Ajouté le: 9 Décembre 2012 L'heure: 15:14

Authenticite, integrite et veracite historiques des Evangiles (III)

3E PARTIE

Authenticite, integrite et veracite historiques des Evangiles (III)

Quant à l’auteur de l’Evangile selon saint Matthieu, est‑il l’Apôtre Matthieu le publicain qui, incontestablement, avait rédigé un premier Evangile en araméen ? La réponse est probablement négative. Un disciple s’est chargé de ce travail, en se référant aux sources mentionnées plus haut. Il était incontestablement Juif car il se désigne comme étant « un scribe instruit du Royaume des cieux, comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et du vieux »1. Le vieux, ce sont l’état d’esprit, les mœurs, les coutumes, la langue des rabbins de son temps. Cette parfaite connaissance de ses coreligionnaires lui a permis de faire un ouvrage au contenu judaïsant, afin de les conduire à adhérer au neuf : la charte du nouveau Royaume.

Tous les témoins anciens affirment que l’Evangile selon saint Matthieu était destiné aux Juifs. En effet, son auteur s’efforce, d’une part, à démontrer que Jésus est le Messie et, d’autre part à exposer son enseignement à travers de grands sermons.

Quand a‑t‑il été rédigé ? Comme il dépend, dans une certaine mesure, de l’Evangile de saint Marc, il ne peut avoir été écrit avant 65. Selon d’éminents exégètes, il est légèrement postérieur à 70.

Une tradition non contestée dans l’antiquité chrétienne attribue le troisième Evangile à saint Luc, originaire d’Antioche, fidèle compagnon de saint Paul qu’il suit jusqu’à Rome. L’Apôtre, dans son Epître aux Colossiens, l’appelle « son ami le médecin »2. D’un esprit cultivé, on voit, par son Evangile, comme par son Livre des Actes, qu’il écrivait le grec correctement. Ces deux ouvrages ont été composés dans les années 63 à 65. Saint Irénée de Lyon3, Tertullien4, Clément d’Alexandrie5 et Origène6 et saint Justin fournissent aussi des citations de saint Luc, ce dernier se désignant lui‑même comme auteur de son premier écrit, c’est‑à‑dire son Evangile7.

Le Prologue anti‑marcionite8 apporte également des informations intéressantes : « Luc était Syrien, d’Antioche, et médecin de son état. Il fut le disciple des apôtres. Plus tard, il devint le disciple de Paul jusqu’à la mort de ce dernier. Il servit le Seigneur sans défaillance, ne se maria pas, n’eut pas d’enfants, et mourut en Boétie9, rempli du Saint‑Esprit, à l’âge de 84 ans. Comme des évangiles avaient déjà été écrits par Matthieu en Judée et par Marc en Italie, Luc écrivit le sien, sous la motion du Saint‑Esprit, dans la région appelée Achaïe10. Dans son prologue, il rappelle que d’autres évangiles avaient été écrits avant lui, mais il montre aussi qu’il était nécessaire, à l’égard des fidèles venus du paganisme, de leur rendre compte exactement de l’économie de la foi, de crainte qu’ils ne fussent contrariés par des fables juives ou égarés loin de la vérité par les tromperies des hérétiques ».

Le Canon de Muratori11, daté de la fin du 2e siècle, précise que « Luc, médecin, compagnon de Paul, écrivit le troisième Evangile.  Lui‑même n’avait pas vu le Seigneur [Jésus‑Christ] »12.

Quant à saint Jérôme (4e siècle), il confirme les données traditionnelles.

Saint Luc est également l’auteur du livre des Actes des Apôtres qui est, en fait, la suite de son Evangile. On relève dans cet ouvrage une série de passages où le compagnon de saint Paul s’exprime à la première personne du pluriel « nous »13 ; ce qui permet de déduire qu’il parle en témoin oculaire.

