Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
L’un des saints ayant vécu en terre roumaine et qui s’est illustré par une oeuvre remarquable et même fondamentale d’un point de vue spirituel a été Saint Païssy Velitchkovsky. Il a non seulement organisé mais aussi renouvelé la vie spirituelle, en réinscrivant la vie monacale dans la tradition hésychaste, ce qui n’a pas été chose facile. Sur la vie, l’oeuvre et la théologie de Saint Païssy de Neamț, nous nous sommes entretenu avec le père professeur Constantin Pătuleanu, titulaire de la chaire de Patrologie et Littérature Patristique de la Faculté de Théologie Orthodoxe « Patriarche Justinien » de Bucarest.
Qui a été Saint Païssy de Neamț ?
Saint Païssy est né à Poltava le 21 décembre 1722. Son père était prêtre dans la cathédrale de la ville, et sa mère, Irina, une femme très pieuse, allait embrasser la vie monacale après la mort de son mari. Païssy a été le plus jeune des onze enfants de la famille Velitchkovsky. Au baptême, l’enfant a reçu le prénom de Pierre. À 4 ans, il a perdu son père. Dès son plus jeune âge, le saint a reçu une excellente éducation de sa mère et de son frère, le prêtre Jean, celui qui a continué le service de son père à la cathédrale de la ville. Depuis son enfance, il a eu un penchant pour la lecture des Écritures Saintes et des Saints Pères. De 1735 à 1739, il a suivi les cours de l’Académie Movilenne de Kiev. Il n’a pas été attiré par les études à l’Académie en raison de la méthode trop scolastique, mais il fréquentait souvent les monastères de la proximité de Kiev. C’est ainsi qu’il a connu le père Pachôme, qui allait devenir son guide spirituel. Il est entré dans le monachisme au Monastère Medvedovski, recevant le nom de Platon. Un peu plus tard il est revenu à Kiev, dans la fameuse Laure Petcherska. De là, il allait partir avec son ami Alexis vers la Moldavie. En 1743 il a rencontré le père Michel, lui aussi un immigrant dans les monastères de la Moldavie, qui lui a recommandé l’ermitage de Trăisteni, dont il était lui-même le guide spirituel. Mais l’higoumène de l’ermitage était le starets Basile de Poiana Mărului, un très bon connaisseur des Saintes Écritures et des enseignements des Saints Pères. Il a eu donc à cette occasion la possibilité de connaître personnellement le renommé starets, mais il a préféré se retirer à l’ermitage de Cârnu, où le vieux starets Onufre vivait dans l’hésychie et dans la pratique de la prière du coeur. Ici, pendant presque quatre ans et demi (1743 – 1746), dans une atmosphère de vie spirituelle profonde, il va faire l’expérience de la vie contemplative et de la prière hésychaste.
Cherchant à accomplir son rêve d’une vie spirituelle plus intense, il est parti, en 1746, vers le Mont Athos, et s’est établi près du monastère du Pantocrator, à Kyparis, où vivaient plusieurs moines slaves. Pendant trois ans, il a vécu dans la solitude, car il n’avait trouvé aucun guide spirituel qui l’introduise à la pratique de la prière hésychaste, jusqu’à l’arrivée dans la Sainte Montagne du starets Basile de Poiana Mărului. Celui-ci lui a conseillé de vivre avec quelques autres frères. C’est lui aussi qui l’a reçu définitivement dans le monachisme, lui donnant le nom de Païssy. Ceci arrivait vers l’an 1750, lorsque le moine Païssy avait l’âge de 28 ans. Bientôt, autour de lui se sont rassemblés plusieurs moines moldaves, et une communauté de 12 moines s’est ainsi formée. Ils allaient bientôt élire domicile à la Cellule du Saint Constantin, qui dépendait du monastère du Pantocrator, car ils y bénéficiaient de plus grands espaces. En l’an 1758 il allait aussi recevoir la grâce du sacerdoce par l’évêque Grégoire Râșca, lorsqu’il avait 36 ans. Puisque la communauté des moines ne cessait de s’accroître, il a été obligé de déménager à l’ermitage du Saint Prophète Élie. Comme le nombre de frères augmentait toujours, Païssy a essayé sans succès de reprendre le monastère de Simonos Petra, qui se trouvait sous l’administration turque.
