Ajouté le: 17 Octobre 2016 L'heure: 15:14

Conclusion des béatitudes

La Béatitude, c’est Dieu Lui-même. Le bien que cherche l’homme, le trésor et la perle fine de l’Évangile, le bonheur perdu et introuvable a un Visage qui se dresse au sommet de l’échelle. Au sommet de la montagne, « nous rencontrerons Celui qui guérit toute maladie et toute infirmité, qui a pris sur Lui nos faiblesses, qui s’est chargé de nos souffrances » (Is. 53, 4).

Pour partir à la rencontre du Seigneur, pour gravir la montagne, il nous faut prendre la voie qui descend, celle de l’humilité. Ce n’est que l’un des paradoxes de la vie chrétienne. Comme le Seigneur est Lui-même la Voie, nous risquons fort, comme les pèlerins sur la route d’Emmaüs, de L’avoir comme compagnon de route. C’est Lui qui peu à peu se dévoilera à nos yeux, puisque c’est Lui, l’homme des Béatitudes. Il est, comme le dit admirablement saint Irénée de Lyon, « le Verbe de Dieu qui a habité dans l’homme et s’est fait Fils de l’homme pour accoutumer l’homme à saisir Dieu et accoutumer Dieu à habiter dans l’homme, selon le bon plaisir du Père »1.

Il est le Pauvre, le Doux, l’Affligé, le seul Juste, le seul Miséricordieux, le Cœur pur, le Bâtisseur de paix et la Paix véritable, le Persécuté pour la justice, qu’Il nous demande d’imiter, afin de retrouver dans l’image qu’Il nous offre la ressemblance que nous avons perdue par la désobéissance. Le Christ est venu sur terre pour se montrer à nous, Il se décrit à nous dans les Béatitudes, Il nous montre à partir de quelle image Il nous a façonnés : la Sienne. Il nous montre le chemin que nous devons suivre pour nous dépouiller du vieil homme, pour être re-créé. « Ne vivez plus comme les païens que leur intelligence conduit au néant » (Ep. 4,1 7), nous dit l’Apôtre, qui continue : « Il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme… ; il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence » (Ep. 4, 22-23). C’est à une conversion radicale que nous appelle l’Évangile, et les Béatitudes nous indiquent à la fois le chemin et le but. Il s’agit pour nous d’arriver à la taille du Christ dans sa plénitude, selon la parole de saint Paul (cf. Ep. 4, 11-13), souvent reprise par Père Sophrony. C’est pour cette raison que bien des Pères ont appelé les Béatitudes « commandements » du Christ, car ils les ont compris ainsi : que c’était la seule chance pour l’homme d’être renouvelé, de renaître dans l’Esprit, de faire fructifier la grâce du baptême et de mener à son plein accomplissement le dessein de Dieu pour nous : nous accueillir comme ses enfants, nous faire cohéritiers de sa gloire et de sa Vie.

Dieu est infiniment humble et doux, d’une humilité et d’une douceur que nous ne pouvons même pas imaginer. Tellement humble et doux que souvent nous Le piétinons sans même nous en apercevoir ; tellement humble et doux que jamais Il ne voudra user de sa puissance pour nous forcer à Le choisir, à choisir son amour, à choisir de répondre à son amour (Il est pourtant « le Fort » ! « le Puissant » ! « l’Immortel » !). Mais dans sa douceur il prend soin de nous autant que nous le Lui permettons. Il frappe sans cesse à la porte de notre cœur de pierre, Il cherche sans cesse la moindre faille dans notre orgueil qui Lui permettra de pénétrer en nous, de nous toucher de son amour, de nous attirer à Lui… si nous le voulons, car son respect de notre liberté est infini. Il est extrêmement difficile de comprendre la profondeur du respect que Dieu a de notre liberté, car il s’agit de quelque chose d’inconnu sur la terre. Mais c’est la raison pour laquelle Père Sophrony affirmait que seul ce qui était librement choisi avait une valeur aux yeux de Dieu. Mais nous ne cessons de L’affliger en ne suivant pas les chemins qu’Il a disposé pour nous : « Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le Seigneur ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Alors, tu vivras… » (Dt 30, 15-16).

