Ajouté le: 17 Mai 2010 L'heure: 15:14

Qu’est-ce que le salut

Rencontre avec Son Excellence Marc et le père Jacob du monastère de Cantauque  

Le salut… Un mot qu’on entend tout le temps dans les célébrations de l’Eglise et que nous évoquons souvent. Notre façon de comprendre ce mot détermine notre perspective sur la vie. La manière d’exprimer la réalité du « salut » dans différentes langues nous aide à déceler des différences : en roumain on dit : « vreau să mă mântuiesc » (« je veux me sauver »), ce qui accentue ma participation active au salut ; la même expression en français « je veux être sauvé » semble transmettre une certaine passivité dans ce processus du salut. « Mă mântuiesc » (« je me sauve ») – cela voudrait-il dire qu’il est dans mon pouvoir d’obtenir le salut ? Si cela était vrai, alors pourquoi aurais-je besoin du Christ ? En disant « je suis sauvé », comprend-on un salut automatique, dans l’obtention duquel je n’y suis pour rien ?

Qu’est-ce que le salut

« Des jeunes de tous âges »1 se sont rassemblés les 13 et 14 mars en la Cathédrale de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, à l’invitation de la revue Apostolia et de la Fraternité Nepsis des jeunes de l’Archevêché Orthodoxe d’Europe Occidentale, afin de méditer sur ces questions avec Son Excellence Marc, évêque vicaire, et le père Jacob Langhart, higoumène du monastère de la Théotokos et de Saint Martin de Cantauque, collaborateur permanent de la revue Apostolia. La plupart des participants venaient de France (des français, des géorgiens et des roumains), mais aussi d’autres pays de l’Archevêché (Belgique, Irlande, Pays-Bas), tout comme de l’Evêché d’Italie. Nous avons eu surtout la joie d’accueillir les quelques participants de Munich et de Tübingen, membres de l’Association des Jeunes Orthodoxes Roumains d’Allemagne (ATORG), ceci étant la première fois que des jeunes des deux Métropoles orthodoxes des roumains de l’Europe Occidentale se soient rencontrés lors d’une manifestation organisée par ATORG ou Nepsis.  

Après une courte introduction de Monseigneur Marc, le père Jacob nous a entraînés, par des mots gorgés de sens, dans une vraie aventure, à la découverte de la vie chrétienne, qui a été suivie par un dialogue dynamique et dense avec les deux invités.

Alors, qu’est-ce que le salut ? Comme disait Monseigneur Marc, « c’est vraiment la question fondamentale, c’est la seule question… C’est une question qu’on a posée très souvent au Seigneur en Lui disant : Bon Maître, que dois-je faire pour être sauvé, pour avoir la vie éternelle ? Et la réponse que le Seigneur nous donne n’a rien à voir avec la morale, n’a rien à voir avec la philosophie, il s’agit de la Vie, tout simplement, parce que le Seigneur est la Vie. » Et père Jacob continuait : « En effet le christianisme n’est pas une sagesse de type philosophique, comme pourraient l’être les sagesses antiques ou le taoïsme, ce n’est pas une sagesse d’éveil comme le bouddhisme ou l’hindouisme, le salut n’est pas non plus dans le christianisme un rituel pour apprivoiser des forces occultes – les puissances divines, il n’est pas non plus un corpus du licite et de l’illicite, comme on en trouve par exemple dans l’Islam. Et si la loi morale est importante, celle-ci n’est pas pour autant la caractéristique essentielle du christianisme comme elle l’est, par exemple, dans le judaïsme. Le christianisme est la foi en un salut gratuit de Dieu dans la personne du Christ ressuscité. »

