Ajouté le: 4 Juin 2022 L'heure: 15:14

Apprendre par cœur l'Evangile (58)

Marc 4, 1-20 - Grande Comparaison de Celui Qui Sème - 2

Si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle l’Évangile de Saint Marc a été conçu pour être appris et récité à partir de Pâques, en progressant chaque jour de deux versets en deux versets, et sachant que le Christ et ses apôtres étaient juifs, insérés dans leur milieu, et pratiquant leur religion, il est intéressant de remarquer que larécitation del’ensemble des sept paraboles qui nous occupent1, débute lors de la fête de Shavouot, selon le calendrier liturgique juif. ÀShavouot, les juifs font mémoire de ce que Dieu leur a donné la Torah sur le mont Sinaï – cinquante jours après les avoir fait sortir d’Égypte, ce qu’ils ont commémoré lors de la Pâque. Donc, à Shavouot Dieu leur présente le pacte de l’Alliance, les préceptes selon lesquels ils auront à se conduire2.

De même, à Shavouot, le Christ – Dieu-Homme – commence à énoncer la nouvelle règle de vie, celle qui mènera ses disciples jusqu’àsonRoyaume. Cette loi, il l’annonce ici de façon cryptée, sous forme de paraboles.

La parabole est une histoire à deux facettes. Sous l’apparence d’une réalité concrète, en fait, elle parle d’une réalité spirituelle :Jésus parle du Royaume, du chemin pour y accéder, et de larègle de vie quis’appliquera à ses disciples. Mais c’est caché ;le Seigneur crypte son message. Pourquoi ?

C’est ce qu’il nous révèle dans les deux versets que nous étudions aujourd’hui :

10 – Et quand il s’est trouvé seul, ceux qui étaient autour de lui avec les Douze le questionnaient sur les comparaisons. Et il leur disait :

Àvous, a été donné le mystère du Règne de Dieu, or à ceux-là qui sont dehors, tout advient en comparaisons

11 – « Afin qu’en regardant ils regardent et ne voient pas, et en écoutant, ils écoutent et ne comprennent pas, de peur qu’ils se retournent, et qu’il leur soit fait rémission. »

Mc 4, 10 - Et quand il s’est trouvé seul, ceux qui étaient autour de lui avec les Douze …

La phrase est paradoxale : il est seul … mais il est entouré de monde … ??

Être autour de lui– cette formule a été employée quelques versets auparavant : quand sa mère et ses frères veulent le soustraire à sa mission (Mc 3,21) il les laisse dehors, et il est écrit : … et regardant à la ronde ceux qui sont assis en cercle autour de lui, il dit : (…) Quiconque fait le vouloir de Dieu (Mc 3,35) (…), celui-là est ma famille.

Donc, il y a ceux du dehors :la famille de sang qui réprouve son comportement (3,21 et 3,31), ainsi que les scribes qui l’ont traité de suppôt de Satan (3,22), et sans doute d’autres parmi la foule qui s’est assemblée (3,20) ;

et ceux du dedans, du dedans de la maison où il déchiffre les paraboles, ceux qui sont assis autour de lui, bien disposés, désireux de son enseignement, ‘amoureux’3.

Donc, il est seul avec les ‘amoureux’, à l’écart des opposants, des mal disposés.

Mc 4, 11 -…le questionnaient sur les comparaisons …

Les ‘amoureux’ manifestent leur désir, ils veulent savoir :ils demandent à la Torah de se dévoiler un peu, à Jésus d’être plus explicite.

… et il leur disait …Jésusaccède à ce désir, il se met en phase avec ceux qui l’entourent.

Àvous …ceux du dedans, les ‘amoureux’.

… a été donné le mystère du Règne de Dieu …

« La réalitémêmedu Royaume4 est donnée, confiée aux disciples »écritSœurJeanne d’Arc à propos de ce verset5. La décision en est déjà prise, et se réalisera par eux ; ilssont les fondements de la future Église– bien qu’ils ne le sachent pas encore. Premier secret.

Deuxième secret : nous, après 2 000 ans de christianisme, avons une petite idée de ce qu’est ce mystère que le Christ évoque devant ses disciples, mais eux à ce moment-là ne pouvaient même pas imaginer le dessein de Dieu, que je résumerai ainsi :

Par sa mort et sa Résurrection, Jésus confère aux humains le salut.

