saint Paul, quand nous ne cessons de faire « le mal que nous ne voulons pas faire et que nous ne faisons pas le bien que nous voudrions faire » (cf. Rm 7,19), il nous faut alors descendre plus profondément en nous et chercher la racine de ce péché qui insiste et apparaît sans arrêt sous la même forme, nous maintient prisonniers et nous sépare de Dieu. Ce péché-là est beaucoup plus difficile à discerner car il est hérité de nos aïeux. C’est sur ce péché-là que mère Silouana nous a fait travailler. Notre moi est un moi blessé, car nous sommes les héritiers des blessures de nos lignées. Ces blessures sont un héritage ancestral, un héritage fait de constructions mentales, psychologiques, d’injonctions implicites, de croyances, de secrets de famille qui vont déverser dans notre sang des peptides négatifs2, qui bloquent en nous le processus de la nouvelle naissance.
En effet, très tôt dans notre vie, notre moi blessé nous a fait tellement mal que nous nous sommes construits toutes sortes de stratégies qui ne sont en fait que des fuites, des scénarios de vie, des styles de vie mis en place pour fuir la douleur. Aussi pour sortir de ces pièges, nous avons à assumer cette douleur. Pour changer et naître de nouveau dans l’Esprit-Saint, il n’y a qu’une porte, c’est celle de la douleur vécue avec le Christ, en Christ. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire : « Je suis comme ça, ma mère m’a fait comme ça, ça ne changera pas ». Ce serait un péché contre l’Esprit.
Nous pensons être libres, mais quand nous continuons à vivre en symbiose psychologique avec nos ancêtres sans l’aide de l’Esprit-Saint, nous restons esclaves de ces habitudes inscrites dans notre ADN. Saint Sophrony nous parle de façon très explicite de cet héritage ancestral :
« Le Seigneur a justifié et sanctifié la lignée ascendante de ses ancêtres selon la chair. Ainsi, en suivant les commandements du Christ, chacun de nous peut restaurer par les larmes du repentir l’Image de Dieu obscurcie en nous et peut se justifier lui-même dans son existence personnelle et contribuer ainsi à la justification des générations qui nous ont précédés. Nous sommes tous porteurs de l’héritage du péché de nos pères/mères, grands-pères/grands-mères, arrière grands-pères/arrière grands-mères ; alors notre guérison se reflète positivement sur eux ; en vertu de notre nature, il existe pour ainsi dire une promesse universelle : l’homme ne peut être sauvé seul ! (Rm 5,12 ; 1 Cor 15, 21-22)3. »
Ainsi, la finalité du travail que mère Silouana nous a proposé et qui est aujourd’hui proposé par son équipe est de nous amener à aller vers une véritable confession engagée, pétrie de notre chair malade.
Pour nous – dit-elle – la rencontre de la personne avec Dieu à travers le mystère de la confession est en quelque sorte la fin de notre démarche. Ensuite, viendra le chemin proprement dit de l’ascèse qui se fera avec l’aide et les conseils d’un père spirituel.
Comment articuler cabinet « psy » et confession ?
Le travail fait en séminaire nous a montré que les outils tirés des différentes approches thérapeutiques contemporaines peuvent nous permettre de comprendre notre maladie et notre impuissance. Aussi, pour nous chrétiens orthodoxes, le travail de connaissance de soi fait en cabinet de psychothérapie ou de psychanalyse se doit d’être mis au service de notre hypostase, de notre personne afin que nous cessions de vivre comme des êtres clivés pour vivre de plus en plus comme des êtres unifiés corps-âme-esprit.