L’Evangile de saint Jean, le disciple bien‑aimé de Jésus, fut composé à Ephèse. Cette cité grecque est l’une des plus anciennes et des plus importantes d’Asie Mineure, la première d’Ionie. Bien que ses vestiges14 soient à près de 7 km à l’intérieur des terres, à proximité des villes turques contemporaines de elçuk et Kuşadası dans l’Ouest de la Turquie, Éphèse était dans l’Antiquité et encore à l’époque yzantine l’un des ports les plus actifs de la mer Égée. Elle devait également sa réputation à son grand sanctuaire dédié à Artémis, « L’Artémision » qui comptait parmi les ept merveilles du monde. Cet Evangile fut écrit tardivement, aux alentours de 90‑100, conséquemment après les trois autres.

Clément d’Alexandrie s’appuyant sur le témoignage d’évêques plus anciens, rapporte que Jean, à la demande de ceux qui l’entouraient, rédigea un Evangile spirituel : « Jean, le dernier, voyant que le côté matériel avait été mis en lumière dans les évangiles, poussé par les disciples et divinement inspiré par l’Esprit, fit un évangile spirituel »15, ce qui est une façon de faire ressortir plus spécialement que les trois autres la Divinité du Christ.

L’intention de saint Jean l’Evangéliste fut également de combattre les hérésies de son temps, en particulier celles de Cérinthe et d’Ebion, qui tendaient à altérer la vérité évangélique par des fables et les excès d’un faux mysticisme. Ces hérétiques judéo‑chrétiens, qui vivaient au 1er siècle de notre ère, eux aussi, ne remettaient pas en cause l’existence historique de Jésus qu’ils considéraient comme un simple homme, né charnellement d’une femme, comme n’importe quel individu. Cependant, pour les premiers, le Christ Fils de Dieu était descendu sur Jésus, le jour de son baptême, et resta en lui jusqu’à sa crucifixion, moment où il s’en sépara pour remonter auprès de Dieu le Père. Quant aux seconds, rejetant le mysticisme des Cérinthiens, ils étaient très hésitants en ce qui concerne la Divinité de Jésus : Pour eux, sa vertu particulière l’avait élevé au rang de Fils de Dieu, sans être forcément le Messie, mais plutôt un prophète.

L’Evangile de saint Jean fut donc rédigé sous l’impulsion de personnes – des condisciples et des évêques, parmi lesquels se trouvait l’apôtre André –, qui connaissaient bien les faits historiques qu’il rapporte. Cette information historique, transmise par saint Clément d’Alexandrie, explique aux chrétiens les circonstances de la rédaction de ce livre et son objet. Dans son prologue, l’apôtre témoigne de la Divinité du Christ16 et il se dit témoin oculaire de ce qu’il raconte : « Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est conforme à la vérité, et d’ailleurs celui‑là sait qu’il dit ce qui est vrai afin que vous aussi vous croyiez »17. Amené plusieurs fois à parler de lui, il ne se nomme pas directement en utilisant le pronom personnel de la troisième personne du singulier : il18. Parfois, il se désigne par ces mots, un disciple55, le disciple que Jésus aimait19, celui qui s’était penché vers sa poitrine20.

Dans son Evangile, saint Jean apparaît d’abord avec André, puis aux côtés de Pierre21. Comment donc ne pas identifier Jean, fils de Zébédée et de Marie Salomée, frère de Jacques le Majeur, comme étant l’auteur du quatrième Evangile ? C’est bien lui qui, comme il le déclare, a vu au pied de la croix le sang et l’eau couler du côté de la poitrine de Jésus22 et qui constate, avec Pierre, que le corps du Crucifié a disparu de son tombeau23.

D’autres écrivains et historiens antiques n’ont pas dit autre chose que Clément d’Alexandrie : Saint Théophile (+ 181), sixième évêque d’Antioche, dans son ouvrage apologétique24, fait mention du quatrième Evangile et nomme saint Jean comme l’auteur de ce livre ; Héracléon, vers l’an 150, a consacré au quatrième Evangile un commentaire étendu, ce qui suppose que ce recueil était généralement admis et investi depuis longtemps d’une haute autorité.

