Pour l’homme rationnel du XX^e siècle, qui n’admet que les vérités scientifiques, il n’y a aucune raison réelle de fêter Noël, puisque tout ce que cette fête représente pour les croyants est impossible aux yeux de la raison et de la science. Comment admettre qu’une vierge ait pu donner naissance à un enfant ? Comment concevoir que Dieu se soit incarné dans un bébé ? Comment croire qu’une étoile ait annoncé la naissance du petit enfant et se soit arrêtée au-dessus de l’endroit où il se trouvait ? Croire que tout cela est vrai est, en effet, contraire à la raison et aux vérités scientifiques, car la vérité de Dieu ne peut être connue que par la foi, un moyen de connaissance infiniment supérieur à la raison humaine :

« La foi est difficile pour tout homme habitué à vivre de manière rationnelle. Mais il faut savoir, par un examen attentif de soi-même, que l’esprit humain est extrêmement limité, et ne peut pénétrer par ses propres moyens les mystères divins. La foi le surpasse, car elle est incomparablement plus subtile, plus clairvoyante et plus vaste que notre intelligence » (Saint Sophrony, « L’ascèse de la connaissance de Dieu »).

La foi n’est pas le fruit de notre intelligence, car la raison humaine ne peut connaître que les choses de ce monde. La foi est, comme l’amour, une faculté du cœur : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison » (Pascal, « Pensées »). De même, l’Enfant Jésus, dont nous fêtons la Naissance tous les ans, ne peut être connu que si chacun de nous le reçoit dans la crèche de son cœur, avec amour et une foi totale, sans essayer de comprendre le mystère insondable de l’incarnation de Dieu dans un petit enfant : « Aujourd’hui nous recevons le Christ-Enfant au milieu de nous et dans nos cœurs par la foi que Dieu Lui-même a semée en nous par Son Esprit Saint, qui raffermit en nous l’homme intérieur, pour que le Christ puisse habiter par la foi dans nos cœurs et que nous soyons enracinés et établis dans l’amour du Christ qui dépasse la connaissance, afin de  nous remplir de ”toute la plénitude de Dieu” (Eph. 3, 16-19) » (Métropolite Joseph, « Jésus, notre Seigneur, devient notre frère »).

La Naissance parmi nous du Fils de Dieu, rétablit l’unité – brisée par la chute d’Adam – entre la terre et le ciel, entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu, entre la vie mortelle et la vie éternelle : « Dans la personne divino-humaine du Christ est réalisée l’unité la plus radicale, la plus rationnelle et la plus totale de la vie d’ici-bas et de celle de l’au-delà, et par cela même, de la science d’ici-bas et de celle de l’au-delà, et l’unité entre connaissance humaine et connaissance divine » (Saint Justin Popovitch, op. cit.). 

La Naissance du Christ est un événement historique évoqué par les récits des Évangiles et représenté par de nombreuses œuvres d’art, mais c’est en même temps un événement toujours actuel, par la présence vivante, ici et maintenant, de l’Enfant Jésus dans le  cœur des croyants, afin que cette union spirituelle puisse transmettre à chacun de nous les vertus divines du Christ : « Nous attendons et désirons le Christ, Qui vient maintenant et viendra jusqu’à la fin des siècles s’abriter dans la crèche de nos âmes pour s’incarner  et croître, en se nourrissant en nous de ce qu’Il nous a donné et nous a enseigné Lui-même, ses fruits pleins de substance : la pitié, la compassion, la douceur, l’humilité, la patience dans les épreuves, l’amour, le combat pour purifier nos cœurs et nos pensées, afin de devenir dignes de voir Dieu » (Métropolite Joseph, « Il est venu pour nous relever de la torpeur du péché »).

Le Christ est né dans ce monde pour rétablir la nature originelle de l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est pourquoi la Naissance de l’Enfant Jésus doit avoir lieu dans le cœur de chacun de nous pour renouveler l’alliance, rompue par la chute d’Adam, entre l’homme et Dieu, entre notre personne mortelle et la vie éternelle. Cette renaissance intérieure en tant qu’enfants de Dieu est le but suprême de notre existence terrestre, « la seule chose qui nous soit vraiment nécessaire. Si nous l’obtenons, nous aurons tout, si nous la perdons, nous n’aurons plus rien » (Saint Tikhon de Zadonsk, « Les devoirs du chrétien envers lui-même »). Car « la vie sans le Christ, la mort sans le Christ, la vérité sans le Christ, le soleil sans le Christ, l’univers entier sans lui – tout n’est qu’un horrible non-sens, un insupportable martyre, un tourment de Sisyphe, l’enfer ! » (Saint Justin Popovitch, op. cit.).

L’enfant Jésus est notre naissance à la vie éternelle, sans laquelle notre existence ici-bas n’est que poussière et retournera à la poussière.  C’est pourquoi « cet enfant, le Christ, est le Sauveur du monde » qui incarne notre nature divine et nous montre le chemin pour redevenir ce que nous étions avant la chute d’Adam : « Le véritable et principal objectif est indiqué par la nature divine de l’homme, c’est une communication vivante avec Dieu. Dirigez aussi vers ce but tous les principaux buts personnels, scientifiques, mondains, civiques, commerciaux, officiels, et les objectifs gouvernementaux. Si tout le monde dans la société s’en tenait à ce principe, il y aurait une direction générale pour la société et un seul esprit emplirait tout le monde » (Saint Théophane le Reclus – « Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ »).  Sans le Christ, la direction générale de la société nous mènera à l’abîme – « dans les ténèbres du dehors où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt. 22, 13) – et sans l’Esprit du Christ, c’est l’esprit de Mamon qui emplira le monde.

La fête de la Nativité nous rappelle tous les ans que sans la présence du Christ en nous et dans notre vie, nous ne sommes rien et notre existence tout entière n’est que « vanité et poursuite du vent » (L’Ecclésiaste 12, 14) : « Le Christ est tout en tous. Son contraire ? le vide, le néant ! Il est le tout-être. Hors de lui : le non-être. Si le Christ n’est pas en toi, tu n’es rien, tu es un cadavre, tu es néant » (Saint Justin Popovitch, op. cit.).

La Naissance de l’Enfant Jésus est la naissance de la vie éternelle dans le monde des créatures mortelles, c’est pourquoi « rien parmi les événements qui se sont déroulés depuis des siècles sous le regard de Dieu, n’est plus profitable à chacun, ni plus divin, que ce qui touche à la Naissance du Christ que nous fêtons aujourd’hui » (Saint Grégoire Palamas, « Homélie pour la Nativité »).

L’arbre de Noël, avec ses lumières et ses décorations multicolores et scintillantes, est le symbole de la fête cosmique de la Naissance du Fils de Dieu, qui rétablit l’unité et la paix entre le ciel et la terre, entre l’homme mortel, fait de chair et de sang, et l’homme éternel, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu :

(Saint Isaac le Syrien – « Sermon de la Nativité »).