Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Hymne de Saint Romanos le Mélode
Celui qui, sans mère, fut engendré par le Père avant l’aurore, aujourd’hui, sans père, a pris chair en toi sur la terre ; aussi l’étoile annonce-t-elle la bonne nouvelle aux Mages, et les anges avec les bergers chantent ton enfantement sans semence, pleine de grâce.
La vigne portait sur les bras de ses sarments la grappe qu’elle avait donnée sans le secours du vigneron, et lui disait : « Ô toi mon fruit, ô toi ma vie, toi de qui je sais que je suis ce que j’étais, toi mon Dieu, en voyant intact le sceau de ma virginité, je proclame en toi le Verbe immuable devenu chair. Je ne sais rien de la génération, je sais que tu as mis fin à la corruption, car je suis pure après t’avoir fait sortir de moi. Tu as laissé mon sein comme tu l’avais trouvé, tu l’as gardé sauf, et c’est pourquoi la création tout entière se réjouit avec moi et me crie : Pleine de grâce !
Je ne trahis pas la grâce dont tu m’as fait jouir, Maître, je n’avilis pas la dignité que j’ai reçue en accouchant de toi, car je suis la reine du monde ; puisque j’ai porté ta puissance dans mon ventre, je suis puissante sur l’univers. Tu as métamorphosé ma misère par ta condescendance, tu t’es humilié et tu as exalté ma race. À présent réjouissez-vous avec moi, terre et ciel : je porte votre créateur dans mes bras. Habitants de la terre, laissez là vos tristesses, en contemplant la joie qui a éclos dans mon sein immaculé, quand j’ai été appelée : Pleine de grâce. »
Alors, tandis que Marie chantait celui qu’elle avait mis au monde et caressait le nouveau-né dont elle avait accouché seule, celle qui a enfanté dans la douleur l’entendit ; toute joyeuse, Ève dit à Adam : « Qui vient de faire retentir à mes oreilles la nouvelle même que j’attendais ? Une vierge enfantant le rachat de la malédiction, et dont la seule voix a mis fin à mes peines, et dont l’enfantement a blessé celui qui m’avait blessée ; c’est elle que le fils d’Amos a figurée d’avance, la tige de Jessé sur laquelle a poussé pour moi un rameau dont je mangerai le fruit pour ne plus mourir, la vierge pleine de grâce.
À la voix de l’hirondelle qui gazouille au point du jour, Adam, quitte ton sommeil de mort et lève-toi ; écoute-moi. Moi ton épouse, qui jadis ai provoqué la chute des mortels, aujourd’hui je me relève. Considère les prodiges, vois la vierge ignorante de l’homme guérir notre blessure avec le fruit de son enfantement ; autrefois le serpent m’a prise, et il jubile, mais en voyant mes descendants il va s’enfuir en rampant. Il a levé la tête contre moi, mais maintenant, humilié, il flatte au lieu de railler, car il craint celui qu’a enfanté la femme pleine de grâce. »
Adam, à ces discours que compose son épouse, aussitôt secoue le poids qui accablait ses paupières, dresse la tête comme au sortir du sommeil et, ouvrant son oreille qu’avait bouchée la désobéissance, parle en ces termes : « J’entends un doux gazouillement, un charmant ramage ; mais la voix du chanteur ne me charme pas, cette fois-ci, car c’est une femme, et j’en crains la voix ; instruit par l’expérience, je redoute le sexe féminin. Le son me plaît, car il est clair, mais l’instrument m’inquiète : va-t-elle me tromper comme autrefois en m’apportant le déshonneur, la femme pleine de grâce ?
– Que les paroles de ta compagne, ô mon époux, te donnent une pleine assurance : tu ne trouveras plus jamais en moi une donneuse de conseils amers. Le passé s’en est allé, et tout est neuf grâce au fils de Marie, le Christ. Respire sa rosée et refleuris tout d’un coup, dresse-toi comme un épi, car le printemps est arrivé jusqu’à toi. Jésus-Christ souffle, douce brise : à présent que tu échappes à la chaleur implacable où tu étais ! viens, accompagne-moi auprès de Marie ; aussitôt qu’elle nous verra prosternés à ses pieds, elle s’apitoiera, car elle est pleine de grâce.