Saint Irénée de Lyon, provenant des Eglises fondées par saint Paul et saint Jean, dont il fut le disciple médiat par son maître, saint Polycarpe (69‑156), évêque de Smyrne, en Asie Mineure (aujourd’hui Izmir, en Turquie), disciple lui‑même de l’apôtre bien‑aimé, cite le nom de l’auteur du quatrième Evangile dans plusieurs chapitres de son « Traité contre les hérésies »25. Saint Irénée et Eusèbe26 considèrent l’Evangile selon saint Jean comme le sceau qui confirme les autres Evangiles, la colonne par laquelle Dieu a achevé d’affermir l’Eglise.

Outre ces personnages qui nomment expressément saint Jean, il y a d’autres témoignages qui remontent presque jusqu’à l’apôtre lui‑même. Ce sont des écrivains qui, sans le désigner par son nom, recourent à son autorité. Ainsi, Tatien (110‑173), auteur du premier Diatessaron (la première concordance des Evangiles) vers l’an 130, reprend plusieurs passages de l’Evangile de saint Jean dans son « Discours aux Grecs »27. Saint Justin, le maître de ce dernier, reproduit littéralement le passage touchant le verbe divin et rapporte les paroles de Jésus28 mentionnées au 3e chapitre de l’Evangile de saint Jean.

Dans la lettre aux Romains de saint Ignace d’Antioche29, est placée une allusion évidente aux expressions utilisées par saint Jean : « Mon désir terrestre a été crucifié et il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une « eau vive »30 qui murmure et qui dit au‑dedans de moi : « Viens vers le Père »31. Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie, c’est le pain de Dieu que je veux, qui est la chair de Jésus‑Christ, de la race de David32 »33.

Il en est de même dans sa lettre aux Philadelphiens34 : « On ne trompe pas l’Esprit qui vient de Dieu, car ‘il sait d’où il vient et où il va’’35 et il révèle les secrets »36 ; « Les prêtres, eux aussi, étaient honorables mais chose meilleure est le grand prêtre [Jésus‑Christ], à qui a été confié le Saint des Saints, à qui seul ont été confiés les secrets de Dieu. Il est la porte du Père37 »38.

La lettre de Polycarpe de Smyrne14 aux Philippiens contient également des allusions frappantes à l’Evangile de Jean : « Quiconque, en effet, ne confesse pas que Jésus‑Christ est venu dans la chair, est un antichrist39 »40.

Les citations de l’Evangile de saint Jean contenues dans la lettre de saint Polycarpe prouvent que, dès l’an 109, l’Evangile selon saint Jean faisait partie de la collection évangélique.

(à suivre)

Diacre Jean‑Paul Lefebvre‑Filleau

Notes :