Grâce à un travail « psy », nous prenons de mieux en mieux conscience de quoi est faite notre douleur, nous pouvons identifier les chemins de « malédiction » hérités de nos ancêtres. Nous pouvons alors apprendre à mieux ressentir nos émotions, à prendre plus d’initiatives, à devenir plus acteurs de notre vie, à goûter à des relations plus apaisées avec notre environnement en sortant des rapports de force sans fin et cela nous apporte du mieux-être. Mais le but de la vie chrétienne n’est pas un mieux-être, c’est le salut de notre âme. Aussi, si en tant que chrétien je me confesse, si je communie, c’est à moi d’assumer ma part humaine en faisant fructifier mon travail thérapeutique de connaissance de moi-même, en me réorientant en permanence vers Dieu, soit en rendant grâce, soit en offrant mes douleurs. J’assume ma part humaine en faisant fleurir les grâces reçues dans la liturgie dans mes séances « psy » ou en ramenant mes découvertes « psy » en confession. Pour cela, je dois apprendre à convertir mes plaintes et mes projections, identifiées en thérapie, en reconnaissance de ma part pécheresse que je vais déposer en confession. Alors les énergies créées entreront en synergie avec les énergies incréées. De ce fait, je cesse de me vivre comme schizophrène et je deviens une personne unifiée qui apprend de plus en plus à tout donner au Seigneur.
Si nous allons en thérapie pour ne plus souffrir dans notre être psychique, nous allons nous confesser pour nous rapprocher de Dieu en offrant le péché qui continue de vivre en nous aujourd’hui et que nous assumons en le déposant devant le Christ. C’est là un véritable mouvement de conversion qui nous fait changer de plan de conscience en nous faisant passer de l’état psychologique d’individu à l’état spirituel d’hypostase.
Ainsi, « la présence de la douleur (devient) un signe que le souffrant n’est pas loin de la vraie et sainte Voie. La souffrance du chrétien n’a qu’un seul but : découvrir la profondeur du cœur »4.
La mère de dieu, échelle vivante entre la terre et le ciel
Dans la découverte du cœur profond, notre guide inaliénable est bien la Mère de Dieu. C’est elle qui est la véritable guérisseuse de notre réalité psychosomatique malade. C’est donc dans un cinquième temps dédié à la Mère de Dieu que nous avons découvert la profondeur de la prière incarnée en étudiant l’acathiste du Buisson Ardent de père Daniel5. En entrant dans « l’autel des miracles », dans « le saint des saints de l’homme », Marie Mère de Dieu, a su « avec une audacieuse sagesse », « briser le cercle de l’esclavage, cercle mortel, cercle du sommeil, vainquant ainsi par le pouvoir de la pureté la malédiction de la chair ». Elle est celle qui « œuvre à notre coriace endurcissement » et « nous sauve par la goutte de grâce qui va transpercer la dure pierre » de notre cœur.
Aussi, quand nous sombrons dans des marécages et devenons impatients, prions-la :
Écoute-nous, esclaves du péché, indignes fils de la fange ! Très douce, bonne et Très sainte Vierge, palais du Seigneur Jésus, délivre-nous des verrous de la malédiction, ouvre-nous le chemin d’en haut.
C’est dans ce cœur à cœur avec la Mère de Dieu que la malédiction inscrite dans notre chair va se transformer en douceur et la douceur de la Mère de Dieu est bien plus grande que la douceur du monde. La Mère de Dieu est présente dans toutes nos douleurs, dans toutes nos joies car elle est l’échelle vivante qui relie notre terre au ciel de notre Père.
Aussi, quand nous allons en thérapie, quand nous nous rendons auprès de notre père confesseur, sachons invoquer la Mère de Dieu, « l’ourdisseuse de la prière incessante »6 alors nous sentirons son œuvre discrète qui s’infiltre en nous, car la finalité de son œuvre est d’incarner son Fils, notre Dieu jusque dans notre ADN. Aussi, nous ne pourrons que nous incliner en chantant :
Réjouis-Toi, musique ineffable de la seconde naissance ;
Réjouis-Toi, bâton fleuri en marche vers le lieu du cœur ;
Réjouis-Toi Maitresse inébranlable et souveraine, Toi qui ne cesses de nous accompagner sur le chemin de l’incessante métamorphose de la chenille en papillon.
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