Après cette tentative, il décide de quitter la Sainte Montagne, de sorte que, 17 ans plus tard, il allait déménager en 1763 avec ses 64 moines, au monastère de Dragomirna, du nord de la Moldavie, avec l’accord des princes Gabriel Calimachi et Grégoire Calimachi. Ici, Saint Païssy a fondé un établissement monastique en se guidant selon les règles de trois saints : Saint Basile le Grand, Saint Théodore le Studite et Saint Nil Sorski. On doit remarquer le fait que les offices se faisaient alternativement en roumain et en slavon. L’ascèse était orientée vers la prière, et on mettait l’accent en particulier sur la prière de Jésus mais aussi sur les voeux de pauvreté et d’obéissance. De même, les moines devaient se confesser quotidiennement, en dévoilant leurs pensées devant le père spirituel. En hiver, Saint Païssy avait l’habitude de tenir des homélies devant tous les moines. Les thèmes étaient toujours orientés vers la littérature patristique, qu’il traduisait avec un groupe de moines bons connaisseurs du grec. Au monastère de Dragomirna, il a fondé l’école de traducteurs des Saints Pères, qui a atteint son apogée au monastère de Neamț. En 1775, après la fin de la guerre russo-turque (1768 – 1774), à la suite de laquelle la Bucovine est passée sous le règne de l’Autriche, Saint Païssy s’est retiré au monastère de Secu entouré de 350 moines. Puisque le nombre de fidèles augmentait, le métropolite Gabriel lui a proposé de déménager à Neamț. Il s’y est installé en 1779, tout en continuant d’être l’higoumène du monastère de Secu. À partir de ce moment, l’activité littéraire s’est intensifiée par la présence de deux groupes de traducteurs, en roumain et en slavon. Le monastère de Neamț devenait le centre spirituel du monachisme de toute l’Orthodoxie, une « véritable école de vie hésychaste et de culture spirituelle »1.
En l’an 1790, Saint Païssy a reçu la dignité d’archimandrite. Au monastère de Neamț, Saint Païssy a réussi à fonder une communauté multinationale (Roumains, Russes, Serbes, Bulgares, Grecs), formée de plus d’un millier de moines. Vénéré aussi bien par les moines que par les fidèles, Saint Païssy a été rappelé à Dieu le 15 novembre 1794, à 72 ans. Le Grec Constantin Caragea, après avoir rencontré le Saint Père Païssy, le décrit ainsi : « Pour la première fois de ma vie j’ai vu l’incarnation de la sainteté, et non pas une sainteté dissimulée. J’ai été impressionné par son visage lumineux et pâle, exsangue, par sa barbe touffue et longue, brillante comme l’argent, par la propreté de ses habits et de sa cellule. Sa parole était douce et sincère... Il avait l’air d’un homme complètement détaché des choses corporelles »2.
Que représentait la vie monacale pour Saint Païssy ?
En scrutant la vie de Saint Païssy, on peut constater que dès son enfance il a ardemment désiré de revêtir le vêtement monacal. Les grands pères spirituels des ermitages de Trăisteni et Cârnul, les starets Michel et Onufre, qui ont guidé ses pas dans le monachisme, ont constaté chez le jeune moine un penchant vers les choses spirituelles, en l’appelant « un vieux jeune ». Il a été préoccupé particulièrement par la lecture des Écritures Saintes et des écrits des Saints Pères, surtout afin de trouver des modèles spirituels pour guider les âmes vers le salut. Saint Païssy tenait, d’habitude en hiver, de véritables conférences spirituelles devant tous les moines, à partir du 15 novembre et jusqu’au Dimanche des Rameaux.
Dès l’époque où il se trouvait au Mont Athos, Païssy, ne trouvant pas de guide, a considéré qu’il devait assumer comme guide Dieu Lui-même et les enseignements des Saints Pères. C’est ainsi qu’il a commencé à chercher dans les monastères du Mont Athos des manuscrits et des écrits des Saints Pères.
