Ajouté le: 15 Janvier 2013 L'heure: 15:14

La veritable liberte (I)

« En tant qu’image de Dieu, l’homme est un être doté de conscience de soi, libre et indépendant, car un être dénué de conscience, sans liberté ni indépendance, eût été indigne d’une si haute vocation, qui consiste à faire la volonté divine du Créateur. (…)
La liberté de l’homme, celle qui est soumise à la volonté de Dieu, est illimitée, car elle est, comme tout ce qui est propre à Dieu, infinie, et puisque l’infini ne connaît aucune limite, il élargit et accroît ce qui s’associe avec lui. La liberté de l’homme rencontre des limites seulement lorsqu’elle se détourne de la loi de Dieu et s’oppose à la volonté divine, car chaque fois qu’elle s’éloigne de la loi divine et de la volonté infinie de Dieu, elle se retrouve bientôt dans le cercle étroit d’une volonté limitée, la volonté du corps et d’une nature dominée par les sens et par ses propres volontés. (…) Par conséquent, la liberté morale consiste à faire et à rechercher toujours le bien, car c’est là le désir le plus profond et constant de l’homme intérieur, sa véritable volonté, qui est l’expression de la loi morale inscrite dans nos cœurs. »

St. Nectaire d’Egine – « Le soin de l’âme »

La veritable liberte (I)

La liberté figure en tête des trois valeurs suprêmes proclamées par la révolution française – Liberté, Egalité, Fraternité – qui résument, ainsi qu’une trinité sacrée, l’idéal humaniste et démocratique des temps modernes. Cependant cette belle devise de l’homme sans Dieu n’a pas tenu ses promesses : au nom de la liberté on a rempli des prisons et on a coupé des têtes, au nom de l’égalité, des dictateurs féroces ont accédé au pouvoir, au nom de la fraternité sociale, politique, nationale ou raciale, ont été commis les crimes et les massacres les plus monstrueux de l’histoire de l’humanité, qui ont atteint des proportions planétaires, si bien que l’on a vu se constituer une fraternité mondiale dans le crime, la destruction, la haine et l’horreur. Ainsi la sainte trinité de l’humanité moderne a produit des fruits empoisonnés, aux antipodes de ses belles promesses : la liberté des tyrans, des scélérats et des canailles, l’égalité des forçats et des cadavres, la fraternité des assassins et des bourreaux. Même si le temps des massacres planétaires et des tyrannies mondiales semble révolu, le même arbre donnera toujours les mêmes fruits : la liberté de l’homme sans Dieu tue – bien plus que le tabac ! – mais nous continuons à fumer avec insouciance ce poison, qui engendre tôt ou tard la ruine de l’âme, le désespoir et le malheur : « Autrefois je n’avais que la liberté à la bouche. Je l’étendais au petit déjeuner sur mes tartines, je la mastiquais toute la journée (…) ; je ne savais pas ce que je faisais. Je ne savais pas que la liberté n’est pas une récompense, ni une décoration qu’on fête dans le champagne. (…) Oh ! non, c’est une corvée, au contraire, et une course de fond, bien solitaire, bien exténuante. (…) Ah ! mon cher, pour qui est seul, sans Dieu et sans maître, le poids des jours est terrible ! » (A. Camus – « La chute »).

Celui qui s’est éloigné de Dieu ressemble à un homme perdu au milieu d’un désert sans fin: il est tout à fait libre de choisir n’importe quelle direction, à gauche, à droite, derrière ou devant lui, mais quel que soit le chemin choisi, cela ne conduit nulle part et au bout de tous les chemins l’attend la mort. La liberté n’est alors qu’un mirage qui nous promet la vie mais nous conduit à la mort : « Nous courons sans souci dans le précipice après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir » (Pascal – « Pensées »).

Ce que l’homme sans Dieu appelle liberté n’est que le droit de chacun de choisir son chemin vers l’échafaud, car « le dernier acte est toujours sanglant quelque belle que soit la comédie en tout le reste » (Pascal, op. cit.) : « Multipliez vos jours, durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés, et qui donneront encore de l’ombre à notre postérité ; entassez dans cet espace, qui paraît immense, honneurs, richesses, plaisirs : que vous profitera cet amas, puisque le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant, abattra tout à coup cette vaine pompe, avec la même facilité qu’un château de cartes, vain amusement des enfants ? » (Bossuet – « Sermon sur la mort »).

Sans la coopération et l’aide de Dieu, tous les efforts de l’homme pour trouver par ses propres moyens le bonheur sur terre, et pour faire le bonheur de ses semblables, ont été et seront toujours voués à l’échec, aussi bien sur le plan individuel – « L’histoire d’une vie, quelle qu’elle soit, c’est l’histoire d’un échec » (J.-P. Sartre) – ou collectif : « le malheur est aujourd’hui la patrie commune, le seul royaume terrestre qui ait répondu à la promesse » (A. Camus – « L’homme révolté »).

