Ajouté le: 19 Juin 2018 L'heure: 15:14

L’Église, icône du Christ

Le Congrès de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale – mai 2018

La vie de l’Église est la manifestation de la présence du Christ par la grâce du saint Esprit, et de la présence de celui-ci par ses dons. L’Église est simultanément l’icône du Verbe incarné et celle de la Pentecôte. Nous avons vécu cela au magnifique Congrès de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale le 10 et le 11 mai dernier. 

Le saint Esprit et l’Église

Des symptômes très clairs de cette réalité divino-humaine se trouvent en premier dans l’intelligibilité des diverses interventions. Toutes de niveau supérieur, elles étaient pourtant accessibles à chacun, au fidèle ou au prêtre de base, venu de sa paroisse depuis les extrémités de l’Europe occidentale. Le remarquable travail de traduction simultanée, accompli parfois de façon acrobatique, et qui est apprécié à sa juste valeur, n’explique pas tout. C’est l’Esprit saint également qui nous donnait l’intelligence des conférences du métropolite Irénée d’Olténie, du diacre Adrian Sorin Mihalache, de Père Constantin Coman, de Père Jean Boboc, de Victor Loupan. Tout de même, les considérations auraient dû être difficiles à suivre : l’anthropologie biblique ; la rationalité divino-humaine de la Création ; le repentir comme âme de l’expérience chrétienne ; la formidable menace technologique des temps qui viennent ; et le vécu en pays communiste et en Europe occidentale des croyants orthodoxes… Où nos traductrices ont-elles reçu le génie de trouver les expressions françaises fidèles au roumain ? D’où nous est venue la grâce d’intégrer des perspectives quelquefois si nouvelles pour nos esprits ? Qu’est-ce, ou Qui, à un moment donné, produit cette dilatation de l’esprit et du cœur humains et les élargit pour qu’ils conçoivent la pensée divine ?

La vérité comme évidence

Nous n’avons pas tellement de culture biblique et théologique : par quel miracle, par quelle Pentecôte, dans une Église fidèle aux Actes des apôtres, les propos de l’un et de l’autre de nos conférenciers bénis et inspirés étaient-ils perçus par nous comme évidents ? C’est pourtant ce que confessait tel ou telle fidèle, quelquefois avec larmes : « c’est évident ! C’est ce que je pensais ! C’est exactement ce que j’ai vécu ! » L’évidence, critère de la vérité… Quand la vérité rejoint la  vie à ce point ; quand, à ce point, la vie se reconnaît dans la vérité – ce n’est pas seulement l’effet des raisonnements humains, et de l’art de démontrer et de persuader ; ce n’est pas à cause de propos simplistes mis à la portée de l’auditeur moyen. Non : par le saint Esprit, chacun s’est senti intelligent, intelligente, brillante ! En y pensant à nouveau, nous voyons – et avec quelle émotion, à notre tour – de beaux visages d’hommes et de femmes, Roumains, Français, Anglais, Italiens, transfigurés – ou : « rayonnants », de joie, d’enthousiasme, et de certitude. Nous les voyons irradiant une immense gratitude pour le Seigneur et pour ces conférenciers qui étaient plus que des conférenciers : des pères, des frères doués d’un langage prophétique ! De façon géniale, il faut dire que les conférences répondaient précisément aux questions que nous nous posons au sujet des temps redoutables qui se préparent et qui sont déjà là. La réflexion théologique de nos conférenciers pointait la crise, sinon de la science elle-même, au moins celle du scientisme. Elle suggère une réflexion approfondie sur la technologie qui tend à devenir totalitaire.

Une parole prophétique

C’est de cela dont nous avons besoin. Loin des discours académiques, des parlers doctrinaux, la vérité vécue, l’expérience de la tradition des saints Pères au quotidien, qui t’offre les mots qui te touchent, qui t’émeuvent et qui tirent par moment des larmes de joie et de reconnaissance. Tous disent unanimement : merci, Seigneur ! Merci, vous qui avez parlé à notre intelligence et à nos cœurs illuminés.1

Du jamais vu, du jamais entendu, de l’inouï – 600 ou 700 personnes interrompant quatre ou cinq fois l’orateur par ses applaudissements et, à la fin, se levant, pour applaudir, debout, pendant une minute entière, la parole théologique, mystique, expérimentale, audacieuse et prophétique qu’attend chaque membre du Corps ecclésial ! Gloire à toi, Seigneur Jésus Christ, notre Dieu, Sagesse du Père, Intelligence de nos intelligences ! Gloire à toi, Esprit très saint et très bon, gloire à toi, Lumière et enthousiasme de nos cœurs ! 