Dans la vie spirituelle, ne pas avoir un guide est une chose risquée sinon dangereuse. Irénée Hausherr montre clairement qu’il s’agit d’une paternité véritable, non seulement légale ou métaphorique. Malgré cela, Saint Païssy nous montre que par la prière il n’est pas impossible de progresser. Quel est le rôle de la prière du coeur dans le parcours spirituel de Saint Païssy ?
Saint Païssy a reçu de Dieu la grâce de la prière du coeur, qu’il a promue parmi ses disciples. Tout lecteur de la vie de Saint Païssy peut constater qu’il a dédié toute sa vie à l’étude de l’Écriture Sainte, à l’étude des textes des Saints Pères et à l’expérience divine de la prière du coeur, pratiquée dès le début de sa vie spirituelle. Il a été aussi préoccupé par la réintroduction de la pratique de la prière du coeur (hésychaste) dans la vie monacale. Par conséquent, Saint Païssy doit être vu plutôt comme celui qui a renouvelé la vie monacale authentique dans la tradition des Saints Pères hésychastes, plutôt que comme un simple réorganisateur de celle-ci.
On doit rappeler que Saint Païssy a écrit deux ouvrages sur la prière du cœur : Écrits sur la prière hésychaste (en 1770) et Confirmation pour la prière hésychaste 1793 (Teopempt). La raison de ces écrits ? Nous savons qu’il y a eu des moines qui ont osé calomnier la toute bénie prière de Jésus, dont l’œuvre sainte et divine s’accomplit avec l’esprit dans le coeur, comme le rappelle Saint Païssy. Nous nous rappelons, par exemple, que la pratique de la prière hésychaste a produit au 14è siècle un puissant courant d’opposition, avec en tête Barlaam de Calabre, Grégoire Achindin et Nicéphore Gregoras. En même temps, le mouvement de renouveau spirituel promu au 17è siècle par Saint Païssy par la pratique de la prière hésychaste n’est pas restée sans opposants, surtout des moines comme Athanase le Moldave et Teopempte du monastère de Poiana Voronei.
Tout comme Saint Grégoire Palamas au 14è siècle a dû répondre aux accusations apportées à la pratique hésychaste et à l’enseignement sur la grâce et la réalité des énergies incréées, de même Saint Païssy a dû défendre la pratique de la prière du coeur devant ceux qui osaient la dénigrer. Mais lorsque les paroles semblaient insuffisantes pour défendre la règle de prière hésychaste, Saint Païssy s’agenouillait lui-même dans la prière pour le salut des frères ignorants : « C’est ainsi que moi, celui qui n’est que poussière, en agenouillant mon esprit dans le coeur devant la divine grandeur de ta gloire inaccessible, je Te prie, mon très doux Jésus, Fils unique et verbe de Dieu, éclat de la grâce et image en hypostase du Père, Qui as illuminé l’aveugle né, illumine mon esprit enténébré et mon intelligence, et accorde Ta grâce à mon âme malheureuse, pour que mes efforts soient pour la gloire de Ton très saint nom et pour le profit de ceux qui souhaitent, par l’oeuvre de la sainte prière de l’esprit, s’unir en esprit avec Toi, notre Dieu, et Te porter, Toi la perle inestimable, dans leur coeur et dans leur âme ; et pour l’amélioration de ceux qui par leur basse ignorance ont osé dénigrer cette oeuvre divine »3.
La priere hesychaste est l’oeuvre de l’esprit divin et de la garde du paradis du cœur, qui devient lumiere et illumination du monde
Saint Païssy souligne particulièrement le fait que beaucoup de pères, guidés par une mystérieuse inspiration divine, ont écrit sur cette divine prière de l’esprit des livres remplis d’enseignements de la sagesse du Saint Esprit, selon la puissance des Écritures divines de l’Ancien et du Nouveau Testament. Et alors, si l’invocation du nom de Jésus est porteuse de salut, et l’esprit et le coeur de l’homme sont l’œuvre des mains de Dieu, alors comment cela pourrait être un péché de faire remonter par l’esprit, de la profondeur du cœur, la prière vers le très doux Jésus et demander Sa miséricorde ? Certains ont dénigré la prière de l’esprit, dit Saint Païssy, en considérant que la prière mystérieuse qui se fait dans le cœur ne serait pas écoutée par Dieu, mais seulement celle qui est dite à haute voix. Saint Païssy accentue le fait que Dieu connaît tout et demande un sacrifice pur et immaculé, à savoir une telle prière mystérieuse qui remonte des tréfonds du cœur : «Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.» (Matthieu 6, 6).