Car lorsque l’homme se détourne de Dieu et n’obéit qu’à sa propre volonté, le mauvais usage qu’il fait de sa liberté le conduira forcément en enfer, car il sera tombé sous la domination du démon qui s’est révolté contre Dieu et a voulu bâtir son propre royaume : « A moi seul, je puis dresser en face de Dieu un empire, sur lequel Dieu ne peut rien : c’est l’enfer… Si l’homme ne comprend pas l’enfer, c’est qu’il n’a pas compris son propre cœur » (Marcel Jouhandeau, cité par P. Evdokimov – « Les âges de la vie spirituelle »).

Le matérialisme effréné qui règne dans le monde d’aujourd’hui, est le pire esclavage de l’histoire de l’humanité, car il nous attache aux choses de ce monde, soumises à l’usure du temps, et à notre corps de chair, tout aussi périssable que nos possessions, de sorte que s’attacher aux choses matérielles – cette forme solide du néant, comme la glace est la forme solide de l’eau – c’est s’attacher à la mort – « La doctrine des matérialistes : inertie universelle et mécanisme de la matière, c’est la mort » ( F. M. Dostoïevski) – et à « celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne » (Mt. 10, 28).

La crise spirituelle du monde moderne est un mal bien plus redoutable et tragique que la crise économique, car la ruine des âmes est infiniment plus grave que celle de nos banques et de nos industries : « Les pécheurs sont des malades menacés de mort spirituelle, plus redoutable que celle de la chair » (P. Evdokimov – op. cit.). Car une maladie du corps prend fin au moment de la mort, tandis que l’âme atteinte d’un mal incurable ne peut pas mourir, et sera jetée, tel le serviteur inutile de la parabole des talents, «dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt. 25, 30) : « L’enfer n’est pas autre chose que la séparation de l’homme de Dieu, son autonomie l’exclut du lieu où Dieu est présent et cet enfer nous le connaissons tous vraiment. C’est l’enfer de tous les désespérés qui explorent les profondeurs de Satan. (…) Un pessimisme acide ronge les racines de la vie, rend indifférent, imperméable à la grâce, et c’est l’enfer du cœur qui jette vers le ciel vide ses désespoirs et ses blasphèmes » (P. Evdokimov – op. cit.).

La liberté de l’homme sans Dieu consiste à choisir son enfer personnel, comme on choisit sa chaîne de télévision. Ce n’est pas l’homme qui est en enfer, mais l’enfer qui est à l’intérieur de l’homme : « le mal ainsi devient intérieur ; par contre, c’est Dieu qui devient extérieur à l’homme » (P. Evdokimov – op. cit.). Où qu’il aille, quoi qu’il fasse, l’homme sans Dieu porte partout son enfer avec lui, comme un escargot sa coquille, si bien qu’il finit par s’y accommoder et par se persuader que c’est là la condition naturelle de l’homme. Vivre en enfer sans même s’en apercevoir, c’est ce que font ces clones robotisés fabriqués en série par nos sociétés de consommation, ces somnambules heureux qui se dirigent en chantant et en dansant vers « la fournaise de feu, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt. 13, 50). La liberté de détruire le monde et de se détruire lui‑même, est la seule liberté de l’homme sans Dieu : « Là où il n’y a pas Dieu, il n’y a pas d’homme non plus. La perte de l’image de Dieu entraîne la disparition de l’image de l’homme tout court, déshumanise le monde, multiplie les « possédés » (P. Evdokimov – op. cit.).

L’homme qui rejette Dieu renonce en même temps à sa liberté : Car celui qui ne fait que sa propre volonté et ne se fie qu’à sa propre raison, devient l’esclave de sa nature animale et un instrument aveugle du démon : « Hors de Dieu la raison devient semblable à la bête et aux démons et, éloignée de sa nature, elle désire ce qui lui est étranger » (St Grégoire de Palamas – « Homélie 51 »).

Le désir de liberté, consubstantiel à la nature humaine, est la marque de notre ressemblance avec Dieu, et par conséquent, ne peut avoir un autre objet que notre retour à Dieu, but suprême de toute existence humaine, vers lequel tendent toutes nos facultés, nos désirs, nos aspirations. Car l’homme est un être qui « a faim de Dieu. Derrière toutes les faims de notre vie, il y a Dieu. Tout désir est, finalement, désir de lui » (Père A. Schmemann – « Pour la vie du monde »).

De même que la liberté d’un oiseau consiste à voler et qu’un oiseau qui se traîne par terre est un oiseau malade, de la même façon, la liberté de l’homme consiste à s’élever vers Dieu, tandis que le péché est une infirmité de l’âme qui nous tient attachés à ce bas monde, une maladie spirituelle qui paralyse les fonctions naturelles de l’âme et détruit progressivement ses forces spirituelles: « Tout comme les maladies détruisent le corps et le tuent, le péché agit de la même façon sur l’âme. L’âme affaiblie, alourdie par le poids des passions et sans cesse chancelante, ne regarde plus jamais le ciel et devient totalement incapable d’élever son regard vers la lumière de la vérité » (St. Nectaire d’Egine – op. cit.)

(à suivre)

Viorel Ştefăneanu

La veritable liberte (I)

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