– Je reconnais le printemps, femme, et je respire les délices d’où nous avons déchu jadis ; oui, je vois un nouveau, un autre paradis, la vierge qui porte en son sein le bois de vie, celui-là même, ce bois sacré, que gardaient les chérubins pour nous empêcher d’y toucher. Eh bien, cet intouchable bois, en le regardant croître, j’ai senti, mon épouse, le souffle vivifiant qui avait fait de moi, poussière et boue inanimée, un être animé. À présent, revigoré par son parfum, je vais aller vers celle où croît le fruit de notre vie, vers celle qui est pleine de grâce.
Me voici à tes pieds, vierge, mère sans tache, et en ma personne toute la race s’attache à tes pas. Ne méprise pas tes parents, puisque ton enfant a régénéré ceux qui sont dans la corruption. Moi qui ai vieilli dans l’Enfer, Adam, le premier créé, prends-moi en pitié, ma fille, écoute la plainte de ton père ; en voyant mes larmes, aie compassion de moi, et à mes gémissements prête une oreille bienveillante. Tu vois les haillons que je porte, que le serpent m’a tissé ; assiste ma pauvreté devant celui que tu as mis au monde, pleine de grâce.
– Moi aussi, espoir de mon âme, moi aussi Ève, écoute-moi ; chasse la honte loin de celle qui a enfanté dans la douleur, car tu vois qu’à moi, misérable, les plaintes d’Adam brisent encore plus le cœur. Car, lorsqu’il se remémore les délices passées, il se retourne contre moi, criant : ‘Ah ! si seulement tu n’avais jamais éclos dans mon flanc ! Il aurait été bon de ne pas te recevoir comme aide, car je ne serais pas au fond de cet abîme.’ Et moi, ne pouvant plus supporter les reproches et l’affront, je courbe la tête en attendant que tu me redresses, pleine de grâce. »
Les yeux de Marie, en regardant Ève, à la vue d’Adam, se mettaient bien vite à pleurer. Elle se contient pourtant, elle s’applique à vaincre la nature, elle qui malgré la nature a enfanté le Christ ; mais ses entrailles se déchirent de la compassion qu’elle a pour ses parents : au Miséricordieux convient une tendre mère. Aussi leur dit-elle : « Cessez vos lamentations, je vais me faire votre avocate auprès de mon fils ; vous autres, chassez la tristesse, puisque j’ai mis la joie au monde, car c’est pour mettre à sac le royaume de la douleur que je suis venue, pleine de grâce.
J’ai un fils miséricordieux et très compatissant, d’après l’épreuve que j’en ai faite. J’observe ses ménagements : lui qui est feu, il a habité mon corps d’épines, et n’a pas consumé son humble créature. Comme un père a pitié de ses enfants, mon fils a pitié de ceux qui le craignent : telle est la prophétie de David. Réfrénez donc vos larmes, recevez-moi comme votre médiatrice auprès de celui qui est né de moi ; car l’auteur de la joie, c’est le Dieu engendré avant les siècles. Restez en repos sans vous désoler : je vais aller auprès de lui, pleine de grâce. »
Marie, par ces paroles et bien d’autres encore, ayant consolé Ève et son compagnon, s’approche de la crèche, courbe la tête et supplie son fils en ces termes : « Mon enfant, puisque tu m’as exaltée par ta condescendance, ma race indigente t’implore aujourd’hui par ma voix : Adam est venu à moi en gémissant amèrement, et la douloureuse Ève accompagne ses plaintes. Le responsable de leur état, c’est le serpent qui les a dépouillés de l’honneur, c’est pourquoi ils me supplient de les couvrir, en me criant : Pleine de grâce ».