Mais pourquoi a-t-on besoin de ce salut ? « Dans le christianisme on parlera du salut parce qu’on sait que tout est perdu. Parler du salut de Dieu et nier le tragique de la situation humaine c’est ôter au salut son sens, son urgence et sa nécessité. Malheureusement il me semble que c’est une tendance du discours chrétien contemporain qui préfère montrer a priori le positif pour mieux se faire entendre : tout va bien, tout ira bien, on peut y aller. Personnellement je pense que c’est un écart et peut-être une faute de parler ainsi. Nos contemporains, et particulièrement les jeunes, ressentent très bien, même si c’est d’une manière confuse, le tragique de l’existence : les guerres à répétition, les régimes oppressifs qui prospèrent, la violence qui règne partout, la famine, les épidémies, les génocides qui se répètent, l’amour qui est bafoué, l’innocence qui est saccagée et bien à la fin, l’usure du temps, la vieillesse, la maladie et puis… la mort. On a tendance à vouloir l’oublier, et notre civilisation s’évertue à oublier le tragique de l’existence. Nous sommes invités à nous engager dans le divertissement et on peut le comprendre, parce que voir la réalité en face c’est terriblement douloureux. Je pense qu’il faut bien prendre conscience du tragique de notre existence, de notre vie. Parce que s’il n’y a pas de problème, il n’y a pas besoin de parler de salut. Si cette conscience est affaiblie, alors notre désir de salut sera affaibli aussi. »

La réaction à ces mots du père Jacob a été immédiate: Le salut est-il conditionné par l’état de décadence du monde ? Si l’homme n’avait pas péché, est-ce que le Christ se serait incarné ? « Oui, mais ce n’aurait pas été un salut, cela aurait été un accomplissement de la création. Car la création avait pour finalité d’être divinisée ! »

C’est pourquoi l’Eglise ne peut pas être juste une institution caritative ou le porte-drapeau d’une idéologie de construction d’un monde meilleur, ou bien encore un sponsor qui assure le bien-être matériel ou le succès personnel des chrétiens. Il est vrai que le Christ même et les Saints Apôtres ont prêté beaucoup d’attention aux besoins immédiats des hommes – ils ont guéri les infirmes et ont rendu la vue aux aveugles – et c’est pourquoi l’Eglise se doit de faire pareil. Mais tous ces miracles ne sont que des arrhes de la guérison définitive et intégrale de l’homme, de la libération du péché que le Seigneur Jésus est venu nous apporter, du salut qui n’est autre que l’annulation de l’état de scission entre Dieu et l’homme. Et la vocation de l’Eglise est celle d’être le théâtre de cette guérison, le lieu de la rencontre entre Dieu et l’homme.

Mais comment goûter à cette guérison, à cette délivrance ? « Spontanément on pense que ce sera par une vie droite, honnête, vertueuse, par de bonnes œuvres. Mais on se trompe totalement et gravement. Penser que je vais obtenir mon salut par mes bonnes œuvres c’est penser que je peux mériter mon salut, le décrocher comme un examen scolaire ou une coupe sportive. Il faut le dire, quitte à choquer ou à scandaliser, c’est là un christianisme à l’envers, Saint Paul le dit clairement : le don du salut est gratuit, on ne peut pas le mériter, on peut seulement en bénéficier par la foi… qui n’est pas simplement une adhésion intellectuelle à des idées, mais une relation d’amour avec la personne même du Christ. Croire c’est s’en remettre totalement au Seigneur Jésus, à partir d’un moment de conversion où je prends dans le secret de mon cœur la décision d’être à jamais au Christ. A ce moment-là je deviens disciple. Je deviens chrétien non pas parce que j’appartiens à une ethnie ou à un corps social chrétien, mais parce que je me suis donné au Christ. Celui qui s’est remis au Christ s’est remis au Vivant, il est une nouvelle créature, il est sauvé ! C’est aussi simple que cela. Il faut oser le dire. C’est pourquoi nous sommes terriblement fautifs de négliger un tel salut qui est à portée de main, à portée de cœur. C’est pourquoi nous nous égarons lorsque nous commençons à nous appliquer à mener une vie droite, honnête, morale, vertueuse, plutôt que d’entretenir cette relation que Le Christ nous a permis d’avoir avec Lui. Et de cette relation découlera une vie vertueuse. Alors la foi produit les œuvres. Car si St Paul dit qu’on n’est pas sauvé par les œuvres, l’apôtre Jaques dit : à quoi sert la foi si on n’a pas les œuvres. La foi sans les œuvres est morte. Ainsi, les œuvres témoignent que ma foi est vivante. »

