Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Je m’en vais à Lui, car c’est pour moi qu’Il est venu. Je laisse mes anciens amis, car Celui d’aujourd’hui je Le désire passionnément, et puisqu’Il m’aime, à Lui mon parfum et mes caresses. Je pleure, je soupire et je cherche – mais de la bonne manière –, à Le persuader de m’aimer. Le désir du désiré me transforme, et j’aime mon amant comme Il veut être aimé. Je me prosterne en gémissant, c’est là ce qu’Il veut ; je cherche le silence et la retraite, c’est là ce qui lui plaît. Je romps avec le passé pour plaire à l’ami nouveau, en un mot je souffle, pour y renoncer, sur le bourbier de mes œuvres.1
L’adultère était sanctionné par le peuple Israël, selon l’ancienne Loi, par lapidation. Même si cela ne se produisait pas systématiquement, pour nous, aujourd’hui, le message qui s’en dégage est que ce péché est terrible et redoutable, tant sont grands le bouleversement et la souffrance qu’il entraîne dans le monde ; par là Dieu a montré que de fait ce péché mène à la souffrance et à la mort spirituelle.
L’Évangéliste Luc nous décrit cette femme pécheresse (7, 37-49), adultère, qui s’approche de Jésus et Lui lave les pieds en pleurant, et nous décrit le Seigneur se laissant laver et parfumer – comme si le parfum ne provenait pas de Lui mais du dehors, comme s’il pouvait relever son odeur à Lui, Source de toute fragrance et de toute effluve ! Et les choses se produisirent de manière à déconcerter les Pharisiens qui estimèrent que si cet homme avait été un prophète, il aurait dû savoir qui était cette femme.
« Pourquoi celui à qui l’on pardonne peu aime peu et celui à qui l’on pardonne beaucoup aime beaucoup ? ». Interroge le Seigneur (Lc 7, 47). Puis « les débauchés et les pécheurs entreront avant vous dans le Royaume des Cieux », affirme-t-Il (Mt 21, 31). Or les Pharisiens ne pouvaient saisir de telles paroles, eux qui se croyaient justes.
Le Seigneur leur décrit d’une certaine manière ce qui se passe dans l’âme de cette femme, quel fardeau elle portait en elle, le fardeau du péché, car toute la souffrance de ce monde fait suite au péché. Or la douceur du péché, sous toutes ses formes, donne satisfaction. Dans tout péché il y a une délectation, et pourtant nous en cherchons la libération, le soulagement. Quel poids pendait au cou de cette femme débauchée, elle qui vendait son corps, y trouvant une forme de plaisir, dirait-on, mais la souffrance qui s’en suivait ne pouvait être mesurée que par Dieu seul.
Quand elle vit les paroles du Christ, comme des aromates, se répandre partout et dispenser le souffle de la vie à tous les fidèles, la pécheresse, méditant sur son abjection et considérant les souffrances qu’elle lui vaudrait, détesta la puanteur de ses propres actions.2
Et de même que Dieu ne juge pas tel que nous jugeons, ne pense pas tel que nous pensons ni ne nous voit tel que nous nous voyons, Il a rencontré cette femme, cette pécheresse qui n’avait rien de bon en elle que la souffrance du péché, et Il l’a laissée entrer dans Son propre Mystère, dans Son secret, Il l’a laissée entrer dans le Mystère de Dieu avec son esprit à elle – qui pour les autres était crasseux – et avec son corps, car tout se passe dans notre corps. La rencontre avec Dieu, le mystère de la rencontre avec Dieu, l’incursion dans le mystère de Dieu se produit dans ce corps que nous soignons comme nous le faisons. C’est là que tout se passe.
Personne ne comprenait l’attitude du Seigneur qui contredisait toute la Loi de l’Ancien Testament donnée par Dieu Lui-même. Voilà qu’au lieu de la lapider avec des pierres, Dieu reçoit cette femme et la console, et plus que cela : Il se laisse toucher par elle !
Quand la rencontre de cette femme pécheresse et du Christ s’est-elle produite ? Non pas à ce moment-là, mais avant cet épisode, lorsque la femme cherchait et criait désespérée, implorant d’être libérée de sa souffrance qu’elle seule avait provoquée.