Aussitôt que l’Immaculée eut présenté de telles prières au Dieu couché dans la crèche, celui-ci les reçut et y souscrivit. Il lui expliqua les derniers temps, en lui disant : « Ma mère, c’est pour toi et c’est par toi que je les sauve. Si je n’avais pas désiré les sauver, je n’aurais pas habité en toi, je n’aurais pas fait surgir de toi ma lumière, tu n’aurais pas été appelée ma mère. C’est pour ta race que j’habite la crèche, que volontairement je m’allaite à tes mamelles, c’est pour l’amour d’eux que tu me portes dans tes bras : moi que ne voient pas les Chérubins, tu me regardes et tu me portes, et comme un fils tu me caresses, pleine de grâce.
Je t’ai prise pour mère, moi l’ouvrier de la création, et comme un nouveau-né je grandis, moi le parfait sorti du parfait. Je suis enveloppé de langes, à cause de ceux qui jadis ont revêtu des tuniques de peau, et une caverne fait mes délices, à cause de ceux qui ont détesté les plaisirs du paradis, et qui ont aimé la corruption. Ils ont enfreint mon commandement de vie ; je suis descendu sur la terre pour qu’ils aient la vie. Mais si tu veux savoir aussi, ô sainte, l’autre action que je dois accomplir pour eux, tu partageras le trouble de tous les éléments, pleine de grâce. »
Or, quand celui qui a créé toute langue eut ainsi parlé et souscrit bien vite à la prière de sa mère, Marie dit encore : « Si je parle, ne t’irrite pas contre la boue que je suis, ô Créateur ; je vais te parler librement comme à un fils, j’ai la confiance d’une mère, car tu m’as donné, à moi ton enfant, tous les titres de gloire. Ce que tu dois accomplir, qu’est-ce que c’est ? Je voudrais le savoir tout de suite. Ne me cache pas le dessein que tu as pris de toute éternité. Je t’ai engendré tout entier ; révèle ton intention à notre égard, afin que j’apprenne ainsi toute l’étendue de la grâce que j’ai reçue, moi, pleine de grâce.
– Je suis vaincu par la tendresse que j’ai pour l’homme, répondit le Créateur. Pour moi, ma servante et ma mère, je ne te contristerai pas. Je te ferai connaître ce que je veux faire, et je prendrai soin de ton âme, Marie. L’enfant que tu portes dans tes mains, avant peu tu le verras les mains clouées, parce que j’aime ta race ; l’enfant que tu allaites, d’autres l’abreuveront de fiel ; l’enfant que tu embrasses, on doit le couvrir de crachats ; l’enfant que tu appelais vie, il te faudra le voir pendu à la croix, et tu pleureras ma mort ; mais tu me salueras quand je serai ressuscité, pleine de grâce.
Tout cela je l’éprouverai volontairement, et de tout cela la cause sera le bon vouloir que depuis toujours j’ai montré pour les hommes – vouloir d’un Dieu, qui ne demande qu’à sauver. » Marie, à ce discours, s’écria en poussant un gémissement profond : « Ô ma grappe, que les impies ne t’écrasent pas ! Quand tu auras poussé, mon enfant, que je ne te voie pas immoler ! » Mais il lui répondit ceci : « Cesse de pleurer, mère, sans comprendre si cela ne s’accomplit pas, tous ceux-là pour qui tu m’implores périront, pleine de grâce.
Tiens ma mort pour un sommeil, ma mère ; au bout de trois jours passés dans le tombeau de mon plein gré, tu me verras revivre et renouveler la terre et tous les enfants de la terre. Ces choses, mère, annonce-les à tous ; en ces choses enrichis-toi, par ces choses sois reine, de ces choses réjouis-toi. » Marie sortit aussitôt et revint vers Adam ; portant la bonne nouvelle à Ève, elle dit : « Encore un peu de patience, car vous l’avez entendu dire le sort qui l’attendait pour votre bien à vous qui me dites : Pleine de grâce. »
Saint Romanos le Mélode,
2e Hymne de la Nativité, in Hymnes, vol. II, Cerf, SC 110, Paris, 1965.
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