Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
« Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas »
Dans le centre de formation de Iași, mère Siluana et son équipe proposent donc, toute une série de séminaires dont l’enseignement s’appuie à la fois sur l’anthropologie des Pères de l’Eglise et sur les nouvelles découvertes scientifiques en psychologie, biologie et neurosciences.
L’enfer de la tunique de peau
Dans ses séminaires mère Siluana enseigne que nous naissons avec des structures psychosomatiques émotionnelles dont nous héritons de nos parents et dont nous sommes inconscients. Au début, ces structures nous aident seulement à survivre. C’est ce que les Pères de l’Eglise appellent la tunique de peau. Cependant, notre être créé à l’image de Dieu est recouvert par la rouille de notre condition d’homme déchu. Vivre dans cette tunique de peau signifie vivre sans Dieu et c’est cela qui génère l’enfer. Pour sortir de cet enfer, il faudra être d’abord capable d’identifier cette tunique de peau et d’en accepter le contenu avec lucidité. Alors, ce contenu pourra se spiritualiser, se transfigurer et l’homme pourra retrouver en lui l’image de Dieu. C’est là le début du salut, le début de la guérison de l’espèce humaine. Mais, pour retrouver cette image de Dieu en soi, mère Siluana insiste sur la nécessité dans un premier temps de reconnaître la déformation de cette image, puis dans un deuxième temps, de l’offrir à Dieu.
Selon Saint Grégoire Palamas et de nombreux Pères, l’homme ne peut guérir que s’il reconnait qu’il est malade. Pour cela, il est appelé à faire trois choses : connaître Dieu, connaître son rôle dans la création en comprenant ce que Dieu lui a donné et en reconnaissant ses talents puis ensuite, connaître ses faiblesses et son impuissance pour enfin les offrir à Dieu afin qu’Il restaure en lui Son image. Vouloir offrir ses souffrances à Dieu est une chose, mais savoir quoi offrir en est une autre. C’est parce que cette offrande sera clairement définie que l’Image de Dieu pourra réellement se restaurer. C’est là toute la singularité du travail de mère Siluana. Il s’agit de sortir d’un flou artistique qui ne permettrait pas la restauration de cette image.
Le réalisme spirituel
Tout d’abord, mère Siluana nous invite à reconnaitre que nous sommes malades. Elle propose une technique de guérison clairement énoncée. Chaque fois que nous ressentons de la haine pour quelqu’un, il suffit de nous tourner vers Dieu en Lui demandant de transformer cette haine en amour. Mais dans la pratique, ce n’est pas si facile car dans « le ciel de notre cœur » il existe des forces qui s’opposent à cette transformation. C’est l’esprit malin qui nous empêche de nous voir tels que nous sommes. Alors nous projetons sur l’autre des sentiments, des pensées, en l’accusant, en étant dans le déni, en nous laissant envahir par un esprit de vengeance. Nous sommes captifs de la loi du péché.
Aussi avec St Paul (Rom 7,15-16),nous pouvons dire :
« Rien de bon n’habite en moi, c’est-à-dire dans ma chair […] je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas […] je prends plaisir à la loi de Dieu, mais je vois dans mon corps tout entier une autre loi qui lutte contre la loi de mon intelligence et qui me rend captif - captif de la loi du péché qui est dans mon corps. »
Alors pour vaincre cet esprit malin, ce péché inscrit dans la chair nous avons, selon les mots de St. Silouane, à acquérir l’humilité, à entrer dans un véritable réalisme spirituel qui nous amènera à être de plus en plus conscient de nos enfermements et de notre péché.