S’attachant, le cœur brisé, à tes traces, la pécheresse Te criait dans son repentir, à Toi qui connais les secrets, Christ, mon Dieu : « Comment fixerai-je les yeux sur Toi, moi qui par mes œillades ai séduit tous les hommes ? Comment fléchirai-je ton cœur miséricordieux, moi qui T’ai irrité, mon Créateur ? Reçois néanmoins ce parfum qui T’implore pour moi, et accorde-moi le pardon de la turpitude où je suis dans le bourbier de mes œuvres. »3
Nous savons qu’il y a une dépendance à la souffrance. Nous nous y habituons, si bien que lorsqu’elle nous fait défaut, nous la provoquons à nouveau inconsciemment. Il y a des souffrances qui arrivent, mais aussi des plaisirs qui surviennent par la souffrance. Bien que difficile à concevoir, si nous pensons à notre propre vie, nous voyons comme cela est vrai. La médecine explique cela autrement, par toutes sortes de processus chimiques qui se produisent bel et bien dans le corps de l’homme. Or voilà que Dieu foule aux pieds et renverse la Loi qu’Il avait Lui-même donnée : Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre (Jn 8, 7).
J’irai donc à Lui pour être illuminée. [...]Il ne me fera pas de reproches, Il ne me dira pas ‘Jusqu’à maintenant tu étais dans les ténèbres et tu es venue me voir, moi le soleil’. Aussi je prendrai du parfum, et j’irai faire de la maison du Pharisien un baptistère où je me laverai de mes fautes, où je me purifierai de mes iniquités. De larmes, d’huile et de parfums mêlés, je me remplirai une piscine où je baignerai, où je me nettoierai, où j’échapperai au bourbier de mes œuvres.4
La femme, elle qui savait en son cœur qui était Jésus, provoque alors chez les Pharisiens une contrariété qui chez certains d’entre eux fut poussée jusqu’à la haine. Haine provoquée par l’orgueil : que ce rabbi veut-il nous apprendre ? Et de fait, que s’était-il passé qu’ils n’avaient pas compris ? Il s’est produit que la femme pécheresse s’est retrouvée en un instant en présence de Dieu. Elle L’a senti, elle a vécu Sa présence, elle s’est déshabillée de son propre corps, de ses propres désirs, de ses propres souffrances, et elle a laissé se déverser en elle la grâce de Dieu, qui était là, présent.
Il est beau à voir, car Il est fils de David : Il fait mes délices, car Il est fils de Dieu et Dieu Lui-même. Je ne L’ai pas vu, mais j’ai entendu parler de Lui, et la vision m’a blessée de Celui dont la nature est invisible.5
Que se passe-t-il lorsque Dieu vient à nous et que la grâce nous habite ? Cela nous procure des larmes, nous pleurons. Les pharisiens pensaient que cette femme pleurait à cause de ses péchés – car il est possible de pleurer sur commande – mais elle ne pleurait pas sur commande, elle ne laissait pas aller son esprit symbolisé par ses cheveux essuyant et baisant les pieds de Dieu, mais pleurait parce que Dieu était là. De même lorsque Dieu Se fait sentir à nous, lorsqu’Il nous fait sentir Sa présence, cela nous donne des larmes. Nous pleurons, nous pleurons de la joie que nous procure la libération de nos souffrances intérieures, nous nous sentons illuminé, élevé, nous sentons une légèreté proprement angélique, et ne pouvons que pleurer.
Les pharisiens ne comprenaient pas cela. Ils restaient comme des pierres et guettaient encore les erreurs qu’allait faire selon eux le Seigneur afin de pouvoir L’en accuser.
Voilà que la rencontre avec Dieu tient bien souvent à des choses qui nous échappent. C’est pour cela que lorsque nous observons nos frères et leur manière de se référer à Dieu, allons plus en profondeur et disons : Dieu a une manière mystérieuse propre à chacun pour le rencontrer, un mystère de la rencontre avec chacun. Dieu seul sait de quelle manière Il opère cette rencontre avec chacun d’entre nous. Ainsi, nous ne pouvons jamais juger, ni savoir ce qui se passe dans le cœur de notre prochain, car nous ne savons ni ne comprenons pas même ce qui se passe dans notre propre cœur et notre propre personne.
Tu ne peux pas Me donner ce que tu Me dois : tais-toi au moins, pour qu’on te tienne quitte. Ne condamne pas la condamnée, ne méprise pas la méprisée. Silence ! Je ne veux rien de ta dette, ni de la sienne : Je vous donne décharge à tous les deux, et bien plus, à tous les hommes. Tu as vécu conformément à la loi, Simon, mais tu t’es endetté : pour Me rembourser, viens donc à ma grâce. La pécheresse que voilà, regarde-la comme l’Église qui s’écrie : ‘Je souffle, pour y renoncer, sur le bourbier de mes fautes’.6
Voilà que Dieu, par cette femme pécheresse, nous ouvre à nous aussi une voie différente, une autre manière de penser, lorsque nous essayons de nous mettre en présence de Dieu ou de nous faire, nous, présents à Lui, car Il est partout présent et emplit tout, ce qui signifie que nous demeurons en plein cœur d’un feu, surtout dans l’Église, nous vivons au beau milieu d’un feu continu qui brûle sans interruption, et qui est la présence de l’Esprit Saint.
† Le Métropolite Joseph
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