Les ateliers étaient consacrés à des préoccupations actuelles, le souci de Dieu – être chrétiens dans la vie civile ; l’apport de l’Orthodoxie en Europe ; l’éveil de l’amour des enfants pour le Christ ; l’avenir de nos paroisses ; le rôle du père spirituel ; la famille, accomplissement de l’homme et de la femme dans l’amour du Christ ; déification et technologie ; le renouveau de la pensée théologique aujourd’hui ; réseaux sociaux et médias ; rituel de l’Église et vie personnelle et communautaire ; l’attente de la jeunesse… Ces groupes de réflexion fraternelle ont été, à la suite des conférences de génie, le lieu d’échanges très profonds, très amicaux, très vrais, même s’ils n’ont presque jamais abouti à une conclusion ! Conférences et ateliers ont été enthousiasmants pour les fidèles et ont constitué l’offrande agréable que, par l’Esprit saint, l’Église du Christ apportait au Père.

L’amour fraternel

Un signe spectaculaire de la présence du saint Esprit a été l’amour qui régnait dans ces deux journées de congrès. Que ton Règne arrive ! Mais il est là, ce règne, à portée de main. Non, nous n’idéalisons pas ! Exalté, toi-même ! Et qu’avons-nous à faire dans l’Église, sinon cela ? – ouvrir les yeux pour voir le Christ présent en tout et en chacun ; pour s’émerveiller du feu de l’enthousiasme embrasant les esprits et les cœurs. De loin, tu vois les uns aller vers les autres, se rencontrant, se parlant, faisant connaissance ou se retrouvant, avec beaucoup de tendresse, des embrassements continuels, un corps à corps fraternel, les yeux dans des yeux pleins de sourire et affection. L’Esprit saint, disait une fois Père Stàniloae, est Celui qui se réjouit de l’amour de deux autres. Ce même Esprit nous réjouissait le cœur en nous montrant combien nos frères et pères s’aiment : « voyez comme ils s’aiment ! » ; et ce même Esprit se montrait dans cet amour mutuel. Bien sûr qu’il y eut des limites humaines, de la fatigue quelquefois, quelquefois une mini impatience, mais ces deux journées ont été beaucoup trop courtes ! – trop courtes pour s’aimer, pour se parler, car l’amour veut du temps. C’était une belle fête ; des groupes déambulaient dans le parc, devenu le Promenoir des amants du Christ et de son Église, en causant, un verre à la main – bien sûr ! – c’était vraiment d’une beauté spirituelle que nos yeux transfigurés eux-mêmes par la grâce contemplaient avec joie. 

L’Église, Temple non fait de mains d’homme ! L’Église, Tête et Corps du Verbe, du Dieu Homme ! L’Église, Temple du saint Esprit ! L’Église, Hiérarchie divino-humaine : elle était sous nos yeux, en son icône, dont nous faisions nous-mêmes partie, coiffée par la couronne de nos évêques, ces Bons pasteurs au visage calme de notre Synode métropolitain : nos pères en Dieu l’archevêque et métropolite Joseph, les évêques Silouane, Timothée et Marc, et les nouveaux ordonnés Athanase et Théophile, étaient les premiers à témoigner de la joie du saint Esprit. L’icône catholique de l’Église du Christ, pleine de la grâce de l’Esprit, était là : évêques, prêtres, diacres et saint Peuple de Dieu.

Travailler à la fête

L’Esprit se reconnaît également au fait qu’Il t’inspire le travail au service des frères, la précision dans l’organisation du temps et de l’espace, dans la préparation de la joie de ceux que tu aimes : être agréable à Dieu ; être agréable aux autres ! « Dressons une tente, disait une autre fois l’apôtre Pierre, et nous serons si bien ici ! » Prière faite, prière exaucée : une tente immense se déployait sans l’envahir dans le jardin de la rue de l’Exposition. Une tente ! Un arbre gigantesque se trouvait en son milieu, déplanté puis remis à sa place, selon certains ! D’autres ont dit : cet arbre a appris beaucoup de vérités ; il en sait long sur la théologie ! Bel arbre caressé et respecté ; bel arbre mémoire de nos rencontres et de nos conversations ! Merci à nos organisateurs de l’avoir si bien entouré ! Il y a tout de même dans notre Église des hommes et des femmes, des prêtres et des fidèles qui ont le génie de l’organisation de la fête : efficacité, paternité véritable dans l’art de coordonner un groupe avec douceur. Presque deux cent bénévoles, plus de dix par paroisse parisienne, hommes en bleu et femmes en bleu, étaient attentifs à tout, venant te demander par moment : « n’avez-vous besoin de rien ? », si gentiment, avec un beau sourire. 