1. Mt 13, 52, T.O.B.
2. Col. 4, 14, T.O.B.
3. cf « Traité contre les Hérésies », livre III, chap. Préliminaire : La vérité des Ecritures – sous titre : Comment, par les Apôtres, l’Eglise a reçu l’Evangile. Irénée de Lyon, http://livres‑mystiques.com/partieTEXTES/StIrenee/irenee_de_lyon.htm
4. cf « Contre Marcion », livre 4, chap. 11, Ed. du Cerf, Paris, 2001.
5. cf « Stromates », Clément d’Alexandrie, livre 1, chap. 21, Ed. du Cerf, Paris, 1951.
6. cf « Histoire ecclésiastique », livre 6, chap. 25, Eusèbe de Césarée, trad. Emile Grapin, Ed. Auguste Picard, 1913.
7. cf Ac. 1, 1.
8. MARCION (95‑160), chassé comme hérétique de l’Eglise de Rome, n’admettait que le seul Evangile de Luc : aucun lien avec l’Ancien Testament ne pouvant subsister pour lui. On fit alors souvent précéder les Evangiles de prologues attestant leur autorité. Les prologues latins anti‑marcionites, conservés aujourd’hui, remontent au 3e siècle, mais ils sont la traduction de prologues grecs que l’on peut dater des années 160‑170.
9. Région située au centre de la Grèce.
10. Ancienne région de la Grèce antique, située au Nord‑Ouest de la péninsule du Péloponnèse.
11. Liste fragmentaire des livres inspirés acceptés à Rome à la fin du 2e siècle. Ce manuscrit a été découvert dans la bibliothèque ambrosienne de Milan par le savant italien Muratori et publié par lui, en 1740, d’où son nom d’emprunt.
12. in « Nouvelle introduction à la Bible », p. 734, Wilfrid Harrington, Ed. du Seuil, 1971.
13. cf Ac. 16, 10‑17 ; 20, 5‑15 ; 21, 1‑18 ; 27, 1 – 28, 16).
14. C’est l’action combinée des sédiments charriés par le fleuve Caystre, des changements climatiques et d’accidents sismiques, qui a provoqué le déplacement progressif de la côte vers l’Ouest, et l’ensablement des ports successifs de la ville d’Ephèse, jusqu’à leur abandon.
15. cf « Histoire ecclésiastique », livre 5, chap. 14, Eusèbe de Césarée, trad. Emile Grapin, Ed. Auguste Picard, 1913.
16. cf Jn 1, 1‑18.
17. Jn 19, 35, T.O.B.
18. cf Jn 1, 41.
19. Jn 20, 2 ; 21, 24, T.O.B.
20. Jn 21, 20, T.O.B.
21. cf Jn 18, 15 ; 20, 2‑4 ; 21, 7‑20.
22. cf Jn 19, 34.
23. cf Jn, 20, 2.
24. Livres à Autolycus, livre 2, chap. 22.
25. in « Traité contre les Hérésies », livre III, chap. Préliminaire : La vérité des Ecritures – sous titre : Comment, par les Apôtres, l’Eglise a reçu l’Evangile. Irénée de Lyon,http://livres‑mystiques.com/partieTEXTES/StIrenee/irenee_de_lyon.htm; également Livres à Autolycus, livre 2, chap. 1 et 9 ;
26. cf « Histoire ecclésiastique », livre 3, chap. 24, Eusèbe de Césarée, trad. Emile Grapin, Ed. Auguste Picard, 1913.
27. cf « Discours aux Grecs », Tatien, chap. 19, Ed. Schwartz, Leipzig, 1888.
28. Apologie 1, 6 ; Jn 3, 3 et s.
29. Ignace d’Antioche (35‑107) d’origine syrienne, fut le troisième évêque d’Antioche, après saint Pierre et Evode, à qui Ignace a succédé vers 68. Il a probablement été un disciple des apôtres Pierre et Jean. Plusieurs de ses lettres nous sont parvenues. Il est l’un des Pères apostoliques (les premiers des Pères de l’Église).
30. Jn 4, 10 ; 7, 38 ; Ap. 14, 25.
31. Jn 14, 12, etc.
32. cf Jn 7, 42 ; Rm 1, 3.
33. in « Lettre aux Romains », Ignace d’Antioche, in Ecrits des Pères Apostoliques, texte intégral, Col. Sagesses chrétiennes, Ed. du Cerf, Paris, 2001.
34. habitants de Philadelphie, ville située à une centaine de kilomètres de Smyrne (Turquie actuelle). Le christianisme y pénétra très tôt.
35. Jn 3, 8.
36. in « Lettre aux Philadelphiens », paragraphe 7, 1, in Ecrits des Pères Apostoliques, texte intégral, Col. Sagesses chrétiennes, Ed. du Cerf, Paris, 2001.
37. cf Jn 10, 7, 9.
38. in « Lettre aux Philadelphiens », paragraphe 9, 1, in Ecrits des Pères Apostoliques, texte intégral, Col. Sagesses chrétiennes, Ed. du Cerf, Paris, 2001.
39. cf 1 Jn 4, 2‑3. Tout ce passage concerne aussi les docètes, c’est‑à‑dire les hérétiques qui refusaient d’admettre la réalité du corps de Jésus et de ses souffrances sur la Croix.
40. in « Lettre aux Philippiens », paragraphe 7, 1, in Ecrits des Pères Apostoliques, texte intégral, Col. Sagesses chrétiennes, Ed. du Cerf, Paris, 2001.

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