Que doit faire un fidèle pour acquérir cette prière du cœur?
Saint Païssy souligne en revanche aussi qu’il est absolument nécessaire de se purifier des passions, car nous ne pouvons pas chanter à Dieu un chant en terre étrangère, selon ce que disent les Saintes Écritures : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, Et nos oppresseurs de la joie : Chantez-nous quelques-uns des cantiques de Sion ! Comment chanterions-nous les cantiques de l’Éternel sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie ! » (Psaume 136, 1-5). Saint Païssy, comme quelqu’un qui durant toute son existcence a étudié les Écritures, rappelle que l’Apôtre avait dit : « Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile. Que faire donc ? Je prierai par l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence ; je chanterai par l’esprit, mais je chanterai aussi avec l’intelligence. » (1 Corinthiens 14, 14-15) ou « Je dors, mais mon coeur veille » (Cantique des Cantiques 5, 2).
Comme argument pour la prière du cœur, Saint Païssy apporte des témoignages de l’expérience de Saint Jean Chrysostome qui dit dans sa 19è Homélie à l’Évangile de Matthieu que la prière ne doit pas être faite seulement par la bouche et la langue, mais aussi de manière mystérieuse, élevée sans voix, des tréfonds du cœur, et qu’il nous apprend à la faire non pas corporellement, ni en élevant la voix, mais par la volonté la plus ardue, en toute tranquillité, en triomphant des pensées et avec des larmes intérieures, avec toute la douleur de l’âme et en fermant la porte aux pensées. L’archevêque de Constantinople apporte un témoignage aussi à partir du livre de la Genèse, lorsque Moïse crie à Dieu, et Il lui répond : « Pourquoi tu cries vers Moi » (Genèse 14, 15). « Soupire donc toi aussi comme ce Moïse, conseille Saint Jean, je ne t’en empêche pas ! Déchire ton cœur (comme l’a dit le prophète), et non pas tes habits ! Appelle Dieu des profondeurs, car il est dit : „Des profondeurs je crie vers Toi, Seigneur” (Psaume 129, 1). Fais surgir ta voix des profondeurs de ton cœur, fais un mystère de ta prière (...) car tu ne pries pas les hommes, mais Dieu, Qui est partout et Qui t’entend avant d’avoir prononcé une parole et Qui connait les pensées avant qu’elles soient dites »44. « Et parce qu’Il est invisible, telle doit être aussi ta prière », poursuit Saint Païssy qui insiste sur le fait que, à côté de la prière prononcée par la bouche, il y en a une autre, mystérieuse, invisible, sans voix, prononcée dans la profondeur du cœur et élevée vers Dieu, qu’Il accueille comme un sacrifice pur et de bonne odeur spirituelle, dont Il se réjouit, voyant ainsi l’esprit uni à Lui dans la prière.
Mais, par ailleurs, l’effort dans la vie spirituelle n’est pas toujours couronné de succès.
Les causes de l’échec dans la pratique de cette prière sont multiples et Saint Païssy les énumère également :la prière faite sans la lecture des Saintes Écritures ; le manque de confiance dans les enseignements des Saints Pères de l’Église, qui nous enseignent la prière de l’esprit par la sagesse du Saint Esprit et selon la puissance des Saintes Écritures ; l’ignorance qui vient du manque de lectures des enseignements des Saints Pères, qui réunissent toute la sagesse de la vie selon l’Évangile.Mais, tout en faisant un ardent plaidoyer pour la lecture des livres des Saints Pères, Saint Païssy insiste sur le fait que ceux-ci, illuminés par la grâce de Dieu et affermis sur le rocher des Saintes Écritures, nous enseignent cette très sainte prière de l’esprit mystérieusement accomplie dans le cœur.