Le temps offert gratuitement est un  temps élastique, tu ne le mesures qu’à la grâce de l’amour du Christ, celle de rendre service pour le bonheur des frères. Tel est notre salaire ! Nous avons été rétribués par la joie du Christ. Ce même Christ montre sa présence dans la justesse, dans l’exactitude, dans le respect les uns des autres et des normes de travail : le Christ est juste – de justice et de justesse… Qu’Il nous pardonne, quand nous avons manqué à l’une ou à l’autre, nous éloignant de Lui ! Mais, dans l’ensemble, tout a été accompli de façon juste, selon Jésus Christ, et de façon charismatique, selon l’Esprit – nous voulons dire « avec enthousiasme », « avec amour », « avec inspiration et invention », « avec créativité ».

Le Festival

Le but de ce trop bref Congrès (!) était annoncé dès les réunions préparatoires : se connaître les uns les autres, ressentir la communion du saint Esprit dans l’Église, l’unicité et l’unité de celle-ci assumant la diversité des cultures et des langues ; connaître par expérience l’universalité et la catholicité de l’Église. Chaque prêtre et chaque fidèle a dû pouvoir retourner dans sa paroisse, enrichi des échanges avec les autres et prêt à enrichir sa propre communauté. 

D’autres enjeux étaient annoncés : quand tu viens de quarante ans d’occupation bolchévique, à ta génération ou à celle de tes parents, tu peux être purifié par une grande vérité et une grande joie ; et enfin, et peut-être surtout, le projet était celui d’un congrès – ce qui veut dire rassemblement – qui soit un festival ! Mission accomplie ! Au refrain continuel de « Christ est ressuscité ! », nous nous sommes réunis pour fêter le mystère même de l’Église, en cette vingtième année d’épiscopat de notre métropolite, c’est-à-dire notre propre vingtième anniversaire et celui de nos enfants. 

L’Église par définition est un congrès, les fils d’Israël se rassemblent à l’appel de l’Esprit sous la tête du Fils de Dieu. Convoquée par Celui-ci, elle est réunie pour une manifestation de vérité, de vie et de joie. « Sonnez de la trompette les jours de fête », dit le prophète David en son psaume (80, 4). L’ « assemblée en fête » (Héb. 12, 23) était animée par des chants continuels et par l’incessante salutation pascale. De plus, pour notre joie et pour celle du Seigneur, chaque journée a culminé dans la musique, cette dimension de l’Église qui est celle des anges. « Chantons le Seigneur ! De tout votre cœur chantez et célébrez le Seigneur ! » (Jér. 20, 13 ; Éph. 5, 19). 

La divine Liturgie était accomplie le matin dans notre belle cathédrale métropolitaine ; et, le soir, sous la « Tente de réunion » abritant le Peuple de Dieu, tous ont ressenti une grande allégresse. Le jeudi le « bonheur pour des frères d’être ensemble » a été exprimé en roumain par la chorale des jeunes de la Cathédrale, en français par le chœur mixte de la paroisse Saint-Germain-et-saint-Cloud et, en roumain, par une chorale byzantine formée des meilleurs de nos chantres : tu suspendais ton souffle par moment tellement c’était grand et accompli. Le lendemain, le dernier de ces deux jours vite passés, les instruments ont résonné avec force : les cuivres ont fait chanter des musiques romaines et américaines, avec un tel rythme que tu aurais voulu danser ! C’est un art d’être chrétien, l’art de transfigurer la matière pour illuminer la création ; l’art de métamorphoser les rapports seulement humains en rapports divino-humains ; l’art d’introduire dans le monde, par le saint Esprit, le mode divin de l’existence. Là où est le saint Esprit, là est l’Église ; là où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu avec tous ses dons et ses charismes.

A.p. Marc-Antoine Costa de Beauregard, doyen de France

1. Le texte des conférences sera rendu accessible en version écrite, dans les deux langues.

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