Ce témoignage est permanent car la sainteté n’a pas d’âge, comme le montre le fait suivant – qui rejoint en son essence celui du petit cordonnier de Saint Antoine-le-Grand. Une technicienne de surface – c’est ainsi que l’on nomme maintenant les femmes de ménage – nettoyait le logement d’une famille orthodoxe, où elle avait découvert les icônes. Donc… un jour elle se risque à leur dire, après avoir effectué sa tâche, remerciée avec chaleur par eux – et toujours surprise de l’être à chaque fois : « Parfois je prie et je pense à vous en espérant que ‘là-haut’ vous m’attendrez si je puis y arriver ! » Avec un sourire, elle le répète plusieurs fois en insistant : « Là-haut, vous m’attendrez ? », certaine du paradis pour ses employeurs… à la stupéfaction de ces derniers qui lui répondent : « Non, c’est vous, car vous y irez sûrement ! » Et de part et d’autre de protester ! Cette femme ne peut prendre de vacances et accomplit son travail non seulement à la perfection mais surtout avec son cœur, en cherchant, à chacune de ses venues, à faire plaisir à ceux pour lesquels elle travaille, sans aucun esprit de profit, ne demandant rien pour elle, n’attendant rien sinon la satisfaction maximale de ses employeurs.

Quel réconfort au milieu du monde ! Nous ne le percevons plus pour beaucoup de raisons – entre autres, nos préoccupations, notre course quotidienne et surtout notre ingratitude qui est de considérer comme normal, comme un dû, d’être servis. Nous oublions trop facilement tout ce que signifie le travail des vendeurs, des caissières, des ouvriers de la voirie et des chantiers. Et de bien d’autres qui nous permettent de vivre avec tant de commodités ! Ce sont les esclaves modernes, les constructeurs de nos pyramides… Cet été torride a vu non seulement le malaise mais la mort de travailleurs qui n’avaient pas le droit de s’arrêter lors des jours les plus brûlants. 

À notre époque de rentabilité à outrance, cette sainteté est remarquable au sens premier du terme. Elle est cachée comme une violette mais peut-être beaucoup plus fréquente que l’on pourrait croire.

« Apprenez à respecter et à aimer les gens humbles et saints. Ils sont les plus grands dans le Royaume des Cieux. Ils n’ont pas d’orgueil, sottise de base dont les riches et les puissants de ce monde souffrent. Ils accomplissent souvent leurs activités à la perfection dans ce monde, et il leur semble étonnant qu’on les loue pour cela ; cependant que les grands de la terre cherchent la reconnaissance pour le moindre de leurs actes, et souvent sans qu’ils aient été accomplis parfaitement. (…) Beaucoup de rois et de princes, en venant à connaître la douceur de la foi chrétienne, se sont dépouillés de leurs couronnes et ont fui la vanité d’une noble naissance au milieu de gens simples. Le Roi des rois, notre Seigneur Jésus-Christ, ne S’est-Il pas révélé au milieu de bergers et de pécheurs ? Saint Zéno donne ce conseil : "Ne choisis pas de place célèbre où vivre, ni ne t’associe avec des hommes au nom éminent." » (Saint Nikolaï de Jitcha – Prologue d’Ochrid).

trad. A. Monney