C’est le sens de son nom : Yéshoua‘ signifie ‘Dieu sauve’, et ce n’est pas un vain mot ; il est Dieu et il sauve. Cela passe par la croix et la résurrection. Il est ‘le plus fort’ (Mc 1,7) ; vainqueurde Satan, il arrache les hommes au pouvoir de ce sinistre et cruel semeur de mort. Il est leRédempteuret réconcilie les hommes avec Dieu.

Détruisant le ‘mur de séparation’ que la chute avait érigé entre l’homme et son Créateur, Jésus va jusqu’à asseoir la nature humaine sur le Trône même de la Divinité : dans les textes de la fête de l’Ascension, on trouve cette belle formule à propos du Christ Jésus : C’est Dieu lui-même qui revient vers son Père, pour lui offrir l’humanité sauvée. (Ascension, strophe d’extinction du cierge pascal – rite occidental.)

Pour les disciples à ce moment-là de l’histoire, c’était inimaginable, inconcevable, et ils ont dû marcher dans la nuit de la foi. Quant à nous, c’est sans doute seulement avec le concours du Saint Esprit, que nous pouvons nous représenter un tel évènement, en goûter l’ineffable joie, et glorifier Dieu pour ses bienfaits.

Mais ce n’est pas tout.

Par sa Parole et par le don de l’Esprit Saint, Jésus communique aux hommes – dès leur vie terrestre – la Vie divine. Il offre la nouvelle naissance à ceux qui acceptent de ‘renoncer à Satan, à ses œuvres et à toute sa pompe’ pour se donner au Christ. Ce renoncement est au cœur du christianisme dès le sacrement du Baptême.

La venue de l’Esprit Saint en nos cœurs est fortement liée au renoncement à Satan – ce qui signifie renoncement à toutes les idoles par lesquelles ce dernier nousséduit et nousillusionne. En instillant en nous l’idolâtrie, grossière ou très subtile, il nous rend impropres à la Grâce, non compatibles avec la Sainteté de Dieu, repoussants pour l’Esprit Saint. Ici intervient le mystère du renoncement personnel à l’ ‘égo’ – mot actuel – à nos certitudes, à nos vanités, ànos idoles, en contrepartie de notre adhésion au Christ.

C’est cette expérience de renoncement à soi-même que Jésus le Sauveur va enseigner à ses apôtres tout au long de l’Évangile. Eux s’attendaient à ce que le Christ restaure la royauté terrestre d’Israël, et à ce qu’eux-mêmes y occupent de bonnes places, avec sagesse et probité, en bons juifs, estimés de leurs contemporains. Ils rêvaient d’un royaume terrestre heureux et prospère … Illusion :ce n’était pas le plan de Dieu … !

Mais Dieu va réaliser SON plan avec eux, par eux, les initiant et les illuminant peu à peu, puis, après son départ, leur envoyant l’Esprit Saint.

… or à ceux-là qui sont dehors, tout advient en comparaisons.

Donc à ceux ‘du dehors’, on sert un discours, qui recèle le message et le cache en même temps, de même que le voile épais de la princesse-Torah de la tour la rendait inaccessible. Ils ne peuvent donc pas comprendre, c’est voulu. Pourquoi ?

Mc 4, 12 – ‘Afin qu’en regardant, ils regardent et ne voient pas, et en écoutant, ilsécoutent et ne comprennent pas, de peur quils se retournent et quil leur soit fait rémission.’

Le Christ ici, cite Isaïe 6, 9-10.

Pourquoi cette menace ?On dirait ici que le Christ leur en veut, et adopte la sévérité la plus absolue. Pas de pardon … ?? Cela ne lui ressemble pas.

En fait, il faut aller dans Isaïe et prendre connaissance du contexte de la citation :

Dieu par la bouche de son prophète, s’adresse à un Israël qui néglige Dieu, désobéit, ne lui rend qu’un culte vain, un culte des lèvres et non du cœur. Israël est buté, comme un adolescent muré dans son opposition6.