Et c’est parce qu’Il veut nous donner sa Vie qu’Il suscite en nous la faim et la soif de sa justice. C’est parce que, dans son humilité, Il accepte avec douceur toutes les blessures de la part de ceux qu’Il a créé qu’Il nous fait constamment miséricorde, et qu’Il nous demande de L’imiter. Et si nous acceptons son joug, si nous nous purifions ainsi peu à peu de la loi du péché, nous deviendrons de plus en plus transparents à l’image que Dieu a mise en nous, nous pleurerons de plus en plus sur notre éloignement de Dieu et sur l’état de toute la création et de chaque créature à cause de notre désobéissance, nous rechercherons la paix car elle sera devenue une nécessité pour notre âme, nous rendrons gloire à Dieu pour toutes choses, et surtout pour toute affliction, difficulté, outrage, blâme, perte d’un bien ou d’un être cher, persécution de toute sorte… car nous aurons appris en cours de route qu’Il ne nous corrige, comme un Père très tendre, que pour nous apporter un fruit de paix et de justice (cf. He 12,11). Notre plus grand persécuteur devrait être nous-mêmes, car nous devons apprendre à persécuter tout ce qui, en nous, refuse le Christ. Ce n’est qu’à cette condition que nous apprendrons à communier à la Personne du Christ Crucifié et Ressuscité, à nous laisser renouveler par Lui, Qui veut faire de nous des bienheureux.

Le commencement du chemin consiste à prendre conscience de notre pauvreté. Il faut qu’un rayon de la Lumière divine nous effleure pour que nous prenions conscience de notre néant, pour que nous prenions conscience que seul, le souffle que Dieu a insufflé en nous, nous rend vraiment humains, et précieux aux yeux de Dieu ; sinon, nous sommes terre, et la terre est foulée aux pieds2. Et aussi, pour que nous prenions conscience de notre éloignement de Dieu, de notre totale indignité devant Lui.

Le Père Sophrony estimait que c’est cette conscience de notre pauvreté qui est essentielle à la construction de tout l’édifice. Il explique : « Il nous faut garder l’humilité de l’esprit. L’expérience elle-même le montre : dès que la satisfaction de soi remplace le sentiment de ‘pauvreté’, toute cette échelle des ascensions spirituelles s’effondre et notre maison est laissée déserte (voir Mt 23, 38). Dieu n’est plus avec nous. Et il en sera ainsi tant que notre cœur n’aura pas retrouvé l’humilité et n’aura pas crié vers Lui avec douleur »3.

« Ce phénomène [l’accablant sentiment de notre ‘pauvreté’] est déjà le début de notre rapprochement de Dieu. (…) Le premier commandement des Béatitudes – ‘Bienheureux les pauvres en esprit’ – conduit pour ainsi dire organiquement aux degrés suivants : aux pleurs, à la douceur, à la faim et soif de justice, à la miséricorde, à la pureté de cœur, à la première et vive perception de notre filiation divine. Il nous conduit aussi à un pénible conflit avec le monde des passions, à une rupture avec ceux qui ne cherchent pas le Royaume de la Justice. Il nous mène enfin aux persécutions, aux insultes, aux médisances et au reste. Lorsque la résistance de l’esprit chrétien à l’esprit de ce monde atteint son apogée, la vie du disciple du Christ ressemble à une crucifixion, fût-ce sur une croix invisible. Cette période est effrayante mais, en même temps, salutaire : par les souffrances intérieures de notre esprit, bien souvent liées à des calamités extérieures, nous triomphons des passions, nous nous libérons de l’emprise du monde et même de la mort »4.

« Dans sa bonté, le Maître nous appelle tous : ‘Venez à Moi, vous tous qui êtes chargés, et Je vous soulagerai’. (…)

Je te rends grâce, mon Seigneur et mon Créateur, de ce que, dans ta bonté, Tu aies humilié mon âme et m’aies révélé la voie qu’ont suivie tes Saints. Tu aimes ceux qui pleurent, et c’est par la voie des larmes que tous les Saints sont arrivés à Toi. Tu aimes les humbles, et par ta grâce Tu leur apprends ton amour et ton humilité que craignent nos ennemis, les démons. Tu te réjouis, Seigneur, de l’âme humble ; donne-moi, Seigneur, de venir à Toi par la voie de tes Saints et que Tu m’as montrée : celle de l’humilité et des pleurs »5.

Marie-Thérèse GOURDIER

Notes :

1. Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies.
2. Cf. Archimandrite Zacharias, The Hidden Man of the Heart, Stavropegic Monastery of Saint John The Baptist, Essex, 2014, pp. 50-51.
3. Archimandrite Sophrony, La prière, expérience de l’éternité, Ed du Cerf, Le sel de la terre, p. 31.
4. Archimandrite Sophrony, La prière, expérience de l’éternité, Ed du Cerf, Le sel de la terre, pp. 30-31, et 72.
5. Archimandrite Sophrony, Saint Silouane l’Athonite, Ed du Cerf, p. 454.

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