On peut remarquer l’une des préoccupations particulières de Saint Païssy dans l’effort qu’il a mis pour présenter aux moines la source de la prière de l’esprit. Saint Païssy considère ainsi que selon les enseignements des Saints Pères, il y a en fait deux prières de l’esprit : l’une des néophytes, qui est l’œuvre ; et une autre des parfaits, qui est la vision. La première est le commencement, et la seconde l’accomplissement, car l’oeuvre de la prière est la montée vers la vision. Et ici Saint Païssy suit Saint Grégoire le Sinaïte qui soutient qu’il existe huit visions : 1. La vision de Dieu, sans image et sans commencement et incréée, et origine de tout, de la divinité Une en trinité et suressentielle ; 2. L’ordre et la disposition des puissances de l’intelligence (de la pensée) ; 3. L’état qui dispose ensemble tout ce qui est ; 4. La descente du Verbe selon le plan divin ; 5. La Résurrection de tous ; 6. Le terrible second avènement du Christ ; 7. Les tourments éternels ; 8. Le Royaume des Cieux qui n’a pas de fin.
Qu’entend Saint Païssy par l’œuvre ? Et par la vision ?
En premier lieu, le père a en vue la prière qui œuvre, à savoir l’ascèse et la vertu. Le Père Païssy appelle œuvre toute l’ascèse monastique, à savoir : l’accumulation des vertus ; la douceur, l’humilité et la patience ; la soumission à Dieu par l’âme et par le corps ; le jeûne, la veillée, les larmes, en un mot toute la règle de l’église et de la cellule ; tout pour la pratique de la prière de l’esprit accomplie dans le secret. Dans cet état, l’esprit est encore guidé par la maîtrise de soi et par la volonté humaine, c’est pourquoi cela s’appelle œuvre, donc pas encore vision.
Ensuite, passant à la prière visionnaire caractérisée par le frisson et la vision, Saint Païssy de Neamț affirme que celui qui arrive à l’étape de la prière visionnaire, à la suite de laquelle celui qui prie a le frisson de la présence et de la vue de Dieu, fait l’expérience de l’extase mystique, et sort de lui-même pour s’unir au Seigneur, alors cet homme, avec l’aide de Dieu et de l’ascèse mentionnée plus haut, et avec une profonde humilité, va purifier son âme et son cœur de toute passion spirituelle et corporelle. Alors : «la grâce de Dieu, mère de tous les biens, prenant l’esprit qu’il a purifié, comme un petit enfant, par la main, l’élève comme sur des marches vers la vision spirituelle dont nous avons parlé, en lui découvrant, à la mesure de sa pureté, les ineffables mystères divins que l’esprit ne peut saisir. C’est là la prière visionnaire, ou, selon Saint Isaac le Syrien, la prière pure, dont viennent les frissons et la vision.»5
Le paradis – commencement de la priere du cœur
Mais le Père Païssy souligne aussi que dans cette œuvre, l’homme n’est pas seul, parce qu’il ne pourrait pas, par ses propres forces, progresser par la prière du cœur dans la montée vers la vision de Dieu. Donc Dieu et l’homme sont partenaires dans cette œuvre. Sans l’aide de la grâce et sans l’intervention de Dieu il n’est possible ni de sentir le frissonni de voir. Mais si, continue Saint Païssy, quelqu’un a l’audace de monter vers une telle vision sans la lumière de la grâce de Dieu, et a des pensées, alors il faut savoir qu’un tel homme, selon Saint Grégoire le Sinaïte, « imagine des hallucinations, et non pas la vision, recevant par l’esprit menteur des visions mensongères et hallucinantes »6.
Une autre préoccupation importante de Saint Païssy concerne le lieu où commence la divine prière de l’esprit. Saint Païssy considère que la prière du coeur commence par la création elle-même. Il utilise dans son argumentation l’expérience des pères qui l’ont précédé, en prouvant par cela la continuité avec l’expérience et le vécu des Saints Pères de l’Église.
Quelle est l’origine de la prière du cœur ?