Cependant avant de pouvoir regarder notre propre enfer, il faut d’abord connaître Dieu, avoir connu Ses grâces, beaucoup de Ses grâces. Ce n’est qu’avec la lumière divine que notre enfer va pouvoir nous être révélé. Il y a là une grande vigilance à avoir, un tempo à respecter. Car « si une personne n’a pas connu une grande grâce de Dieu, si elle a un psychisme un peu vacillant, elle risque de se détruire et de ne jamais s’en sortir. Aussi la formule « tiens ton Esprit en enfer et ne désespère pas » n’est donc pas à la portée de tout le monde »1.Et là, on peut constater qu’une connaissance de la psychopathologie peut éviter des dérives voire des catastrophes. Dans ce cas précis, l’articulation consciente entre savoir psychologique et connaissance spirituelle devient très pertinente.
La connaissance des murs du royaume de la mort
De nos jours, l’homme contemporain déchiffre de manière scientifique le contenu de cette mort qui est dans notre corps. Il explique comment les traumatismes de nos ancêtres peuvent se manifester dans nos comportements, dans nos émotions, dans nos pensées. Par exemple, une personne peut vivre une attaque de panique comme celle que sa grand-mère ou son arrière-grand-mère a vécue quand elle a été violée. J’imagine qu’ici, mère Siluana fait référence aux thérapies familiales et au travail sur les histoires de famille, notamment avec le recours au génogramme qui permet d’identifier les secrets de famille, les répétitions de traumatismes qui se répercutent sur plusieurs générations.2
Dans l’Eglise nous pouvons comprendre cette approche car nous savons que nous sommes un seul Adam, un seul Homme, que nous partageons un fond commun. Cependant, il est difficile d’accéder à ce fond commun car quand nous tentons d’y entrer, les esprits malins essayent de nous en empêcher. L’accès n’est possible qu’avec l’aide de l’Esprit-Saint, c’est ce dont témoignent les Saints.
Aujourd’hui les sciences contemporaines découvrent que cette mémoire, ce fond commun est déposé au fond de la cellule de l’homme. On peut facilement comprendre cela si on regarde par exemple ce qui se passe après une transplantation du cœur. La personne qui a été transplantée se retrouve avec des désirs qui lui sont parfois étrangers. Mère Siluana cite l’exemple d’une femme transplantée du cœur qui s’est retrouvée avec un désir fou de faire de la moto. Son donateur était, en fait, mort d’un accident de moto. Quand le père Sophrony du monastère St Jean Baptiste à Maldon en Angleterre a eu une transfusion de sang, il a pendant 5 ou 6 heures, avant la transplantation, tenu le flacon de sang dans ses mains en priant.
Donc, cette mémoire activée dans les moments traumatiques va se focaliser sur le souvenir du mal parce que c’est ce souvenir même qui nous aide à survivre. Ces moments traumatiques peuvent venir de nos parents, de notre milieu, car le contenu mental des parents se transmet aux enfants comme une information et constitue des mémoires d’enfer-mement.
Pour nous aider à comprendre ces « mémoires d’enfermement », l’Eglise nous donne tout un enseignement. Saint Grégoire Palamas et de nombreux Pères parlent, avec des vocabulaires variés, des organes de la connaissance qui sont : la sensibilité, l’imagination, l’opinion, la pensée et le noûs3. L’esprit de l’homme psychologique, du vieil homme est activé par une connaissance qui ne vient que des sens ; alors que la guérison vient de la connaissance qui est dans l'Esprit, dans le Cœur, dans le noûs. Quand cette connaissance est unifiée avec une sensibilité sans imagination, sans opinion, sans pensée passionnée, alors l'Être est uni à Dieu.
L’enseignement de mère Siluana va donc permettre à chacun de se libérer de l’illusion d’une connaissance psychologique qui ne vient que des sens et qui maintient le vieil homme enfermé et à l’étroit dans sa tunique de peau. C’est à ce monde imaginaire et fantaisiste que le Christ nous demande de renoncer. Ce monde fabriqué par nous-même nous empêche de voir la réalité. On ne voit bien souvent l’autre qu’à travers l’image que l’on s’en est fabriquée.
Ainsi, les séminaires de mère Siluana proposent un travail très concret sur les mémoires psychosomatiques qui est un véritable travail en profondeur de déliement et de libération des illusions qui nous séparent de Dieu.
(à suivre)
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