Parce qu’elle pousse dans les prairies fraîches.
Je t’aurais donné ma douceur et mon parfum subtil,
Et j’aurais pu servir enfin Celui que je cherche sans grand espoir
Depuis que je suis née.
La benoîte des ruisseaux
Fleur des bois humides, tu penches la tête.
Oui, tu es bien benoîte, la cachottière, on ignore à qui va ton sourire.
Tu connais sur ta nuque le poids des papillons
Et tes pétales modestes ont bu les reflets de l’onde courante.
Tu es celle qui jamais ne lève les yeux sur l’autel
Mais tu sais, mieux que personne, peut‑être, adorer l’Éternel.
L’anémone pulsatille
Je suis du pays de l’anémone et je répète :
« Mettez toujours l’Invisible avant le visible, le surnaturel avant le naturel. »
Anémone fleuve, sur les collines du froid,
Elle fleurit en mars grise et violine, duvetée.
Et son œil d’or, quand il daigne s’ouvrir, est le premier du printemps.
Le lis martagon
Dans les genévriers nains du pâturage aux génissons,
Il enroulait ses pétales luisants autour du doigt des bergers.
Dans les vieux habits, ils songeaient à la parabole sur les lis :,
Mais une autre parabole les consolait :
« Les derniers seront les premiers… »
Le bouton d’or
« Quels beaux boutons a le vêtement de la terre ! » s’écriait un petit enfant.
Il les prit et les enfila d’une main impatiente dans ses boutonnières.
Mais le soir vint, les corolles perdirent leur brillant et le petit garçon pleura.
Sa mère pour le consoler lui dit qu’il existait, de l’autre côté du ciel,
Un monde pareil au nôtre mais où les élus restent jeunes toujours et les fleurs aussi.
L’églantine
Celle‑là est rouge comme adonide.
Elle cherche les pierres et le soleil. Elle me dit la souffrance de l’amour.
Le Christ, sur la croix, avait des églantines aux mains et aux pieds.
Mais je me suis souvenue, un poète est mort dans un camp nazi,
Une églantine à ses côtés.
Extrait de : « Herbier Alpin, Herbier Divin », Éd. Slatkine 2004 ‑ S. Corinna Bille, romancière et poétesse décédée en 1979.
Auteur qui croit ne point croire et qui croit sans croire, avec ce côté mystique et panthéiste à la fois, et cette âpreté de rocher, propres aux natifs de l’Alpe valaisanne. (note d’A. Monney)
