Ajouté le: 3 Juin 2022 L'heure: 15:14

Protos. Iustin Marchiș: « Nous ne pouvons jamais surprendre, que ce soit en photo ou sur des caméras ou des téléphones portables, le visage d’une personne qui prie. »

La vie du chrétien peut être considérée comme un incessant périple, une recherche qui porte sur les questions fondamentales. « Celui qui veut être sauvé doit voyager avec la question », dit un vieux dicton monacal. Et l’une de ces questions fondamentales de la vie du chrétien porte sur la prière : qu’est-elle, quand la rencontrons-nous, a-t-elle un rythme ? Le protos Iustin Marchiș, prêtre servant et père spirituel au Monastère « Stavropoleos » de Bucarest nous donne des réponses.

« Si tu pries dans ta cellule, comme le Seigneur nous l’a enseigné, fais-le en esprit, afin de ne pas le prier seulement pour ta maison, mais aussi pour ton âme. Prie pour savoir quelle nourriture tu dois glaner pour elle, et comment, et combien ; quelle nourriture tu dois chercher pour elle et la lui déposer ; et lorsqu’il faut la peser, réfléchis dans quel but tu le fais. » (Clément d’Alexandrie, Stromates). 
Sans chercher une définition scolastique, qu’est-ce que la prière ? Elle a un but, car l’écrivain d’Alexandrie mentionne plusieurs objectifs. Plus tard, toujours dans le milieu d’Alexandrie, Évagre le Pontique allait dire de la prière qu’elle est « conversation de l’intelligence avec Dieu » (Évagre le Pontique, Parole sur la prière).

Avant d’essayer de répondre à la question de ce qu’est la prière, je commencerai par dire que nous la rencontrons. Et quand la rencontrons-nous ? Lorsque nous voyons autour de nous des gens qui prient. Comment cela commence-t-il ? Par notre mère, notre père, notre grand-mère le plus souvent. Nous les voyons prier lorsque nous sommes enfants. Je ne sais pas si dans toutes les maisons de Roumanie et dans toutes les maisons des autres pays orthodoxes cela se passe ainsi, que ce soit le matin ou le soir. C’est comme une autre perception que l’on peut avoir. Comment apprend-on la beauté ? La voit-on seulement de ses yeux, s’y élève-t’on seulement par son propre cœur, ou bien le fait-on par l’intermédiaire de personnes qui nous l’enseignent (plutôt) indirectement, comme à l’école, une école de la prière pour ainsi dire ? Alors, on parle maintenant tout le temps de homeschooling... et à juste titre il y a aussi des parents orthodoxes, des géniteurs, qui s’en réjouissent, comme c’était le cas dans les siècles passés. Et alors nous voyons, et j’ajoute que parfois aussi nous entendons. Nous ne voyons pas seulement bouger les lèvres de notre mère, de notre père, surtout de notre grand-mère. Il y a donc d’abord la vision, et ensuite pour certains l’audition aussi.

Et alors ? Où faisons-nous la rencontre de la prière ? Où la trouvons-nous ?

La rencontre avec la prière de l’Église est, je pense, fondamentale. C’est là qu’on apprend le fait d’être dans une communauté, et les choses prennent une toute autre dimension, qui dépasse la famille et les parents. Il y a plus de monde qui se rassemble, qui va dans un endroit spécifique, par conséquent il ne s’agit pas seulement de comment prier ou quand prier, mais aussi de l’endroit où nous prions. En ce qui me concerne, en tant que moine, en tant que personne qui aime les moines, j’ai eu la chance de voir que les moines du Mont Athos, par exemple, lorsqu’ils prient, ils ouvrent grand les paumes de leurs mains, après avoir fait correctement et pieusement le signe de la Sainte Croix. C’est ainsi que faisait aussi mon père, d’abord paysan des rives du Someș, en Transylvanie, et ensuite habitant de la ville, comme tant d’autres parents de notre monde roumain. Et je demande : comment peut-on faire le lien entre deux mondes ? Mon père ne le savait pas. Moi, je me le suis expliqué, parce que je l’ai vu et j’ai souhaité y chercher une explication. Alors, comment les choses se passaient-elles dans les temps anciens ? Pourquoi nous prenons en exemple les moines athonites ? Nous savons que les moines, en général, sont des gens qui prient, ce sont ceux qui prient non seulement pour eux ou pour leur pays, mais pour le monde entier. Certains disent qu’il y en a qui font justement cela : prier pour les autres. Par conséquent, nous entrons dans une communauté de prière dans l’Église, dans les offices. Or, à l’assemblée de l’église, à la divine Liturgie, les moines viennent aussi (je parle des moines de jadis, des ermites) qui ont poursuivi leur ascèse durant toute la semaine. Ils y viennent parce qu’ils considèrent qu’ils se nourrissent, selon leurs possibilités et les enseignements de leur père spirituel, seulement avec la prière de l’esprit et du cœur et les paroles de Dieu, surtout dans le livre des Psaumes mais aussi dans d’autres livres. Mais s’il y a cette catégorie, qui est je crois plus rare, les autres viennent le samedi dans le monastère, dans la communauté, et prient avec les habitants du monastère et surtout participent au Sacrifice divin. Alors, si nous prenons les choses de manière scolastique – ce que nous ne souhaitons pas ici – si nous prenons seulement ce que l’on nous apprend dans les Facultés de Théologie, parfois dans des Masters et des doctorats, ces choses ne nous sont pas si claires. Préférons-nous croître spirituellement par la prière communautaire, ou bien de devenir ermites, d’aller dans le désert ? Or, c’est une chose très présente dans la spiritualité monastique et pas seulement. 