Saint Nil l’Ermite nous dit que la divine prière de l’esprit a été donnée par Dieu dans le Paradis. À son tour, Saint Nil le Sinaïte appelle la prière l’œuvre du Paradis, car l’homme a été appelé à travailler et à garder le Paradis. Dieu créant l’homme selon Son image et Sa ressemblance, Il l’a mis dans le paradis des délices pour travailler les jardins éternels, à savoir les pensées divines les plus pures, les plus élevées et les plus parfaites. Cela veut dire qu’il a été donné à celui qui était pur dans son âme et dans son coeur de demeurer dans la bienheureuse prière visionnaire, saintement œuvrée seulement en esprit, à savoir dans la très douce vision de Dieu, et la garder fermement comme la prunelle de l’oeil, comme une œuvre naturelle du Paradis, pour que jamais elle ne diminue dans l’âme et dans le cœur. C’est pourquoi, dit Saint Païssy, grande est la gloire de la sainte et divine prière de l’esprit, dont le début et l’accomplissement ont été donnés par Dieu à l’homme dans le Paradis, où elle a son origine.
Nous pouvons aussi dire, à la suite de Saint Grégoire Palamas (Parole à l’Entrée dans le Temple) que la Très Sainte Mère de Dieu la Vierge Marie est également source de la prière de l’esprit. « La Vierge Marie, séjournant dans le temple dans le Saint des Saints, a appris la prière de l’esprit comme la dernière étape dans l’élévation vers la vision de Dieu, et s’est montrée digne d’accueillir Celui que rien ne peut contenir. La Très Sainte Vierge séjournant dans le Saint des Saints et comprenant parfaitement selon les Saintes Écritures comment l’homme s’est perdu par la désobéissance, en se remplissant de la plus grande miséricorde, a assumé la prière de l’esprit vers Dieu pour que le genre humain reçoive au plus vite le pardon et le salut. C’est ainsi que, en pesant toutes choses, la Vierge a considéré la prière comme la plus merveilleuse et la plus glorieuse et meilleure que toutes paroles, cherchant maintenant à parler à Dieu plus clairement, car elle venait vers Lui en priante, et plus encore, comme une élue de Dieu, car Il l’a Lui-même ordonnée pour Lui »7.
Le Christ Seigneur, fondement de la priere du cœur
Et surtout, Saint Païssy considère que la prière hésychaste a un fondement inébranlabledans les paroles du Christ Seigneur : « Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Matthieu 6, 6). Le Père Païssy apporte un témoignage pour la prière du cœur par l’expérience de Saints Pères comme Saint Jean Chrysostome, Saint Basile le Grand, Saint Diadoque de Photicée ou Saint Syméon de Thessalonique, qui ont fait œuvre de théologie comme des Pères porteurs de Dieu, ayant reçu la sagesse par l’illumination du Saint Esprit, et qui par leur enseignement sont un fondement pour la prière sans voix, qui s’accomplit dans le secret dans l’homme intérieur et est élevée vers Dieu du tréfonds du coeur sur le rocher inébranlable de la divine Écriture du Nouveau et de l’Ancien Testament, à partir desquels ils ont apporté beaucoup de témoignages.
La sainte prière de l’esprit est un art spirituel. Saint Païssy se propose de présenter lui-même quelques éléments de l’oeuvre mystérieuse de la sainte prière du coeur, de ses origines et de son art, mais aussi quelques précisions concernant la manière dont nous, les débutants, devons apprendre sa méthode, qu’il appelle un art spirituel. De la sorte, Saint Païssy pose comme début de cet art de la prière la veille ou la sobriété de l’esprit, selon la parole de Saint Jean Climaque : « En demeurant (en esprit – précise le Père Païssy) dans les hauteurs, fais attention à toi (veille), si tu peux, et alors tu verras comment, quand, depuis quand, combien et quels voleurs viennent dérober tes raisins »8. Et Saint Hésychios dit que la sobriété est un art spirituel qui délivre l’homme des pensées passionnelles, et Nicéphore l’Ermite parle lui-aussi d’un art de la vie éternelle ou pour mieux dire céleste, qui mène à l’absence des passions. Saint Païssy précise encore qu’on ne peut parvenir à cet art sans un guide intelligent. Tout chrétien peut accomplir la règle ecclésiale, « mais apporter à Dieu un sacrifice par la mystérieuse prière de l’esprit dans le coeur, étant un art spirituel, est impossible sans instruction »9.
Interview réalisée par p. Alexandru Ojică
Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
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