Lorsque j’oublie l’appel à cette relation intime avec le Christ, je sors du périmètre du salut et je commence à pécher. Ainsi « mon premier péché c’est l’oubli. Pour ne pas pécher il me faut rester dans le souvenir du don de Dieu, et cela est une entreprise constante, quotidienne, c’est la réalisation concrète de ma conversion, de mon retour à Dieu qui doit être repris sans cesse. » Dieu ne reprend pas le don du salut, c’est moi qui m’éloigne de lui. Et, tout comme le fils prodigue, je dois retourner vers le Père miséricordieux, qui recherche tous les pécheurs, non pas pour les punir, mais pour les serrer dans Ses bras, pour les pardonner, pour les sauver. Père Jacob nous a exhortés à nous libérer de l’idée du Dieu terroriste, qui attend au tournant chacun de nos écarts pour nous punir. « Dès l’instant où vous prenez conscience de l’amour de Dieu pour vous, Qui vous prend comme vous êtes, même si vous êtes le pire de tous, je pense qu’à partir de là tout se met en ordre de façon correcte. Et ne pensons pas que la prise de conscience de l’amour de Dieu ouvre la porte à une religion laxiste. L’amour est extrêmement exigeant, vous en avez certainement fait l’expérience dans votre vie. »

* * *

Après une telle discussion, le déjeuner n’a pu être qu’une sorte de pot informel pendant lequel les deux invités ont entrepris des conversations – sérieuses et joviales en même temps – avec les participants, au point qu’ils ont eu à peine le temps de goûter aux mets délicieux préparé par les moniales des Limours et par les «neptiques» de Paris et de Lille, tout comme le dessert arrivé directement de Bruxelles.

Il y a eu ensuite la visite de Paris et l’office de vêpres, continué par un passionnant dialogue entre les participants et le père Jacob, qui nous a étonnés par sa sincérité et sa liberté de parole. Les distances et des différences d’âge sont disparues, de sorte qu’à un moment donné nous avions l’impression que c’est une discussion amicale, de problèmes concrets de la vie chrétienne dans les paroisses et dans la société, de la communion, de la liberté dans l’Eglise, de l’œcuménisme. N’ont pas manqué les discussions contradictoires, ni les réactions de la part des participants qui n’étaient pas vraiment du même avis que le père. Après deux heures environ, nous avons dû arrêter la vague des questions et nous rappeler que nous avions faim. Mais l’atmosphère de la discussion et les sujets pleins d’intérêt nous ont poussés à continuer le dialogue de façon naturelle après le dîner, tard dans la soirée, jusqu’au départ des jeunes participants  pour rejoindre leurs familles d’accueil dans la région parisienne. L’image qui m’est restée dans l’esprit, personnellement, c’est celle du groupe de jeunes debout dans le hall d’entrée de la cathédrale, autour du père Jacob, lui posant des questions, écoutant ses réponses, mais répondant eux-mêmes à ses «provocations».    

Ceux qui ont pu rester le lendemain ont eu la possibilité de participer, après la Divine Liturgie, à une table ronde improvisée, parsemée de témoignages personnels – parmi lesquels celui du père higoumène, qui nous a raconté son chemin vers l’orthodoxie – ce qui a souligné la sensation de rencontre entre personnes caractérisant toute cette fin de semaine. L’impression a dû être particulièrement forte chez ceux qui ont discuté personnellement avec le père, celui-ci n’ayant pas épargné son temps et ses forces pour répondre à ceux qui osaient lui adresser la parole.

Nous espérons que tout cela n’a pas été l’effet d’un enthousiasme passager, mais l’expression d’un vrai désir de prendre conscience du don du salut, et d’en vivre : recevons-le donc avec joie, utilisons-le, ne l’oublions pas ficelé dans une armoire, ne le laissons pas prendre la poussière. Et n’oublions pas que « nous ne sommes pas simplement des gens qui sommes sauvés et qui à cause de cela devrons vivre dans l’action de grâce, mais nous sommes aussi des gens qui ont été sauvés pour être des sauveurs. » Il appartient à chacun d’entre nous de trouver la voie la plus convenable pour mettre cela en pratique...

Propos recueillis par Bogdan Grecu (Belfast)

Notes :
1. Comme aimait dire l’ancien patriarche de Roumanie, Théoctiste, quand il avait dépassé les 90 ans.

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