Quel est le lien entre le geste et la prière ?

Je pense que l’exemple que j’ai donné au début montre qu’il y a beaucoup de liens entre les gens qui prient et les gestes qu’ils font, qui dépassent de beaucoup ce que nous pensons ou ce que nous imaginons. Par conséquent, en peu de mots, la prière n’est pas seulement dans les lectures que nous faisons – comme je l’ai fait et je le fais encore à présent –, mais elle est dans ce que je sens, et plus encore, dans ce que j’entends, lis et vois chez les autres. La prière est tout d’abord un état, une transfiguration, et c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons jamais surprendre, que ce soit en photo ou par les caméras ou les téléphones portables, l’image d’une personne qui prie. Nous avons cette retenue, pour cette raison : nous croyons qu’au moment où quelqu’un prie de tout son être, il s’unit, à ce moment-même, avec Dieu. Certes, cela se passe selon son état spirituel, bon ou moins bon. Mais une chose est claire, et je ne le dis pas de moi-même, mais des pères et de ceux que j’ai pu rencontrer : au moment où l’on prie, c’est comme si on était avec la personne aimée, qui peut être très loin. Il n’y a rien de plus merveilleux que de se rappeler l’enseignement de notre grand-mère, comment elle nous disait les paroles et comment nous les prononcions, comment nous participions, par amour de la grand-mère, à tout ce qu’elle faisait et ce qu’elle disait. Alors, si nous commençons ainsi notre vie dès tous petits, la prière devient une chose naturelle. Si nous parlons de ce qui était jadis, comment les autres le comprenaient – en parlant de fusion, comme les hérétiques, d’un contact avec Dieu –, Saint Grégoire de Nazianze dit clairement qu’il s’agit d’une union ; on peut aussi penser aux prières de la Liturgie, de la Proscomidie, et cela ne fait pas longtemps que le mot de mélange a été remplacé par union. Nous savons que Dieu est si profondément présent en nous lorsqu’Il nous visite, qu’Il se mélange presque avec nous. Pourtant, nous restons ontologiquement différents. Nous avons donc un Dieu personnel. Je donnerais donc une seconde définition : on ne peut pas surprendre la prière par des caméras et des photos, comme je l’ai dit, mais on peut la personnaliser, on prie d’une manière spécifique. Mais si nous cherchons dans le Nouveau Testament, nous trouvons cette parole «L’Esprit prie en nous par des soupirs inexprimables» (Romains 8, 26). Les gens d’aujourd’hui sont très visuels, et parfois ils écoutent. Je peux voir à peu près le pourcentage de ceux qui écoutent des paroles spirituelles édifiantes, y compris sur la prière, et quelle est la proportion de ceux qui écoutent des dialogues entre des philosophes et surtout de ceux qui écoutent les astrologues. Cela fait peur de découvrir que des gens que nous considérons en principe comme des fidèles, que nous rencontrons à l’église, dans la confession, peuvent confondre ces choses et cela nous surprend beaucoup de voir où nous en sommes de la prière aujourd’hui, pour la situer aussi dans le temps. C’est donc quelque chose que nous commençons à apprendre, certains d’entre nous, grâce à Dieu, comme toute chose, depuis tous petits, dans la famille. Et puisqu’on en parle... Est-ce que tous les parents, les mères et les pères, prient ensemble ? Est-ce que des mères et des pères prient ensemble depuis 1990 ? Je sais que le poète Ioan Alexandru, de bienheureuse mémoire, priait quotidiennement avec sa femme et ses enfants. Et pour aller au-delà de l’espace roumain, une fois avec le père Sofian Boghiu nous étions dans une maison de Grecs (mais ce qui est intéressant, c’est que la femme n’était pas grecque et orthodoxe, elle l’était devenu), et nous avons entendu même les enfants chanter des tropaires. Par cœur ! Or, les tropaires, les kondakia et tant d’autres chants ne sont-ils pas des prières ? Nous sommes donc arrivés de la parole à ce qui peut être compris, c’est pourquoi je crois que prier signifie comprendre à qui l’on s’adresse, à son Dieu personnel ; et ensuite on sait qu’on peut le faire même en chantant, ce sur quoi les ermites étaient réservés, comme nous le disent les Apophtegmes des Pères du désert. Mais nous savons qu’il y a une différence essentielle entre la prière chantée à Jérusalem ou à Constantinople et celles des monastères – et je parle du Mont Athos, qui est plus proche de nous. Il y a un rythme, un office dans une cathédrale, là où l’évêque est présent ; et un autre dans un monastère. Et nous revenons à la prière communautaire. Nous savons bien que par le passé il n’y avait pas autant de hiéromoines, et nous savons que dans les monastères de femmes en Grèce le prêtre peut ne pas habiter sur place mais seulement venir de temps en temps. Par conséquent, on voit que l’accent porte sur ce qui se faisait autrefois. À savoir, la prière a une continuité, de génération en génération, les gens ont prié avec le Psautier, le Livre des Heures, tout comme dans une vieille église on sait qu’il y a les prières de tous les saints et de tous ceux qui y ont prié. C’est pourquoi, quand je dis que je vais dans l’église, je ne cherche pas, comme certains, je ne sais quels états ou extases ; j’y vais par ce que j’ai appris des meilleurs où ils allaient.

(À suivre)

P. Alexandru Ojică

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