C’est à cause de cet esprit de révolte, de cette volonté d’être dieux eux-mêmes qu’ils ne reconnaîtront pas le Messie et mettront à mort Jésus le Christ. Ils préfèrent ne pas comprendre la parole de Dieu, il vaut mieux qu’elle ne leur parvienne pas : sielle leur parvenait, ils auraient à se convertir, à changer de vie. Alors que l’environnement dont ils se sont entourés, leur mode de vie et de pensée, leur plaît. Il sert l’égo des puissants, leurs intérêts ; ilsl’estiment donc excellent, et ne veulent surtout pas en changer. Ils sont leur propre maître. C’est pourquoi ils se bouchent les oreilles quand Dieu parle : ils refusent d’avoir Dieu pour maître, et vont jusqu’à dire : « Supprimez-nous le Saint d’Israël. » (Is 30,11) Qu’il soit rayé de la carte, et qu’on n’entende plus parler de lui !C’est ce que l’ÉcritureSainte appelle ‘l’endurcissement du cœur’.

De peur qu’ils se retournent …, entendons :s’ils retournaient àDieu, Dieu remettrait aussitôt le péché.

Pour finir, rappelons que Saint Paul, en Romains 11, apporte un éclairage complémentaire – qui n’annule pas pour autant la responsabilité personnelle de chacun dans l’endurcissement de son cœur. Paul dit, en Rm 11, 7-15 – et c’est absolument mystérieux – qu’àcause de lendurcissement des juifs, de leur rejet pour la personne de Jésus, les païens ont pu être touchés par la Grâce, et adhérer eux, au message du Salut – et doivent donc être reconnaissants et non méprisants ou hostiles envers les juifs. Et plus encore, en Romains 11, 29-32 cette fois : les païens, méconnaissant le Dieu unique lui désobéissaient par le fait, maintenant ils sont intégrés dans le plan du Salut ;les juifs, auparavant ‘peuple de Dieu’, maintenant méconnaissent le plan du salut etdésobéissent. Et Paul conclut : Car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde.

Si on se persuade que c’est Dieu qui nous donne d’être obéissants ou désobéissants à sa volonté … on ne peut plus tirer avantage d’être à la bonne place … Seulement remercier Dieu pour sa miséricorde envers tous. Et le laisser Maître des temps.

Notes :

1. Marc 3, 24-27 pour les deux premières (la nécessaire unité dans la communauté, et la foi en celui qui est vainqueur du Fort) ; et Marc 4, 1-34 pour les cinq autres (Celui qui sème, la lampe et la mesure, la semence, et le grain de moutarde.)
2. Pour la Pâque, la sortie d’Égypte, le don de la Torah au Sinaï, voir Exode chapitres 11 à 14 ; 19 et 20,1-21 ; 24 ; et encore chapitres 32 à 34.
3. Dans l’article précédent (Apprendre par cœur n° 57), j’ai parlé de l’ ‘amoureux’  – celui qui veut connaître les secrets de la princesse-Torah, et dont la persévérance sera récompensée.
4RègneetRoyaumesont synonymes, dans la mesure oùil ny a quun seul mot en grec pour désigner la temporalitédun règne et la localisation dun Royaume.
5. Sœur Jeanne d’Arc, o.p. – Religieuse dominicaine, bibliste, 1911 – 1993.
Célèbre pour sa traduction des Évangiles, réalisée à partir du grec, et parue en 1986 pour l’édition bilingue grec-français, puis en 1992 pour le français seul. Bernard Frinking appréciait grandement cette traduction.
6. Ici, on peut lire Isaïe 6, 9-10. Et surtout, les passages qui développent le contexte de rébellion et de refus de comprendre : Is 1, 2-5 – J’ai fait grandir des fils, ils se sont révoltés contre moi (…) Ils ont méprisé le Saint d’Israël (…) ; Is 1, 9-20 ; Is 3, 8 – Leurs propos et leurs actes à l’égard du Seigneur ne sont que révolte en face de sa gloire ; Is 9, 8-9Celui qui, fier et orgueilleux, dit : (je me débrouille tout seul, je fais comme je veux)le Seigneur a dressé contre lui les ennemis (…) ; Is 30, 1Malheur, ce sont des fils rebelles. Ils réalisent des plans qui ne sont pas les miens, (…) accumulant ainsi péché sur péché ;et enfin : Is 30, 9-11 – C’est un peuple révolté (…) Ils disent aux prophètes : Supprimez-nous le Saint d’Israël.

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